Claudeet Georges Pompidou : l'amour au coeur du pouvoir Replay: vous avez ratĂ©s un Ă©pisode de Claude et Georges Pompidou : l'amour au coeur du pouvoir ?Ici, sur Replay Guide, vous pouvez regarder une nouvelle fois tous les Ă©pisodes de Claude et Georges Pompidou : De Gaulle. Ce nom s’impose, en plus des rĂ©fĂ©rences mĂ©morielles Appel du 18 juin petite erreur rĂ©currente !, compte rond des anniversaires de naissance et de mort 1890-1970 et anniversaire de la bataille de France 1940 font de 2020 l’annĂ©e de Gaulle ». Premier hommage mĂ©diatique du prĂ©sident Macron au grand aĂźnĂ©, en mai dernier, et d’autres suivent. S’approprier l’hĂ©ritage du gĂ©nĂ©ral, ça ne peut pas faire de mal
 Si les discours sont suivis d’actions rĂšgle sans exception et l’une des particularitĂ©s de ses deux vies » politiques. De Gaulle reste notre dernier personnage historique. Il sort de scĂšne en 1969 et se retire pour achever ses MĂ©moires. Un an aprĂšs, la France est veuve » selon le mot de son successeur, le prĂ©sident Pompidou. L’Histoire en citations perd un auteur et acteur majeur du rĂ©cit national sur le podium, aprĂšs NapolĂ©on et devant Victor Hugo. La CinquiĂšme RĂ©publique aura d’autres hommes politiques avec des idĂ©es pour la France et beaucoup de politiciens faisant carriĂšre, mais plus de premier grand rĂŽle propre aux Ă©poques Ă©piques derniĂšre guerre mondiale, puis guerre civile d’AlgĂ©rie. Ce genre de pĂ©riodes, certes dures Ă  vivre pour les contemporains RĂ©volution, Empire, toutes les guerres, engendre des personnages hors norme. De Gaulle se rĂ©vĂšle tardivement, Ă  50 ans surdouĂ© du Verbe discours, Ă©crits et de l’Action. En 1940, il faut sauver la France en pĂ©ril. Mission plus que difficile, mais impossible n’est pas français » NapolĂ©on. En 1958, la guerre d’AlgĂ©rie est l’occasion d’un come-back historique plus rĂ©ussi que les Cent-Jours napolĂ©oniens !. De Gaulle incarne certes l’ancien monde » et ses valeurs. Ce n’est pas un homme moderne », il ne sacrifie jamais Ă  la mode de son temps et la chienlit » de Mai 68, mal comprise d’un prĂ©sident vieillissant, lui sera fatale l’annĂ©e suivante. MalgrĂ© tout, c’est le seul personnage de l’histoire qui peut nous servir aujourd’hui de rĂ©fĂ©rence par sa RĂ©sistance, son courage physique et moral, ses vues souvent prophĂ©tiques, ses ambitions nationales jamais personnelles, son honnĂȘtetĂ© absolue, sa rigueur extrĂȘme. Quant Ă  son humour prĂ©sidentiel toujours en situation, redĂ©couvrez-le !Nous dĂ©dions Ă  de Gaulle, successivement gĂ©nĂ©ral en guerre et prĂ©sident au pouvoir, une mini-sĂ©rie en deux Ă©ditos. La chronologie s’impose en bonne logique historique. Toutes les citations de cet Ă©dito sont Ă  retrouver dans nos Chroniques de l’Histoire en citations en 10 volumes, l’histoire de France de la Gaule Ă  nos jours vous est contĂ©e, en 3 500 citations numĂ©rotĂ©es, sourcĂ©es, contextualisĂ©e, signĂ©es par prĂšs de 1 200 auteurs. II. Le prĂ©sident au pouvoir. Prologue Le gĂ©nĂ©ral redevient l’éphĂ©mĂšre prĂ©sident du GPRF en sursis. On entendait abattre ce que l’on appelait l’esprit bourgeois, la puissance de l’argent, les grands seigneurs de l’économie », et pour cela on aurait besoin d’une Ă©conomie dirigĂ©e, reniant le libĂ©ralisme traditionnel, dĂ©sormais relĂ©guĂ© Ă  droite. »2847 Charte du Conseil national de la RĂ©sistance mars 1944. La Vie politique en France depuis 1940 1979, Jacques Chapsal, Alain Lancelot Le CNR Conseil national de la RĂ©sistance créé par Jean Moulin formulait dĂ©jĂ  les principales options et directions politiques de la QuatriĂšme RĂ©publique, notamment dans les domaines Ă©conomique nationalisation des grands moyens de production et des banques, planification et social SĂ©curitĂ© sociale, congĂ©s payĂ©s, conditions de travail. AprĂšs la LibĂ©ration, le CNR laisse la place au GPRF Gouvernement provisoire de la RĂ©publique française créé par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, le 23 octobre 1944. Le travail lĂ©gislatif continue et aujourd’hui encore, on se rĂ©fĂšre Ă  tout ce que nous lui devons ! C’est dĂ©jĂ  en homme d’État que le gĂ©nĂ©ral imaginait la France Ă  venir. On retrouve cette mĂȘme vision prophĂ©tique chez les RĂ©volutionnaires de 1789 en pleine guerre civile et Ă©trangĂšre, ou avec NapolĂ©on sous le Consulat et l’Empire, remarquable lĂ©gislateur Code civil, Concordat et autres institutions nationales. En 1944, les Français Ă©taient malheureux, maintenant ils sont mĂ©contents. C’est un progrĂšs. »2858 Charles de GAULLE 1890-1970, de nouveau chef du gouvernement provisoire depuis le 21 octobre 1945. De Gaulle, l’exil intĂ©rieur 2001, Jacques Baumel La France est libre, les nationalisations ont commencĂ©, la SĂ©curitĂ© sociale est créée par ordonnance, mais les conditions de vie des Français restent trĂšs dures pain rationnĂ© et cartes d’alimentation pour la plupart des produits, charbon rare et production dĂ©sorganisĂ©e. Je ne croyais pas pouvoir leur [les communistes] confier aucun des trois leviers qui commandent la politique Ă©trangĂšre, savoir la diplomatie qui l’exprime, l’armĂ©e qui la soutient, la police qui la couvre. »2860 Charles de GAULLE 1890-1970. De Gaulle, volume II 1990, Jean Lacouture De Gaulle a Ă©tĂ© portĂ© pour la seconde fois Ă  la prĂ©sidence du GPRF par l’unanimitĂ© des 565 dĂ©putĂ©s Ă©lus le 21 octobre communistes, MRP et socialistes sont les grands gagnants, radicaux et modĂ©rĂ©s, les perdants. Lors de la constitution de son gouvernement, de Gaulle ne donne aux communistes aucun des trois ministĂšres clĂ©s qu’ils rĂ©clament, mais il leur confie d’importants ministĂšres Ă©conomiques et sociaux – et la Fonction publique Ă  Maurice Thorez, toujours secrĂ©taire du PCF de 1930 Ă  1964. Rappelons que dans la RĂ©sistance, les communistes habituĂ©s Ă  la discipline ont Ă©tĂ© de remarquables organisateurs et combattants. C’est aprĂšs que les relations avec eux vont se rĂ©vĂ©ler impossibles ». Chacun, quelle que fĂ»t sa tendance, avait, au fond, le sentiment que le GĂ©nĂ©ral emportait avec lui quelque chose de primordial, de permanent, de nĂ©cessaire, qu’il incarnait de par l’Histoire, et que le rĂ©gime des partis ne pouvait pas reprĂ©senter. »2862 Charles de GAULLE 1890-1970, MĂ©moires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 1959 20 janvier 1946 le prĂ©sident du GPRF dĂ©missionne brutalement, aprĂšs trois mois au pouvoir. Le motif son dĂ©saccord avec le Parti communiste sur l’élaboration de la Constitution de la QuatriĂšme RĂ©publique. Plus fondamentalement, il incrimine dĂ©jĂ  le systĂšme des partis. Commentant son dĂ©part, il fait appel Ă  la raison pour prendre un souverain recul face Ă  l’évĂ©nement. Dans le tumulte des hommes et des Ă©vĂ©nements, la solitude Ă©tait ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se contenter, quand on a rencontrĂ© l’Histoire ? »2863 Charles de GAULLE 1890-1970, MĂ©moires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 1959 C’est le sentiment qui parle ». 20 janvier 1946. De Gaulle se retire de la scĂšne politique et sera absent de l’histoire pour une longue traversĂ©e du dĂ©sert et une relative solitude. En fait, ce n’est qu’un au revoir au pouvoir et une fausse sortie. QuatriĂšme RĂ©publique traversĂ©e du dĂ©sert de douze ans pour de Gaulle, privĂ© de tout pouvoir politique et paradoxalement trĂšs prĂ©sent. La France a gagnĂ© la bataille de la natalitĂ© en 1946, sans y gagner celle de la jeunesse et de la vie. »2849 Alfred SAUVY 1898-1990. L’Économie et la sociĂ©tĂ© française depuis 1945 1981, Maurice Parodi DĂšs 1945, de Gaulle, paternel et patriote, souhaite douze millions de beaux bĂ©bĂ©s ». VƓu trĂšs exactement exaucĂ©, fin 1958. C’est le fameux baby-boom. Le pays bĂ©nĂ©ficie de ce renouveau dĂ©mographique qui a sa pointe au dĂ©but des annĂ©es 1950. La montĂ©e des jeunes a des effets positifs sur l’économie, augmentant la demande de logements, Ă©quipements, alimentation, vĂȘtements, Ă©ducation, santĂ©, loisirs. Mais des blocages demeurent, dans la sociĂ©tĂ© inĂ©galitĂ©s et exclusion sociale dans une France vivant trop volontiers Ă  l’heure de son clocher. Le dĂ©bat sur la France moderne, amorcĂ© en 1953 et 1954, n’a pas eu de traduction parlementaire le rĂ©gime semble incapable d’assumer la nouveautĂ© dont il a facilitĂ© l’émergence » Jean-Pierre Rioux, La France de la QuatriĂšme RĂ©publique. Aujourd’hui, la France n’a plus qu’une seule ambition celle de son niveau de vie. »2851 Charles de GAULLE 1890-1970. Tout est bien 1989, Roger StĂ©phane Jusqu’à une date rĂ©cente, elle Ă©tait constamment tendue vers la rĂ©alisation d’ambitions nationales. Elle a eu l’ambition de son unitĂ©, l’ambition de ses frontiĂšres naturelles, puis l’ambition de conquĂ©rir l’Europe, la volontĂ© de se libĂ©rer de ses traitĂ©s de 1815 et aprĂšs 70, il y a eu l’idĂ©e, la grande idĂ©e de la revanche, depuis plus rien. » Il ne faut pourtant pas mĂ©priser la grande amĂ©lioration des conditions matĂ©rielles de vie le taux de croissance annuel moyen de 5 % dans les annĂ©es 1950-1960 Ă©tonne aujourd’hui encore. C’est Ă  mettre Ă  l’actif de la QuatriĂšme RĂ©publique, situant la France avant les USA et la Grande-Bretagne, mais derriĂšre l’Allemagne et le Japon, pays des miracles Ă©conomiques succĂ©dant Ă  leur dĂ©faite. Les nĂ©ophytes de la rĂ©volution [
] ont exigĂ© des nationalisations immĂ©diates. Les nouveaux dieux ont soif. »2861 Joseph LANIEL 1889-1975, AssemblĂ©e nationale constituante, 2 dĂ©cembre 1945. Annales, DĂ©bats 1946, AssemblĂ©e nationale Les nationalisations font toujours dĂ©bat en politique, quand la gauche se retrouve au pouvoir, ce qui est le cas en 1945. DĂ©putĂ© du centre-droit, Laniel s’oppose Ă  cette politique Personne ne sait oĂč elle conduit. » À l’ordre du jour, la nationalisation du crĂ©dit, mais bien d’autres secteurs sont concernĂ©s charbonnages, Ă©lectricitĂ© et gaz, usine Renault et aĂ©ronautique, transports maritimes et aĂ©riens, vague des nationalisations en 1945-1946, comme hier en 1936 et demain en 1981-1982, revĂȘt une importance mythique autant que pratique. Pour de Gaulle, la raison principale de cette grande rĂ©forme de structure est de mettre un instrument dĂ©cisif entre les mains de la Nation ». Il y a aussi une volontĂ© de revanche sur les puissances d’argent. De Gaulle ne manquera pas de rappeler au patronat dĂ©sorganisĂ© son absence Ă  Londres et dans la RĂ©sistance. Dans cette conjoncture Ă©conomique et politique, la droite minoritaire et pas trĂšs fiĂšre ne peut pas vraiment s’opposer aux nationalisations voulues par de Gaulle et la gauche. Un tiers des Français s’étaient rĂ©signĂ©s [Ă  la Constitution], un tiers l’avaient repoussĂ©e, un tiers l’avaient ignorĂ©e. »2864 Charles de GAULLE 1890-1970. Vie politique sous la CinquiĂšme RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal Il juge avec ironie la Constitution de 1946. Premier projet, rejetĂ© par rĂ©fĂ©rendum du 5 mai, second projet acceptĂ© par rĂ©fĂ©rendum du 13 octobre 1946. En fait, la LibĂ©ration a ratĂ© sa Constitution compliquĂ©e, instituant des organes nouveaux Ă  qui elle ne donne pas leurs chances, et ne supprimant aucune des institutions du prĂ©cĂ©dent rĂ©gime, elle permet certes Ă  la France de reprendre une vie parlementaire normale, mais elle prolonge la TroisiĂšme RĂ©publique avec tous ses dĂ©fauts, alors qu’il lui faut affronter des problĂšmes nouveaux. L’AssemblĂ©e nationale, Ă©lue le 10 novembre, donne au PC la place du premier parti de France plus de 28 % des suffrages exprimĂ©s. Viennent ensuite le MRP 26 %, le Parti Socialiste SFIO en perte de vitesse, moins de 18 %, modĂ©rĂ©s et radicaux regroupant 25 % des suffrages
 et l’Union gaulliste, moins de 3 %. Le choix est simple modernisation ou dĂ©cadence. »2865 Jean MONNET 1888-1980, MĂ©moires 1976 Il reste l’un des PĂšres de l’Europe et le promoteur du premier plan français, dit de modernisation et d’équipement, lancĂ© le 27 novembre 1946. AprĂšs la guerre, les prioritĂ©s Ă©conomiques s’imposent reconstruire le pays, moderniser l’outil de production. Le plan est la solution rationnelle – de Gaulle, revenu au pouvoir sous la CinquiĂšme, dira que les objectifs Ă  dĂ©terminer par le Plan revĂȘtent pour tous les Français un caractĂšre d’ardente obligation ». La planification Ă  la française n’est pas dirigiste, se voulant surtout incitative, aprĂšs concertation. PrĂšs d’un millier d’acteurs Ă©conomiques sont consultĂ©s pendant un an patrons, syndicalistes, fonctionnaires, de sorte que le plan est bien acceptĂ©, en 1947. Il bĂ©nĂ©ficie Ă©galement du plan Marshall, initiative amĂ©ricaine, au niveau europĂ©en. Le jour va venir oĂč, rejetant les jeux stĂ©riles et rĂ©formant le cadre mal bĂąti oĂč s’égare la nation et se disqualifie l’État, la masse immense des Français se rassemblera sur la France. »2867 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Bruneval, 30 mars 1947. Discours et messages dans l’attente, fĂ©vrier 1946-avril 1958 1970, Charles de Gaulle À l’occasion d’une cĂ©rĂ©monie commĂ©morative de la RĂ©sistance, devant une foule de 50 000 personnes et des officiels du rĂ©gime, la grande voix s’élĂšve Ă  nouveau. Ramadier, premier prĂ©sident du Conseil de la QuatriĂšme RĂ©publique, s’empresse de dĂ©clarer Il n’y a point de sauveur suprĂȘme, ni CĂ©sar ni tribun. » Le RPF, c’est le mĂ©tro Ă  6 heures du soir. »2868 AndrĂ© MALRAUX 1901-1976, dĂ©lĂ©guĂ© Ă  la propagande du RPF. Malraux une vie dans le siĂšcle, 1901-1976 1976, Jean Lacouture Le Rassemblement du peuple français est créé officiellement le 14 avril 1947 par de Gaulle. Le gĂ©nĂ©ral ne veut plus attendre et risquer qu’on l’oublie, cependant que le contexte international fait craindre une troisiĂšme guerre mondiale ! Il va donc rassembler autour de son nom des hommes d’origine sociale et de tendance politique trĂšs diverses Anciens des rĂ©seaux et de Londres, [
] vaste clientĂšle Ă  ponctionner sur le MRP, le centre et la droite [
] des ouvriers et des petites gens déçus [
] en passant par les hĂ©ros et les fidĂšles, les compagnons » seront lĂ©gion », affirme Malraux. Le RPF triomphe aux prochaines Ă©lections municipales d’octobre 1947. L’avenir sera dĂ©cevant. Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis du monde ne sont pas encore lĂ . »2874 AndrĂ© MALRAUX 1901-1976, Appel aux intellectuels, 5 mars 1948 Ă  la salle Pleyel. AndrĂ© Malraux 1952, Pierre de Boisdeffre Les rĂȘves du XIXe siĂšcle, ceux de Michelet, Hugo, JaurĂšs et autres apĂŽtres des États-Unis du monde », sont rĂ©volus selon Malraux Pour le meilleur comme pour le pire, nous sommes liĂ©s Ă  la patrie. » Il dĂ©fend la notion d’hĂ©ritage culturel, au nom de quoi la France doit retrouver son rĂŽle en Europe. C’est aussi de Gaulle qui parle par sa voix. Mais l’appel n’est pas entendu. Autre tentative vaine le Rassemblement du peuple français RPF créé l’an dernier par de Gaulle. Sous la houlette de Malraux, il rassemble des hommes d’origine sociale et de tendance politique trĂšs diverses. Mais l’heure du retour n’est pas encore venue pour le gĂ©nĂ©ral. Malraux, inaccessible Ă  la tentation des honneurs politiques, seul des Ă©crivains de grand renom Ă  s’associer aussi Ă©troitement au gaullisme, reste le plus fidĂšle des compagnons, durant la traversĂ©e du dĂ©sert ». La politique, ce n’est pas de rĂ©soudre les problĂšmes, mais de faire taire ceux qui les posent. »2875 Henri QUEUILLE 1884-1970, nouveau prĂ©sident du Conseil, septembre 1948. Évaluation et dĂ©mocratie participative 2004, Jean-Claude Boval La formule lui est prĂȘtĂ©e, reflĂ©tant une tendance trĂšs QuatriĂšme RĂ©publique que de Gaulle doit dĂ©tester ! Venu de la TroisiĂšme, ministre prĂšs de vingt fois avant 1940, Queuille a pour mĂ©thode de contourner les difficultĂ©s. C’est le docteur tant mieux, le prĂ©sident pas de problĂšme », selon Jacques Fauvet, journaliste du Monde. C’est de l’immobilisme », dit Pleven qui, devenu prĂ©sident du Conseil, agira de mĂȘme. Le premier cabinet Queuille 11 septembre 1948-5 octobre 1949 doit faire face Ă  des grĂšves trĂšs dures et procĂ©der Ă  une dĂ©valuation du franc. AprĂšs avoir tenu treize mois, presque un record, il tombe, sa majoritĂ© Ă©tant trop composite. Il reviendra deux fois On prend les mĂȘmes et on recommence. » Le rĂ©gime des partis voit s’affronter ceux de gauche communistes, socialistes SFIO contre ceux de droite indĂ©pendants et modĂ©rĂ©s inorganisĂ©s, RPF gaulliste, et les centristes MRP, radicaux, UDSR issue de la RĂ©sistance qui tentent toujours de former une TroisiĂšme Force avec divers ralliĂ©s, lesquels monnaient leur concours plus ou moins provisoire. Cependant que de Gaulle s’exaspĂšre Le rĂ©gime des partis, c’est la pagaille. » La pagaille et/ou l’impuissance. Cela va durer encore dix ans. Jamais la marge n’a Ă©tĂ© aussi Ă©troite entre l’abandon et le salut. Jamais l’abĂźme n’a cĂŽtoyĂ© de plus prĂšs le chemin du redressement. »2880 Antoine PINAY 1891-1994, Discours d’investiture, AssemblĂ©e Nationale, 6 mars 1952. Histoire de la IVe RĂ©publique la RĂ©publique des contradictions, 1951-1954 1968, Georgette Elgey Langage gaullien, sinon gaulliste ! De Gaulle en fera son ministre des Finances en 1958. Pinay obtient l’investiture de justesse 324 voix contre 206 et 89 abstentions c’est le retour aux responsabilitĂ©s politiques de la droite, Ă©cartĂ©e du pouvoir depuis la LibĂ©ration. Mais le nouveau prĂ©sident du Conseil refuse toute Ă©tiquette, prend le portefeuille des Finances dont personne ne voulait et prĂ©sente son programme de redressement Ă©conomique et financier maĂźtrise de l’inflation et dĂ©fense du franc, Ă©chelle mobile des salaires qui rassure les syndicats, avec rĂ©duction des dĂ©penses de l’État et emprunt du Pinay. Pari rĂ©ussi – aidĂ© il est vrai par une baisse mondiale des prix. Sans moi, que seriez-vous ?— Sans vous, je serais ministre. »2882 Edmond BARRACHIN 1900-1975, dĂ©putĂ© RPF, au gĂ©nĂ©ral de Gaulle 1890-1970, juillet 1952. Recueil des textes authentiques des programmes et engagements Ă©lectoraux des dĂ©putĂ©s proclamĂ©s Ă©lus Ă  la suite des Ă©lections gĂ©nĂ©rales 1956, Assemble nationale, SecrĂ©tariat gĂ©nĂ©ral Le parti du gĂ©nĂ©ral fait long feu. Le Rassemblement se disperse. De Gaulle reproche Ă  ses troupes de pactiser avec l’ennemi, en l’occurrence le systĂšme de la QuatriĂšme RĂ©publique, notamment sous le gouvernement Pinay. L’état-major durcit sa position, les dissidences se multiplient. On peut camper sur une position en attendant la soupe, mais on ne peut remporter la victoire sans combattre. Ceux qui ne voulaient pas combattre sont allĂ©s Ă  la soupe. »2883 Charles de GAULLE 1890-1970, DĂ©claration d’octobre 1952. La Vie politique en France de 1940 Ă  1958 1984, Jacques Chapsal Le gĂ©nĂ©ral fustige en termes militaires l’intĂ©gration progressive des dĂ©putĂ©s RPF au systĂšme. Le 6 mai 1953, aprĂšs un grave Ă©chec aux municipales, de Gaulle dresse un bilan dĂ©sabusĂ© de son action et signe la fin du Rassemblement agissant en son nom Au Parlement, il [le RPF] ne saurait non plus prendre part, en corps et Ăšs qualitĂ©s, Ă  la sĂ©rie des combinaisons, marchandages, vote de confiance, investitures, qui sont les jeux, les poisons et les dĂ©lices du systĂšme. » Gouverner, c’est choisir. »2885 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, Discours Ă  l’Assemble nationale, 3 juin 1953. Gouverner, c’est choisir 1958, Pierre MendĂšs France La cause fondamentale des maux qui accablent le pays, c’est la multiplicitĂ© et le poids des tĂąches qu’il entend assumer Ă  la fois reconstruction, modernisation et Ă©quipement, dĂ©veloppement des pays d’outre-mer, amĂ©lioration du niveau de vie et rĂ©formes sociales, exportations, guerre en Indochine, grande et puissante armĂ©e en Europe, etc. Or, l’évĂ©nement a confirmĂ© ce que la rĂ©flexion permettait de prĂ©voir on ne peut pas tout faire Ă  la fois. Gouverner, c’est choisir, si difficiles que soient les choix. » Cette formule gaullienne, sinon gaulliste, empruntĂ©e involontairement ? au duc Gaston de LĂ©vis Maximes politiques, 1808, accompagne dĂ©sormais l’homme politique qui sera bientĂŽt au pouvoir. Quelques jours plus tĂŽt, dans le premier numĂ©ro de L’Express 16 mai 1953, MendĂšs France Ă©crit À prĂ©tendre tout faire, nous n’avons rĂ©ussi qu’à dĂ©tĂ©riorer notre monnaie, sans satisfaire aucun de nos objectifs [
] Ce n’est pas sur des confĂ©rences diplomatiques, mais sur la vigueur Ă©conomique que l’on fait une grande nation. » Quelques mois plus tard, devant la dĂ©route française dans la guerre d’Indochine, il ajoutera Nous sommes en 1788 », cependant que Paul Reynaud voit en la France l’homme malade de l’Europe ». En ce jour anniversaire qui est aussi celui oĂč j’assume de si lourdes responsabilitĂ©s, je revis les hautes leçons de patriotisme et de dĂ©vouement au bien public que votre confiance m’a permis de recevoir de vous. »2891 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, TĂ©lĂ©gramme au gĂ©nĂ©ral de Gaulle, 18 juin 1954. MendĂšs France au pouvoir 1965, Pierre Rouanet Son premier jour au pouvoir coĂŻncide avec celui de l’Appel, il y a quatorze ans. MendĂšs France avoue alors avoir trois grands hommes comme modĂšle PoincarĂ©, Blum et de Gaulle. Le troisiĂšme homme est sceptique sur les chances du nouveau chef du gouvernement Vous verrez, ils ne vous laisseront pas aller jusqu’au bout », lui dira-t-il le 13 octobre. Sept mois et dix-sept jours le titre donnĂ© par MendĂšs France au recueil de ses discours dit trĂšs exactement la durĂ©e de son ministĂšre, renversĂ© le 5 fĂ©vrier 1955. Les hommes passent, les nĂ©cessitĂ©s nationales demeurent. »2896 Pierre MENDÈS FRANCE 1907-1982, AssemblĂ©e Nationale, nuit du 4 au 5 fĂ©vrier 1955. Pierre MendĂšs France 1981, Jean Lacouture L’AssemblĂ©e vient de lui refuser la confiance 319 voix contre 273 par peur d’une politique d’ aventure » en Afrique du Nord. On l’accuse, dans son discours de Carthage, d’avoir encouragĂ© la rĂ©bellion des Tunisiens et des fellagas d’AlgĂ©rie, alors qu’il est partisan dĂ©clarĂ© de l’AlgĂ©rie française dont il a renforcĂ© la dĂ©fense. Contrairement aux usages et sous les protestations, il remonte Ă  la tribune pour justifier son action. MendĂšs France est restĂ© populaire dans le pays, mais de nombreux parlementaires dĂ©plorent ses positions cassantes, aux antipodes des compromis et compromissions de la QuatriĂšme RĂ©publique. Le syndicat » des anciens prĂ©sidents du Conseil et anciens ministres lui reproche de ne pas jouer le jeu politicien et de semer le trouble dans l’hĂ©micycle et ses coulisses. De Gaulle l’avait prĂ©dit Ils ne vous laisseront pas faire ! » Et MendĂšs France, pour la derniĂšre fois Ă  la tribune, dĂ©fie les dĂ©putĂ©s Ce qui a Ă©tĂ© fait pendant ces sept ou huit mois, ce qui a Ă©tĂ© mis en marche dans ce pays ne s’arrĂȘtera pas
 » Ils n’osent Ă©crire qu’une police qui torture, si blĂąmable qu’elle soit, c’est une police qui fait son mĂ©tier, une police sur laquelle on peut compter. »2909 François MAURIAC 1885-1970, Bloc-notes, I, 1952-1957 Ils ne l’écrivent pas noir sur blanc, mais cela court entre les lignes
 » En 1952, Mauriac, Ă©crivain catholique, reçoit le prix Nobel de littĂ©rature pour la profonde imprĂ©gnation spirituelle et l’intensitĂ© artistique avec laquelle ses romans ont pĂ©nĂ©trĂ© le drame de la vie humaine ». Il n’a pas pris position dans la guerre d’Indochine, mais il s’engage dĂ©sormais en faveur de l’indĂ©pendance du Maroc, puis de l’AlgĂ©rie, et condamne l’usage de la torture par l’armĂ©e française. Dans une mĂ©ditation douloureuse et brĂ»lante intitulĂ©e Imitation des bourreaux de JĂ©sus-Christ, il dĂ©nonce l’État tortionnaire, et non plus seulement l’État policier, lors de l’allocution de clĂŽture de la Semaine des intellectuels catholiques, Ă  Florence, en novembre 1954. Il s’investit de plus en plus dans le drame algĂ©rien, qu’il commentera jusqu’en 1958. Il est alors convaincu que seul de Gaulle peut dĂ©nouer la situation. Le cadavre bafouille. »2918 Hubert Beuve-MÉRY 1902-1989 citant Maurice BarrĂšs 1862-1923. Le Suicide de la QuatriĂšme RĂ©publique 1958, Hubert Beuve-MĂ©ry La France vit Ă  l’heure algĂ©rienne. Le pouvoir, donc le rĂ©gime, est dans une situation sans issue aucune majoritĂ© stable possible, ni Ă  gauche, ni au centre, ni Ă  droite, face au drame national. La guerre divise les Français et les consciences – mĂȘme si on la nomme lutte contre la rĂ©bellion ». À Paris, on parle de bons offices » anglo-amĂ©ricains en vue de la paix. FĂ©lix Gaillard tombe, Pflimlin arrive, Alger craint d’ĂȘtre lĂąchĂ©e. L’armĂ©e française, d’une façon unanime, sentirait comme un outrage l’abandon de ce patrimoine national [l’AlgĂ©rie]. On ne saurait prĂ©juger sa rĂ©action de dĂ©sespoir. »2919 GĂ©nĂ©ral SALAN 1899-1984, commandant supĂ©rieur en AlgĂ©rie, TĂ©lĂ©gramme au gĂ©nĂ©ral Ély, chef d’état-major gĂ©nĂ©ral, 9 mai 1958. Le SiĂšcle dernier 1918-2002 2003, RenĂ© RĂ©mond L’armĂ©e en AlgĂ©rie est troublĂ©e par le sentiment de sa responsabilitĂ© Ă  l’égard des hommes qui combattent [
] Ă  l’égard de la population française de l’intĂ©rieur qui se sent abandonnĂ©e. [
] Je vous demande de vouloir bien appeler l’attention du prĂ©sident de la RĂ©publique sur notre angoisse, que seul un gouvernement fermement dĂ©cidĂ© Ă  maintenir notre drapeau en AlgĂ©rie peut effacer. » L’ArmĂ©e au pouvoir ! Tous au GG ! »2920 Cris de la foule, Alger, manifestation du 13 mai 1958. L’Appel au pĂšre de Clemenceau Ă  de Gaulle 1992, Jean-Pierre Guichard Le GG, c’est le palais du gouverneur gĂ©nĂ©ral, devenu, depuis 1956, celui du ministre rĂ©sident. Il est le symbole du pouvoir et, en tant que tel, pris d’assaut, pillĂ©. Un ComitĂ© de salut public se constitue, mĂȘlant Français et musulmans, civils et militaires, en une coalition trĂšs hĂ©tĂ©roclite, prĂ©sidĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Massu c’est le putsch d’Alger, ou coup d’État du 13 mai. Deux pouvoirs s’instaurent le pouvoir lĂ©gal Ă  Paris et le pouvoir militaire Ă  Alger. Un troisiĂšme, le pouvoir moral, celui du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, est encore Ă  Colombey. »2921 Jacques FAUVET 1914-2002, La QuatriĂšme RĂ©publique 1959 De Gaulle, retirĂ© de la scĂšne politique aprĂšs la guerre, trĂšs hostile au rĂ©gime des partis de la QuatriĂšme, se tient en rĂ©serve de la RĂ©publique et sent son heure enfin revenue oui, la France a besoin de lui ! On imagine comme ce grand communicateur a dĂ» peser chaque mot de son premier communiquĂ© Ă  la presse. Chronique 1958-1969 1. Come-back du sauveur de la nation le contexte de guerre civile impose en dernier recours le retour du GĂ©nĂ©ral, Ă  la fin de la QuatriĂšme RĂ©publique. NaguĂšre, le pays, dans ses profondeurs, m’a fait confiance pour le conduire tout entier jusqu’à son salut. Aujourd’hui, devant les Ă©preuves qui montent de nouveau vers lui, qu’il sache que je me tiens prĂȘt Ă  assumer les pouvoirs de la RĂ©publique. »2922 Charles de GAULLE 1890-1970, CommuniquĂ© remis Ă  la presse le 15 mai 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, RenĂ© RĂ©mond Le 15 mai, Salan crie Vive de Gaulle ! » au Forum d’Alger. Cependant que le gĂ©nĂ©ral se prĂ©sente comme sauveur de la Nation, aprĂšs avoir fait un sombre et juste diagnostic de la situation La dĂ©gradation de l’État entraĂźne infailliblement l’éloignement des peuples associĂ©s, les troubles de l’armĂ©e au combat, la dislocation nationale, la perte de l’indĂ©pendance. Depuis douze ans, la France, aux prises avec des problĂšmes trop rudes pour le rĂ©gime des partis, est engagĂ©e dans ce processus dĂ©sastreux. » Il pourrait ajouter Je vous l’avais bien dit. » Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans je commence une carriĂšre de dictateur ? »2923 Charles de GAULLE 1890-1970, confĂ©rence de presse, 19 mai 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, RenĂ© RĂ©mond Le gĂ©nĂ©ral tient Ă  tranquilliser une opinion Ă©mue par sa dĂ©claration du 15 mai. Et de conclure J’ai dit ce que j’avais Ă  dire. À prĂ©sent, je vais rentrer dans mon village et m’y tiendrai Ă  la disposition du pays. » Le pays, divisĂ©, bouleversĂ©, est par ailleurs sensible Ă  toutes les rumeurs vraies fake-news. Il ne faut pas beaucoup de mitraillettes pour disperser cent mille citoyens armĂ©s de grands principes. »2924 François MAURIAC 1885-1970, L’Express, 12 juin 1958, Bloc-notes, 1958-1960, II 1961 Au cours des journĂ©es de mai 1958, l’idĂ©e s’est rĂ©pandue d’un dĂ©nouement possible de la crise par l’établissement d’une dictature militaire en France. Des parachutistes venus d’AlgĂ©rie pourraient dĂ©barquer, faire jonction avec les rĂ©seaux favorables Ă  l’AlgĂ©rie française en mĂ©tropole, les putschistes bĂ©nĂ©ficiant mĂȘme de complicitĂ©s dans l’appareil de l’État. Le 28 mai, Ă  Paris, une foule immense et pacifique va dĂ©filer de la Nation Ă  la RĂ©publique, conspuant les paras et criant Le fascisme ne passera pas ! » Mauriac qui en rend compte dĂ©nonce le danger fasciste dans L’Express, au fil de sa fameuse chronique hebdomadaire. Cette menace a prĂ©cipitĂ© la solution de Gaulle, recours Ă  l’ultime sauveur. Pour Mauriac, c’est l’homme du destin, l’homme de la grĂące, le garant de l’unitĂ© du pays. DĂšs lors, sa vision de la politique se confond avec celle du gaullisme. Ses prises de position passionnĂ©es le conduisent Ă  quitter L’Express pour Le Figaro littĂ©raire, trop heureux d’accueillir dĂ©sormais son Bloc-notes, publiĂ© plus tard en quatre recueils. Dans le pĂ©ril de la patrie et de la RĂ©publique, je me suis tournĂ© vers le plus illustre des Français. »2925 RenĂ© COTY 1882-1962, Message du prĂ©sident de la RĂ©publique au Parlement, 29 mai 1958. Histoire mondiale de l’aprĂšs-guerre, volume II 1974, Raymond Cartier Face Ă  la menace de guerre civile, le prĂ©sident de la RĂ©publique fait savoir aux parlementaires qu’il a demandĂ© au gĂ©nĂ©ral de Gaulle de former un gouvernement. Chahuts et chants de la part des dĂ©putĂ©s, qui entonnent La Marseillaise – procĂ©dĂ© contraire Ă  tous les usages, et mĂȘme Ă  la lettre de la Constitution. Le plus illustre des Français [
] celui qui, aux annĂ©es les plus sombres de notre histoire, fut notre chef pour la reconquĂȘte de la libertĂ© et qui, ayant rĂ©alisĂ© autour de lui l’unanimitĂ© nationale, refusa la dictature pour rĂ©tablir la RĂ©publique. »2971 RenĂ© COTY 1882-1962, Message du prĂ©sident de la RĂ©publique au Parlement, 29 mai 1958. Histoire l’Europe et le monde depuis 1945 2006, L. Bernlochner, P. Geiss, G. Le Quintrec Ainsi dĂ©finit-il le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, personnage historique. Il fait appel Ă  lui au plus fort de la crise algĂ©rienne, alors que plane une menace de guerre civile en France, dĂ©chirĂ©e par la question algĂ©rienne. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle apparaĂźt comme le moindre mal, la moins mauvaise chance. »2926 Hubert BEUVE-MÉRY alias SIRIUS 1902-1989, L’amĂšre vĂ©ritĂ© », Le Monde, 29 mai 1958 Et Pierre Brisson dans Le Figaro du 30 mai Chacun sait maintenant oĂč situer le dernier recours de nos libertĂ©s. » Les deux directeurs de conscience de la presse bourgeoise » ne prennent la plume, chacun dans son journal, que dans les grandes occasions. Depuis quelques jours, ils ne cessent pas et se montrent de plus en plus pour ou de moins en moins contre de Gaulle. L’opposition viendra plus tard. Elle est dĂ©jĂ  prĂȘte Ă  tirer, avec Mitterrand. Ses compagnons d’aujourd’hui, qu’il n’a sans doute pas choisis mais qui l’ont suivi jusqu’ici, se nomment le coup de force et la sĂ©dition. »2927 François MITTERRAND 1916-1996, AssemblĂ©e nationale, 1er juin 1958. Cent mille voix par jour pour Mitterrand 1966, Claude Manceron AprĂšs une mise Ă  l’écart de douze ans, le plus cĂ©lĂšbre des Français revient sur le devant de la scĂšne politique. La majeure partie du personnel politique se rallie Ă  la solution gaulliste, mais Mitterrand s’oppose Ă  ce coup de force ». Il ose l’affrontement, prononçant Ă  l’AssemblĂ©e nationale ce terrible rĂ©quisitoire Lorsque, le 10 septembre 1944, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle s’est prĂ©sentĂ© devant l’AssemblĂ©e consultative issue des combats de l’extĂ©rieur ou de la RĂ©sistance, il avait auprĂšs de lui deux compagnons qui s’appelaient l’honneur et la patrie. Ses compagnons d’aujourd’hui, qu’il n’a sans doute pas choisis mais qui l’ont suivi jusqu’ici, se nomment le coup de force et la sĂ©dition. La prĂ©sence du gĂ©nĂ©ral de Gaulle signifie, mĂȘme malgrĂ© lui, que dĂ©sormais les minoritĂ©s violentes pourront impunĂ©ment et victorieusement partir Ă  l’assaut de la dĂ©mocratie. » Propos contredit par AndrĂ© Siegfried dans la prĂ©face Ă  L’AnnĂ©e politique 1958 Il [de Gaulle] avait accĂ©dĂ© au pouvoir dans le cadre des institutions rĂ©guliĂšres existantes, mĂȘme si son intention non dissimulĂ©e Ă©tait de les changer. » Il y a cependant contradiction ou du moins ambiguĂŻtĂ© fondamentale le gĂ©nĂ©ral de Gaulle arrive Ă  l’investiture lĂ©gale par l’action illĂ©gale de militaires et comploteurs qu’il n’a sans doute pas inspirĂ©s, mais pas non plus politiquement dĂ©savouĂ©s. Tout le plaisir et l’honneur que j’ai de me trouver parmi vous
 »2928 Charles de GAULLE 1890-1970, premiers mots de sa dĂ©claration, AssemblĂ©e nationale, sĂ©ance de nuit du 1er au 2 juin 1958. Le Crapouillot 1967 Dans son discours d’investiture du 1er juin, prĂ©sident du Conseil dĂ©signĂ© » par le PrĂ©sident Coty, il a dĂ©noncĂ© la cause profonde de nos Ă©preuves [
] la confusion et, par lĂ  mĂȘme, l’impuissance des pouvoirs » et s’est proposĂ© pour tenter de conduire une fois de plus le salut du pays, l’État, la RĂ©publique », en rĂ©clamant les pleins pouvoirs. Il est sorti de l’hĂ©micycle. L’investiture est votĂ©e par 329 voix contre 224 communistes, radicaux amis de Mitterrand et de MendĂšs France. Il a obtenu ce qu’il voulait les pleins pouvoirs en mĂ©tropole et des pouvoirs spĂ©ciaux en AlgĂ©rie, la modification de l’article 90 de la Constitution, pour lui permettre d’en prĂ©parer une nouvelle. Dans la nuit du 1er au 2, il revient entourĂ© de ses ministres et les prĂ©sente aux parlementaires, leur faisant ainsi une faveur inhabituelle, d’autant plus Ă©tonnante qu’il n’a cessĂ© de vilipender le rĂ©gime et son personnel ». Mais l’humour donne un autre sens Ă  sa dĂ©claration. Vous verrez, aprĂšs la musique de chambre, ce sera la musique militaire. »2929 Georges BIDAULT 1899-1983, dans les couloirs du Parlement, aprĂšs la sĂ©ance de nuit du 1er au 2 juin 1958. Vie politique sous la CinquiĂšme RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal Humour pour humour, c’est de bonne guerre. Et les communistes rĂ©sument AprĂšs l’opĂ©ration sĂ©dition, c’est l’opĂ©ration sĂ©duction. » Je vous ai compris ! »2930 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours au balcon du gouvernement gĂ©nĂ©ral Ă  Alger, 4 juin 1958. MĂ©moires d’espoir, tome I, Le Renouveau, 1958-1962 1970, Charles de Gaulle Que n’a-t-on dit sur ces quatre mots ! Dans ses MĂ©moires, le GĂ©nĂ©ral explique Mots apparemment spontanĂ©s dans la forme, mais au fond bien calculĂ©s, dont je veux qu’elle [la foule] s’enthousiasme, sans qu’ils m’emportent plus loin que je n’ai rĂ©solu d’aller. » Et il poursuit, face Ă  la foule Je vois que la route que vous avez ouverte en AlgĂ©rie, c’est celle de la rĂ©novation et de la fraternitĂ© [
] Jamais plus qu’ici et jamais plus que ce soir, je n’ai compris combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est gĂ©nĂ©reux, la France. » Au journaliste du Monde, AndrĂ© Passeron, le 6 mai 1966, il confiera J’ai toujours su et dĂ©cidĂ© qu’il faudrait donner Ă  l’AlgĂ©rie son indĂ©pendance. Mais imaginez, qu’en 1958, quand je suis revenu au pouvoir, je disais sur le Forum d’Alger qu’il fallait que les AlgĂ©riens prennent eux-mĂȘmes leur gouvernement, il n’y aurait plus eu de De Gaulle immĂ©diatement ! » On reconnaĂźt le pragmatisme propre Ă  tout homme politique. Il n’y a plus ici, je le proclame en son nom [la France] et je vous en donne ma parole, que des Français Ă  part entiĂšre, des compatriotes, des concitoyens, des frĂšres qui marcheront dĂ©sormais dans la vie en se tenant la main [
] Vive l’AlgĂ©rie française. »2931 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Mostaganem, 6 juin 1958. De Gaulle, 1958-1969 1972, AndrĂ© Passeron À Mostaganem, il confirme le fameux discours d’Alger. De Gaulle fera cinq fois le voyage Paris-AlgĂ©rie, en 1958. Il joue de son charisme qui est immense. Il veut montrer qu’il prend l’affaire algĂ©rienne en main, qu’il y a un pouvoir et qu’il l’incarne. Bref, que c’en est fini des mƓurs de la QuatriĂšme RĂ©publique. 2. La Constitution de la CinquiĂšme sera l’arme absolue » du pouvoir prĂ©sidentiel avec l’appui du peuple, mesurĂ© par rĂ©fĂ©rendums plus que sondages d’opinion. Un des caractĂšres essentiels de la Constitution de la Ve RĂ©publique, c’est qu’elle donne une tĂȘte Ă  l’État. »2932 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 20 septembre 1962. Les Grands Textes de la pratique institutionnelle de la Ve RĂ©publique 1992, Documentation française C’est cette autoritĂ© qui a tant manquĂ© Ă  la prĂ©cĂ©dente RĂ©publique et qui est indispensable pour rĂ©gler les trois affaires qui dominent notre situation l’AlgĂ©rie, l’équilibre financier et Ă©conomique, la rĂ©forme de l’État », dira de Gaulle Ă  la radio, peu de temps aprĂšs son arrivĂ©e au pouvoir en 1958. Ajoutons qu’il y aura quasi-identification entre cette RĂ©publique et cette tĂȘte, aussi longtemps que de Gaulle en sera le prĂ©sident. Qu’est-ce que la Ve RĂ©publique, sinon la possession du pouvoir par un seul homme dont la moindre dĂ©faillance est guettĂ©e avec une Ă©gale attention par ses adversaires et par le clan de ses amis ? »2933 François MITTERRAND 1916-1996, Le Coup d’État permanent 1964 Des phrases comme celle-ci s’appliquent Ă  toute la pĂ©riode gaulliste
 et Ă  Mitterrand devenu Ă  son tour prĂ©sident. Mais il s’agit avant tout, Ă  l’époque, d’un pamphlet antigaulliste J’appelle le rĂ©gime gaulliste dictature parce que, tout compte fait, c’est Ă  cela qu’il ressemble le plus. » Mitterrand, plusieurs fois ministre sous la QuatriĂšme, va payer son opposition irrĂ©ductible au gĂ©nĂ©ral. Il perd son siĂšge de dĂ©putĂ© Ă©lu de la NiĂšvre, pendant quatre ans. Notre Constitution est Ă  la fois parlementaire et prĂ©sidentielle, Ă  la mesure de ce que nous commandent Ă  la fois les besoins de notre Ă©quilibre et les traits de notre caractĂšre. »2934 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 11 avril 1961. Les IdĂ©es constitutionnelles du gĂ©nĂ©ral de Gaulle 1974, Jean Louis DebrĂ©, Charles de Gaulle Conclusion d’un discours politique qui a pour thĂšme la Constitution, Ă  qui certains reprochent de n’ĂȘtre ni parlementaire – type IIIe ou IVe RĂ©publique – ni prĂ©sidentielle comme aux États-Unis. Les lectures » de la Constitution par les constitutionnalistes changeront avec les Ă©vĂ©nements, les hommes et la pratique constitutionnelle c’est un texte parfaitement adaptĂ© et adaptable aux circonstances. Notre systĂšme, prĂ©cisĂ©ment parce qu’il est bĂątard, est peut-ĂȘtre plus souple qu’un systĂšme logique. Les corniauds » sont souvent plus intelligents que les chiens de race. »2935 Georges POMPIDOU 1911-1974, Le NƓud gordien 1974 TĂ©moignage de prĂ©sident, auparavant Premier ministre de De Gaulle durant six ans, et parole prophĂ©tique de la cohabitation, Ă  commencer par celle des annĂ©es 1986-1988 il faudra en effet une souplesse certaine pour que coexistent plus ou moins pacifiquement un prĂ©sident de gauche Mitterrand et un gouvernement issu d’une AssemblĂ©e de droite. Et vice versa. Au total, trois cohabitations 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002. PhĂ©nomĂšne pour ainsi dire inconnu dans les autres pays. Tout de mĂȘme qu’à bord du navire l’antique expĂ©rience des marins veut qu’un second ait son rĂŽle Ă  lui Ă  cĂŽtĂ© du commandant, ainsi dans notre nouvelle RĂ©publique, l’exĂ©cutif comporte-t-il aprĂšs le prĂ©sident vouĂ© Ă  ce qui est essentiel et permanent un Premier ministre aux prises avec les contingences. »2936 Charles de GAULLE 1890-1970, MĂ©moires d’espoir, tome I, Le renouveau, 1958-1962 1970 Division du travail, et problĂšme fondamental du fonctionnement de nos institutions que l’existence d’un domaine rĂ©servĂ© » au chef de l’État, cependant que le second », qui n’est plus prĂ©sident du Conseil, mais seulement le Premier des ministres de son gouvernement, gĂšre le quotidien, rĂŽle moins prestigieux et plus ingrat. 3. CinquiĂšme RĂ©publique. L’homme d’État se rĂ©vĂšle clairement sur tous les fronts, au quotidien et Ă  l’international, en attendant que l’AlgĂ©rie devienne le seul problĂšme. Que vienne la paix des braves et je suis sĂ»r que les haines iront en s’effaçant. »2981 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse Ă  l’hĂŽtel Matignon, 23 octobre 1958. 1958, le retour de De Gaulle 1998, RenĂ© RĂ©mond Qu’est-ce Ă  dire ? Simplement ceci que ceux qui ont ouvert le feu le cessent et qu’ils retournent sans humiliation Ă  leur famille et Ă  leur travail ! » Mais ce n’est pas ce que veut le Front de LibĂ©ration nationale FLN le 25 septembre, il a affirmĂ© sa volontĂ© de nĂ©gociations politiques aussi bien que militaires et deux mois plus tard, il crĂ©e le Gouvernement provisoire de la RĂ©publique algĂ©rienne GPRA. De Gaulle posera bientĂŽt comme seule condition aux nĂ©gociations de laisser le couteau au vestiaire ». Mais la paix des braves, sur le terrain comme dans un traitĂ©, est encore loin d’ĂȘtre conclue. Guide de la France, et chef de l’État rĂ©publicain, j’exercerai le pouvoir suprĂȘme dans toute l’étendue qu’il comporte dĂ©sormais. »2982 Charles de GAULLE 1890-1970, DĂ©claration radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 28 dĂ©cembre 1958. Les IdĂ©es constitutionnelles du gĂ©nĂ©ral de Gaulle 1974, Jean Louis DebrĂ©, Charles de Gaulle Il vient d’ĂȘtre Ă©lu prĂ©sident de la RĂ©publique, le 21 dĂ©cembre. La nouvelle Constitution, ratifiĂ©e par le rĂ©fĂ©rendum du 28 septembre avec prĂšs de 80 % de oui, et promulguĂ©e le 4 octobre, fonde le nouveau rĂ©gime prĂ©sidentiel de la CinquiĂšme RĂ©publique, confiant au chef de l’État les quatre attributions fondamentales, sans aucune obligation de contreseing ministĂ©riel la nomination du Premier ministre, la dissolution de l’AssemblĂ©e nationale, le recours au rĂ©fĂ©rendum et la mise en jeu des pouvoirs spĂ©ciaux en cas de crise. ChĂšque en blanc », titre Le Monde. DĂšs sa naissance, le MarchĂ© commun va devoir entrer en nĂ©gociation quasi permanente avec ses voisins, les autres, la Terre entiĂšre. Et sa vie sera dominĂ©e par le problĂšme des concessions ou dĂ©rogations accordĂ©es pour se faire admettre. »2983 Jean-François DENIAU 1928-2007, L’Europe interdite 1977 Le 1er janvier 1959, le traitĂ© de Rome instituant la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne CEE entre en vigueur. Il a Ă©tĂ© signĂ© le 25 mars 1957 et certains craignaient – Ă©tant donnĂ© les Ă©vĂ©nements algĂ©riens et la rĂ©putation d’anti-europĂ©en faite Ă  de Gaulle – que la France ne demande de repousser l’échĂ©ance de son entrĂ©e dans le MarchĂ© commun. L’AlgĂ©rie de papa est morte. Si on ne le comprend pas, on mourra avec elle. »2984 Charles de GAULLE 1890-1970, DĂ©claration Ă  Pierre Laffont, directeur de L’Écho d’Oran, 29 avril 1959. AlgĂ©rie 1962, la guerre est finie 2002, Jean Lacouture Mais que sera l’AlgĂ©rie de l’avenir ? Le prĂ©sident est trop pragmatique, l’AlgĂ©rie trop dĂ©chirĂ©e par la guerre et les Ă©vĂ©nements trop incertains pour que soit fixĂ©e une ligne politique. De Gaulle attend la mi-septembre pour lancer le mot, l’idĂ©e d’ autodĂ©termination », d’oĂč trois solutions possibles sĂ©cession pure et simple, francisation complĂšte dans l’égalitĂ© des droits, de Dunkerque Ă  Tamanrasset », ou gouvernement des AlgĂ©riens par les AlgĂ©riens en union Ă©troite avec la France. En France, la droite qui veut l’AlgĂ©rie française commence Ă  se diviser ; en AlgĂ©rie, le GPRA veut des nĂ©gociations prĂ©alables et l’armĂ©e va vivre bien des dĂ©chirements. Non, il n’est pas chaud, le contingent. Pour tout dire, il n’a pas d’allant. Il est mĂȘme butĂ© comme un Ăąne. »2985 Michel COURNOT 1922-2007, L’Express 1959. Les Parachutistes 2006, Gilles Perrault Il dĂ©crit l’état d’esprit d’un jeune soldat dans la Casbah d’Alger, alors que la pacification est un prĂ©alable Ă  toute nĂ©gociation, donc un devoir de l’armĂ©e. C’est dire la sympathie que ce journaliste trĂšs intellectuel de gauche Ă©prouve pour le contingent » Le contingent a Ă©coutĂ©, et il n’est pas convaincu. Il ne se sent pas tellement chaud pour dĂ©fendre la libertĂ© en allant au-delĂ  des mers tirer Ă  coups de canon sur des gaillards en espadrilles
 » Je puis vous assurer que la Loire continuera Ă  couler dans son lit. »2986 Charles de GAULLE 1890-1970, Aux maires du Loiret, Ă  OrlĂ©ans, mai 1959. De Gaulle parle des institutions, de l’AlgĂ©rie, de l’armĂ©e, des affaires Ă©trangĂšres, de la CommunautĂ©, de l’économie et des questions sociales 1962, AndrĂ© Passeron Mot qualifiĂ© d’ infrahistorique » par son biographe Jean Lacouture. De Gaulle, pour ĂȘtre lui-mĂȘme, a besoin de circonstances exceptionnelles, et tout prĂ©sident de la RĂ©publique doit prononcer au quotidien » d’innombrables discours sur tout et sur rien !Dans le mĂȘme esprit, Ă  FĂ©camp Je salue FĂ©camp, port de mer et qui entend le rester » et Ă  Lyon Lyon n’a jamais Ă©tĂ© aussi lyonnaise. » Si humour il y a, il est sans doute involontaire. Il faut que la dĂ©fense de la France soit française [
] Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. »2938 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours au Centre des hautes Ă©tudes militaires, 3 novembre 1959. Discours et messages avec le renouveau, mai 1958-juillet 1962 1970, Charles de Gaulle C’est aussi un militaire qui parle. Pendant sa guerre de RĂ©sistance, il a dĂ» se battre pour ĂȘtre reconnu du grand alliĂ© amĂ©ricain. Un peu plus tard, face aux USA, il affirmera Il est intolĂ©rable Ă  un grand État que son destin soit laissĂ© aux dĂ©cisions et Ă  l’action d’un autre État quelque amical qu’il puisse ĂȘtre. » La force de frappe atomique française, clĂ© de voĂ»te du systĂšme de dĂ©fense, combattue du vivant du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, populaire dans l’opinion, sera dĂ©veloppĂ©e par tous ses successeurs. Au XXIe siĂšcle, hors tout contexte de guerre froide, la force de dissuasion nationale n’est pas vraiment remise en question. Oui, c’est l’Europe depuis l’Atlantique jusqu’à l’Oural, c’est l’Europe, toutes ces vieilles terres oĂč naquit, oĂč fleurit la civilisation moderne, c’est toute l’Europe qui dĂ©cidera du destin du monde. »2987 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de Strasbourg, 23 novembre 1959. De Gaulle et l’Europe 1963, Roger Massip Autre problĂšme majeur, mais question toujours posĂ©e au XXIe siĂšcle. De quelle Europe s’agit-il ? Un an plus tĂŽt, de Gaulle Ă©crit Ă  Paul Reynaud Vous savez qu’à mon sens, on peut voir l’Europe et peut-ĂȘtre la faire de deux façons l’intĂ©gration par le supranational, ou la coopĂ©ration des États et des nations. C’est Ă  la deuxiĂšme que j’adhĂšre. » Le discours de Strasbourg reste prophĂ©tique sur un autre plan. L’Europe a vĂ©cu la rĂ©unification de l’Allemagne et la rĂ©conciliation entre les deux pays jadis ennemis, devenus alliĂ©s. Plus globalement, la guerre froide et le communisme dans sa version soviĂ©tique appartiennent Ă  un passĂ© rĂ©volu. De sorte que l’idĂ©e de maison commune » europĂ©enne et de cette Europe de l’Atlantique Ă  l’Oural » ne relĂšve plus de l’utopie. Il m’a semblĂ© et il me semble qu’il est avant tout nĂ©cessaire de refaire la vieille Europe, de la refaire solidaire, notamment quant Ă  sa reconstruction et Ă  sa renaissance Ă©conomique dont tout le reste dĂ©pend, de la refaire avec tous ceux qui, d’une part, voudront et pourront s’y prĂȘter et, d’autre part, demeurent fidĂšles Ă  cette conception du droit des gens et des individus d’oĂč est sortie et sur laquelle repose notre civilisation. »2969 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours, entretiens et autres sources, blog de l’UGF Union des Gaullistes de France Trop souverainiste participant de l’État souverain pour approuver l’intĂ©gration europĂ©enne et le fĂ©dĂ©ralisme, il n’en demeure pas moins prophĂ©tique et visionnaire sur ce thĂšme comme sur tant d’autres. D’oĂč le dialogue avec Malraux, lui aussi acteur de l’histoire et l’un des penseurs du siĂšcle. Le vieux franc français, si souvent mutilĂ© Ă  mesure de nos vicissitudes, nous voulons qu’il reprenne une substance conforme au respect qui lui est dĂ». »2988 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours sur la politique de rigueur, 28 dĂ©cembre 1958, annonçant la crĂ©ation d’un nouveau franc, le 1er janvier 1960. De Gaulle vous parle 1967, Charles de Gaulle La crĂ©ation du nouveau franc 1960 valant 100 francs anciens a Ă©tĂ© annoncĂ©e un an plus tĂŽt. Si le mot rigueur » n’apparaĂźt pas dans le discours, il le dĂ©finit bien. L’opĂ©ration franc lourd » cause un choc psychologique et lie avec habiletĂ© l’avenir de la monnaie et le prestige international du pays, dans le cadre d’une nouvelle politique Ă©conomique et financiĂšre rendant la France compĂ©titive en Europe. Antoine Pinay, ministre des Finances et des Affaires Ă©conomiques jouissant d’un immense prestige auprĂšs du Français moyen, va cependant dĂ©missionner en janvier 1960, pour cause de dĂ©saccord avec le chef de l’État notamment sur la CEE, CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne créée en 1957, origine de l’actuelle Union europĂ©enne. Le vieux franc français est nĂ© le 5 dĂ©cembre 1360, en pleine guerre de Cent Ans. Et quarante ans aprĂšs sa crĂ©ation, le nouveau franc s’effacera devant la monnaie europĂ©enne, l’euro, nouvel enjeu Ă©conomique et stratĂ©gique, pari globalement rĂ©ussi. 4. La guerre d’AlgĂ©rie et la politique prĂ©sidentielle imposĂ©e par la situation, clairement exposĂ©e au fil des Ă©vĂ©nements et massivement approuvĂ©e par rĂ©fĂ©rendums. En vertu du mandat que le peuple m’a donnĂ© et de la lĂ©gitimitĂ© nationale que j’incarne depuis vingt ans, je demande Ă  tous et Ă  toutes de me soutenir quoi qu’il arrive. »2972 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 29 janvier 1960. Discours et messages, volume III 1970, Charles de Gaulle Vingt ans aprĂšs – aprĂšs le fameux Appel du 18 juin 1940 –, lui-mĂȘme se pose en personnage historique et s’impose Ă  un autre moment crucial de l’histoire de France – les barricades d’Alger. Je m’adresse Ă  la France. Eh bien, mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble encore une fois, face Ă  une nouvelle Ă©preuve. »2989 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 29 janvier 1960. De Gaulle 1964, François Mauriac OmniprĂ©sent sur tous les fronts, le prĂ©sident excelle dans la communication directe avec la France et les Français. Cette fois, le gĂ©nĂ©ral s’est mis en tenue militaire, pour traiter du drame national. La semaine des Barricades a commencĂ© Ă  Alger, le 24 janvier. La population de souche mĂ©tropolitaine refuse l’idĂ©e d’autodĂ©termination lancĂ©e par de Gaulle, et s’oppose au renvoi du gĂ©nĂ©ral Massu – qui a affirmĂ© dans un journal allemand que l’armĂ©e Ă©tait pour l’AlgĂ©rie française. L’armĂ©e française, que deviendrait-elle, sinon un ramas anarchique et dĂ©risoire de fĂ©odalitĂ©s militaires, s’il arrivait que des Ă©lĂ©ments mettent des conditions Ă  leur loyalisme ? [
] Aucun soldat ne doit, sous peine de faute grave, s’associer Ă  aucun moment, mĂȘme passivement, Ă  l’insurrection. »2990 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 29 janvier 1960. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture Le gĂ©nĂ©ral, en tenue de gĂ©nĂ©ral, en appelle Ă  la discipline des soldats et sauve la situation par ce discours. Selon Raymond Aron Preuves, mars 1960 Durant ces cinq jours, rien n’existait plus, ni le rĂ©gime, ni la Constitution, ni moins encore le gouvernement, hĂ©sitant et divisĂ© il ne restait plus rien qu’un homme, et un homme seul. » La semaine des Barricades aura des suites importantes gouvernement remaniĂ©, affaires algĂ©riennes prises encore plus directement en main par l’ÉlysĂ©e. De Gaulle se rend sur place dĂ©but mars pour reprendre contact avec l’armĂ©e – c’est la tournĂ©e des popotes » oĂč les dĂ©clarations restent officieuses et contradictoires. Il parlera publiquement de RĂ©publique algĂ©rienne le 4 novembre prochain. Hourra pour la France ! Depuis ce matin, elle est plus forte et plus fiĂšre. »2991 Charles de GAULLE 1890-1970, TĂ©lĂ©gramme, 13 fĂ©vrier 1960. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture PremiĂšre explosion de la bombe A française Ă  Reggane Sahara. C’est une Ă©tape dans la politique d’indĂ©pendance militaire du gĂ©nĂ©ral qui se refuse Ă  la docilitĂ© atlantique » et veut doter le pays des moyens modernes de la dissuasion ». La France entre ainsi dans le club encore trĂšs fermĂ© des puissances atomiques. Elle refusera de signer le traitĂ© de Moscou du 3 aoĂ»t 1963, sur la non-prolifĂ©ration nuclĂ©aire. Le 28 aoĂ»t 1968, c’est l’explosion de la premiĂšre bombe H dans le Pacifique. Il est tout Ă  fait naturel qu’on ressente la nostalgie de ce qui Ă©tait l’Empire, tout comme on peut regretter la douceur des lampes Ă  huile, la splendeur de la marine Ă  voile, le charme du temps des Ă©quipages. Mais, quoi ? Il n’y a pas de politique qui vaille en dehors des rĂ©alitĂ©s. »2992 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 14 juin 1960. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique, sociale et diplomatique en France 1961 AprĂšs la guerre d’Indochine, l’affaire tunisienne puis l’imbroglio marocain rĂ©glĂ©s sous la IVe RĂ©publique, outre le drame de l’AlgĂ©rie, il reste encore en 1958 Ă  achever la dĂ©colonisation de l’Afrique noire et de Madagascar, en germe dans la loi Defferre de 1956. L’opinion publique y est moins sensible qu’au problĂšme algĂ©rien. De Gaulle pense d’abord Ă  une CommunautĂ© avec dĂ©fense, politique Ă©trangĂšre et politique Ă©conomique communes. Sous la pression des Ă©vĂ©nements, il opte pour la dĂ©colonisation et accorde en 1960 l’indĂ©pendance, qui n’exclut pas le maintien de liens privilĂ©giĂ©s entre la mĂ©tropole et ses ex-colonies africaines. Il faut qu’avant d’entrer dans la salle [des nĂ©gociations] on ait dĂ©posĂ© son couteau. »2993 Charles de GAULLE 1890-1970, 6 septembre 1960. De Gaulle 1972, AndrĂ© Passeron Le couteau au vestiaire » devient le prĂ©alable de toute nĂ©gociation. Mais l’on continue de se battre en AlgĂ©rie, tandis qu’en France, intellectuels et syndicalistes manifestent pour la paix en AlgĂ©rie. Pendant la guerre d’AlgĂ©rie, Zola deviendrait lĂ©gion, et quotidien J’accuse. »2994 Georges DUBY 1919-1996, Histoire de la France 1987 Allusion au combat de Zola dans l’affaire Dreyfus, et Ă  son cĂ©lĂšbre article dans L’Aurore du 13 janvier 1898. Nombre d’intellectuels de gauche se sont politiquement engagĂ©s dans l’affaire algĂ©rienne. Exemple le Manifeste des 121 », signĂ© par des professeurs et des Ă©crivains, des artistes et des comĂ©diens, publiĂ© le 6 septembre 1960, dĂ©nonçant la torture en AlgĂ©rie et rĂ©clamant le droit Ă  l’insoumission ». C’est une façon de soutenir le rĂ©seau Jeanson, dĂ©mantelĂ© au dĂ©but de l’annĂ©e, dont le procĂšs commence, devant le tribunal des forces armĂ©es. La gauche est impuissante et elle le restera si elle n’accepte pas d’unir ses efforts Ă  la seule force qui lutte aujourd’hui rĂ©ellement contre l’ennemi commun des libertĂ©s algĂ©riennes et des libertĂ©s françaises. Et cette force est le FLN. »2995 Jean-Paul SARTRE 1905-1980, Lettre au procĂšs Jeanson 5 septembre-1er octobre 1960. La Guerre d’AlgĂ©rie des complots du 13 mai Ă  l’indĂ©pendance 1981, Henri Alleg Certains Français ne se contentent plus de prendre position en faveur de la paix en AlgĂ©rie et de nĂ©gociations avec le FLN, ils apportent une aide directe Ă  ses membres, c’est-Ă -dire aux dirigeants de la rĂ©bellion, participant mĂȘme Ă  des faits de guerre ou de terrorisme. Le rĂ©seau Jeanson regroupe 6 AlgĂ©riens et 17 Français de mĂ©tropole accusĂ©s, entre autres, de transporter des fonds, des faux papiers, du matĂ©riel de propagande – d’oĂč le nom de porteurs de valises » donnĂ© par Sartre. Il est personnellement liĂ© Ă  Francis Jeanson en fuite, et donc absent au procĂšs. Ne pouvant se prĂ©senter lui-mĂȘme au tribunal retenu au BrĂ©sil pour une tournĂ©e de confĂ©rence, l’écrivain exprime sa solidaritĂ© par une longue lettre, se rĂ©fĂ©rant au Manifeste des 121 qu’il a naturellement signĂ©. 26 avocats dont Roland Dumas dĂ©fendent les inculpĂ©s, faisant durer le procĂšs et ridiculisant le tribunal, stratĂ©gie payante face Ă  l’opinion publique. Jeanson sera reconnu coupable de haute trahison, et condamnĂ© Ă  dix ans de rĂ©clusion – amnistiĂ© en 1966. La majoritĂ© des autres membres du rĂ©seau sont condamnĂ©s plus ou moins sĂ©vĂšrement, et neuf acquittĂ©s. Le Monde, en septembre 2000, rend justice Ă  ces traĂźtres qui sauvĂšrent l’honneur de la France » Dominique Vidal. La RĂ©publique algĂ©rienne existera un jour. »2996 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence tĂ©lĂ©visĂ©e, 4 novembre 1960. La Guerre d’AlgĂ©rie et les intellectuels français 1991, Jean-Pierre Rioux, Jean-François Sirinelli Alors que la guerre s’éternise, le prĂ©sident relance la politique algĂ©rienne, annonçant un rĂ©fĂ©rendum sur l’autodĂ©termination, parlant pour la premiĂšre fois de RĂ©publique algĂ©rienne », fustigeant les deux meutes ennemies, celle de l’immobilisme stĂ©rile et celle de l’abandon vulgaire ». Il part en AlgĂ©rie le 12 dĂ©cembre pour lancer la campagne sur le rĂ©fĂ©rendum Ă©meutes Ă  Alger, Oran. Le Front de l’AlgĂ©rie française se heurte aux musulmans brandissant le drapeau vert du FLN 120 morts, et c’en est fini du mythe de la fraternisation entre les communautĂ©s. Françaises, Français [
] j’ai besoin de savoir ce qu’il en est dans les esprits et dans les cƓurs, c’est pourquoi je me tourne vers vous par-dessus tous les intermĂ©diaires. En vĂ©ritĂ©, qui ne le sait, l’affaire est entre chacune de vous, chacun de vous et moi-mĂȘme. »2997 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 6 janvier 1961. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique, sociale et diplomatique en France 1962 DerniĂšre apparition prĂ©sidentielle, avant le rĂ©fĂ©rendum du 8 qui demande au peuple français d’approuver le principe de l’autodĂ©termination du peuple algĂ©rien. Oui » plus de 75 % des suffrages exprimĂ©s. Les Ă©lecteurs n’ont pas suivi les consignes des partis politiques et, comme de Gaulle, ont nĂ©gligĂ© ces intermĂ©diaires. Le choc est dur, chez les EuropĂ©ens d’AlgĂ©rie Ă©galement consultĂ©s et qui ont rĂ©pondu majoritairement non » ils ne se savaient pas Ă  ce point coupĂ©s de la mĂ©tropole, abandonnĂ©s. D’oĂč le durcissement de leur position, alors que des nĂ©gociations sont annoncĂ©es entre la France et le FLN Ă  Évian. L’OAS frappe oĂč elle veut, quand elle veut, comme elle veut. »2998 Slogan de la nouvelle Organisation ArmĂ©e secrĂšte ». L’OAS et la fin de la guerre d’AlgĂ©rie 1985, M’Hamed Yousfi Premiers tracts lancĂ©s dĂ©but fĂ©vrier 1961. L’armĂ©e fait son mĂ©tier en AlgĂ©rie, avec 400 000 hommes qui se battent sur le terrain. La pacification progresse exceptĂ© dans les AurĂšs, mais le terrorisme fait rage et le FLN multiplie les attentats. Les EuropĂ©ens d’AlgĂ©rie vivent aussi dans la terreur de la nĂ©gociation, qui conduira inĂ©vitablement Ă  l’indĂ©pendance. Et l’OAS, choisissant la politique du dĂ©sespoir, recourt Ă©galement aux attentats. Ainsi, le maire d’Évian, Camille Blanc, tuĂ© par une charge de plastic le 31 mars, assassinĂ© uniquement parce que sa ville est choisie pour accueillir les nĂ©gociations. Cela n’inflĂ©chit en rien la politique du prĂ©sident. La dĂ©colonisation est notre intĂ©rĂȘt et par consĂ©quent notre politique. Pourquoi resterions-nous accrochĂ©s Ă  des dominations coĂ»teuses, sanglantes et sans issue, alors que notre pays est Ă  renouveler de fond en comble ? »2939 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 11 avril 1961. Paroles de chefs, 1940-1962 1963, Claude Cy, Charles de Gaulle Il a reconnu auparavant que la France a rĂ©alisĂ© outre-mer une grande Ɠuvre humaine qui, malgrĂ© des abus ou des erreurs, lui fait pour toujours honneur. La QuatriĂšme RĂ©publique, qui a commencĂ© la dĂ©colonisation Indochine, Maroc, Tunisie, Afrique noire en cours, a rappelĂ© de Gaulle au pouvoir pour rĂ©soudre l’ affaire algĂ©rienne ». Ce qu’il va faire en lui donnant l’indĂ©pendance inscrite dans le cours de l’histoire. Cet État sera ce que les AlgĂ©riens voudront. Pour ma part, je suis persuadĂ© qu’il sera souverain au-dedans et au-dehors. Et, encore une fois, la France n’y fait aucun obstacle. »2999 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 11 avril 1961. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique, sociale et diplomatique en France 1962 De Gaulle annonce qu’il envisage l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie avec un cƓur parfaitement tranquille ». Onze jours plus tard, c’est le putsch, dans la nuit du 21 au 22 avril. Ce qui est grave dans cette affaire, Messieurs, c’est qu’elle n’est pas sĂ©rieuse. »3000 Charles de GAULLE 1890-1970, Conseil des ministres extraordinaire, rĂ©uni Ă  17 heures, le 22 avril 1961. La Fronde des gĂ©nĂ©raux 1961, Jacques Fauvet, Jean Planchais La population d’Alger a Ă©tĂ© rĂ©veillĂ©e Ă  7 heures du matin, par ce message lu Ă  la radio L’armĂ©e a pris le contrĂŽle de l’AlgĂ©rie et du Sahara. » Les gĂ©nĂ©raux rebelles font arrĂȘter le dĂ©lĂ©guĂ© gĂ©nĂ©ral du gouvernement, et un certain nombre d’autoritĂ©s civiles et militaires. Quelques rĂ©giments se rallient aux rebelles. La population europĂ©enne, qui se sent abandonnĂ©e par la mĂ©tropole, est avec eux. Mais de Gaulle semble serein, devant ses ministres. Le directoire militaire a quand mĂȘme pris le pouvoir Ă  Alger. Les ralliements se multiplient derriĂšre les quatre gĂ©nĂ©raux, Challe, Zeller, Jouhaud et Salan, qui dĂ©noncent la trahison » du gĂ©nĂ©ral de Gaulle et font le serment de garder l’AlgĂ©rie pour que nos morts ne soient pas morts pour rien ». Les insurgĂ©s tiennent Oran, Constantine le lendemain. Le coup d’État semble rĂ©ussi. De Gaulle reparaĂźt et va trouver les mots qui tuent. Ce pouvoir a une apparence un quarteron de gĂ©nĂ©raux en retraite. Il a une rĂ©alitĂ© un groupe d’officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. »3001 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 23 avril 1961. AlgĂ©rie 1962, la guerre est finie 2002, Jean Lacouture RevĂȘtu de sa tenue de gĂ©nĂ©ral, le de Gaulle des grandes heures parle Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens soient employĂ©s pour barrer partout la route Ă  ces hommes-lĂ , en attendant de les rĂ©duire. » Il demande que s’applique l’article 16 de la Constitution pouvoirs spĂ©ciaux c’est une dictature rĂ©publicaine », justifiĂ©e par la situation. Tous les bidasses entendent cette voix de la France sur leur transistor. Le contingent refuse de suivre le quarteron de gĂ©nĂ©raux ovationnĂ©s par les pieds-noirs sur le Forum d’Alger, entre les cris AlgĂ©rie française » et de Gaulle au poteau ! » Mais le vent tourne. Challe se livre le 26, suivi par Zeller. Salan et Jouhaud continuent dans la clandestinitĂ©, l’OAS rĂ©siste encore combat d’hommes dĂ©sespĂ©rĂ©s, d’autant plus dangereux. Il faut que les objectifs Ă  dĂ©terminer par le Plan [
] revĂȘtent pour tous les Français un caractĂšre d’ardente obligation. »3002 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 8 mai 1961. La Mystique du Plan 1963, Philippe Bauchard MĂȘme en pleine guerre d’AlgĂ©rie, il faut se prĂ©occuper de l’ intendance ». Le Plan, depuis seize ans, oriente l’économie de la France. De Gaulle en parle ainsi dans ses MĂ©moires d’espoir Il embrasse l’ensemble, fixe les objectifs, Ă©tablit une hiĂ©rarchie des urgences et des importances, introduit parmi les responsables et mĂȘme dans l’esprit public le sens de ce qui est global, ordonnĂ© et continu, compense l’inconvĂ©nient de la libertĂ© sans en perdre l’avantage ». Le premier Plan de la Ve RĂ©publique IVe Plan depuis la LibĂ©ration couvre la pĂ©riode 1961-1964. Il est le plus concernĂ© par cette ardente obligation ». Il y en aura dix. Le projet du numĂ©ro XI est victime de la crise de la planification française. En fait, l’outil, trop rigide, n’est plus adaptĂ© Ă  d’autres besoins, d’autres temps. DĂšs lors que l’État et la nation ont choisi leur chemin, le devoir militaire est fixĂ© une fois pour toutes. Hors de ses rĂšgles, il ne peut y avoir, il n’y a que des soldats perdus. »3003 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours Ă  Strasbourg, 23 novembre 1961. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique, sociale et diplomatique en France 1962 Il s’exprime en ces termes, lors d’une grande manifestation militaire devant les cadres de l’armĂ©e. L’automne et l’hiver sont dramatiques, les passions s’exaspĂ©rant de part et d’autre. L’OAS multiplie les attentats, en AlgĂ©rie comme en mĂ©tropole le plastic vise de Gaulle lui-mĂȘme 9 septembre Ă  Pont-sur-Seine, Malraux et divers intellectuels. Les manifestations pro-FLN, musulmanes, syndicales, entraĂźnent contre-manifestations, charges de police, morts. Ils sont neuf Ă  la station de mĂ©tro Charonne. 300 000 personnes suivront leur enterrement, le 13 fĂ©vrier 1962. L’opinion est mobilisĂ©e, mais lasse aussi. Il faut en finir avec cette sale guerre. Je lis Paris-Turf. J’en ai rien Ă  faire de la politique [
] Moi je suis un vieux libertaire, un vieil anar. Un anar bourgeois [
] d’ailleurs tous les anars sont des bourgeois. Ils veulent pas ĂȘtre emmerdĂ©s. Ils veulent la sĂ»retĂ©, la tranquillitĂ©. »3004 Jean GABIN 1904-1976, L’Express, 22 fĂ©vrier 1962 Dans cette pĂ©riode politisĂ©e Ă  l’extrĂȘme, Gabin, l’un des acteurs les plus populaires du cinĂ©ma français, exprime Ă  sa façon le ras-le-bol d’un certain nombre de Français devant les Ă©vĂ©nements. Il va peser lourd le oui que je demande Ă  chacune et Ă  chacun de vous ! »3005 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 26 mars 1962. Les Accords d’Évian, le rĂ©fĂ©rendum et la rĂ©sistance algĂ©rienne 1962, Maurice Allais Le gĂ©nĂ©ral, comme Ă  son habitude dans les grands moments, en appelle Ă  la population. Il donne les rĂ©sultats des nĂ©gociations d’Évian, proclame le cessez-le-feu, et annonce le prochain rĂ©fĂ©rendum Il faut maintenant que s’expriment trĂšs haut l’approbation et la confiance nationale. » Le 8 avril, plus de 90 % des Français approuveront les accords d’Évian signĂ©s le 18 mars. Le oui des AlgĂ©riens consultĂ©s le 2 est encore plus massif. Le 3, la France reconnaĂźt l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie et Ben Bella devient prĂ©sident de la RĂ©publique. Juridiquement, la guerre est finie. La vie politique française sera marquĂ©e par les sĂ©quelles de cette guerre non dĂ©clarĂ©e, qui a Ă©clatĂ© le 1er novembre 1954 et mobilisĂ© deux millions de jeunes Français du contingent. Bilan 25 000 tuĂ©s chez les soldats français, 2 000 morts de la LĂ©gion Ă©trangĂšre, un millier de disparus et 1 300 soldats morts des suites de leurs blessures. Environ 270 000 musulmans algĂ©riens sont morts, sur une population de dix millions d’habitants. Et deux millions de musulmans dĂ©portĂ©s en camps de regroupement. La valise ou le FLN, Ă©crit sur des petits cercueils postĂ©s aux pieds-noirs. De Gaulle ou l’éternel dĂ©fi 56 tĂ©moignages 1988, Jean Lacouture, Roland Mehl, Jean Labib Au printemps 1946, le PPA Parti du peuple algĂ©rien luttant pour l’indĂ©pendance diffusait dĂ©jĂ  le slogan Ă  Constantine, sur des tracts glissĂ©s dans les boĂźtes aux lettres. Mais c’est au printemps 1962, Ă  Alger, Ă  Oran, que les attentats sont les plus nombreux, une charge de plastic pouvant faire plus de cent morts et blessĂ©s ! Le FLN dĂ©clenche Ă©galement Ă  la mi-avril une sĂ©rie d’enlĂšvements, pour lutter contre l’OAS toujours active dans le maquis. Mais ses membres sont protĂ©gĂ©s, en centre-ville, et les victimes sont surtout les colons isolĂ©s dans les bleds, les harkis, les habitants des banlieues. La dĂ©couverte de charniers augmente la peur des petits blancs. L’exode s’accĂ©lĂšre il y aura beaucoup de valises, et de cercueils aussi, Ă  l’issue de cette guerre de huit ans. La guerre ne s’est pas terminĂ©e dans de bonnes conditions, mais c’étaient les seules conditions possibles. »3007 Paul REYNAUD 1878-1966, fin avril 1962. Vie politique sous la CinquiĂšme RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal À l’occasion du dĂ©jeuner de la presse anglo-saxonne, dont il est l’hĂŽte d’honneur. Le 8 avril, plus de 90 % des Français ont approuvĂ© par rĂ©fĂ©rendum les accords d’Évian du 18 mars. Juridiquement, la guerre est finie et le 3 juillet, la France reconnaĂźt l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie. Mais politiquement, bien des drames vont encore se jouer. Certains jours de printemps, Ă  Alger, Ă  Oran, les attentats font plus de cent morts. L’exode vers la mĂ©tropole sera plus massif que prĂ©vu et dans des conditions plus pĂ©nibles on attendait 350 000 rapatriĂ©s en cinq ans, ils seront 700 000 en quatre mois. Être, avoir Ă©tĂ© le premier collaborateur du gĂ©nĂ©ral de Gaulle est un titre inĂ©galĂ©. »3008 Michel DEBRÉ 1912-1996, Premier ministre, fin de la lettre au gĂ©nĂ©ral de Gaulle, rendue publique le 15 avril 1962. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique, sociale et diplomatique en France 1963 Il faut tourner la page aprĂšs la conclusion du drame algĂ©rien Comme il Ă©tait convenu, et cette Ă©tape dĂ©cisive Ă©tant franchie, j’ai l’honneur, Mon GĂ©nĂ©ral, de vous prĂ©senter la dĂ©mission du gouvernement. » Ce Ă  quoi le gĂ©nĂ©ral de Gaulle rĂ©pond En me demandant d’accepter votre retrait du poste de Premier ministre et de nommer un gouvernement, vous vous conformez entiĂšrement et de la maniĂšre la plus dĂ©sintĂ©ressĂ©e Ă  ce dont nous Ă©tions depuis longtemps convenus. » Georges Pompidou entre alors sur la scĂšne de l’histoire il forme le nouveau gouvernement le 25 avril, essentiellement UNR parti gaulliste, avec quelques MRP Mouvement rĂ©publicain populaire. Pompidou n’est pas un parlementaire rompu au jeu politique, mais un agrĂ©gĂ© sachant Ă©crire », parachutĂ© Ă  33 ans dans le cabinet de Gaulle en 1944. Il restera six ans chef de gouvernement – un record, sur ce siĂšcle ! Il ne peut pas y avoir d’autre Europe que celle des États. »3009 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 15 mai 1962. Discours et messages, volume III 1970, Charles de Gaulle Et pour preuve Dante, Goethe, Chateaubriand appartiennent Ă  toute l’Europe dans la mesure mĂȘme oĂč ils Ă©taient respectivement et Ă©minemment Italien, Allemand et Français. Ils n’auraient pas beaucoup servi l’Europe s’ils avaient Ă©tĂ© des apatrides et s’ils avaient pensĂ©, Ă©crit en quelque esperanto ou volapĂŒk intĂ©grĂ© ». Du coup, les membres du gouvernement appartenant au MRP, parti trĂšs europĂ©en, dĂ©missionnent, Pierre Pflimlin en tĂȘte, Robert Buron Ă  sa suite. RemplacĂ©s par des IndĂ©pendants. 5. 22 aoĂ»t 1962. L’attentat du Petit-Clamart contre de Gaulle frappe l’opinion publique et justifie le tournant constitutionnel approuvĂ© par rĂ©fĂ©rendum l’élection prĂ©sidentielle au suffrage universel prend tout son sens. Aujourd’hui ou demain, envers et contre tous, le traĂźtre de Gaulle sera abattu comme un chien enragĂ©. »3010 Tract CNR nouveau Conseil national de la rĂ©sistance, créé par l’OAS reçu par tous les dĂ©putĂ©s, aprĂšs l’attentat du Petit-Clamart, aoĂ»t 1962. Chronique des annĂ©es soixante 1990, Michel Winock C’est encore une retombĂ©e de la guerre d’AlgĂ©rie, aux consĂ©quences importantes, et surtout inattendues. De Gaulle Ă©chappe par miracle Ă  l’attentat, le soir du 22 aoĂ»t, au carrefour du Petit-Clamart, prĂšs de l’aĂ©roport militaire de Villacoublay. Sa DS 19 est criblĂ©e de 150 balles, et seul le sang-froid du chauffeur, accĂ©lĂ©rant malgrĂ© les pneus crevĂ©s, a sauvĂ© la vie au gĂ©nĂ©ral et Ă  Mme de Gaulle. CondamnĂ© Ă  mort par la Cour militaire de justice, le lieutenant-colonel Bastien-Thiry, chef du commando et partisan de l’AlgĂ©rie française, est fusillĂ© le 11 mars 1963 – dernier cas en France. DĂšs le lendemain de l’attentat, de Gaulle profite de l’émotion des Français pour faire passer une rĂ©forme qui lui tient Ă  cƓur l’élection du prĂ©sident au suffrage universel. S’il devait mourir, cela donnerait plus de poids Ă  son successeur, et plus de lĂ©gitimitĂ©. Tous les partis sont contre, sauf le parti gaulliste UNR et une minoritĂ© d’indĂ©pendants Giscard d’Estaing en tĂȘte. Le seul prĂ©cĂ©dent historique est fĂącheux Louis-NapolĂ©on Bonaparte, Ă©lu du suffrage universel, transforma vite ce coup d’essai en coup d’État. De Gaulle annonce un rĂ©fĂ©rendum pour le 28 octobre. Pour nous, RĂ©publicains, la France est ici [dans l’hĂ©micycle] et non ailleurs. Penser autrement, ce serait douter de la RĂ©publique. »3011 Paul REYNAUD 1878-1966, AssemblĂ©e nationale, 4 octobre 1962. Notes et Ă©tudes documentaires, nos 4871 Ă  4873 1988, Documentation française La Ve RĂ©publique est un rĂ©gime dont le caractĂšre prĂ©sidentiel va se renforcer avec l’élection du prĂ©sident au suffrage universel. Un rĂ©fĂ©rendum doit dĂ©cider de cette modification constitutionnelle. Ce jour-lĂ , Paul Reynaud, opposĂ© Ă  ce projet, exprime pour la derniĂšre fois la vision ultra-reprĂ©sentative de la souverainetĂ© parlementaire, qui domina la IIIe et la IVe RĂ©publiques. La Constitution est violĂ©e. »3012 Gaston MONNERVILLE 1897-1991, prĂ©sident du SĂ©nat, 9 octobre 1962. Le Consensus Ă  la française 2002, Sylvie Guillaume Le deuxiĂšme personnage de l’État accuse le premier. Il y a un prĂ©texte de forme l’utilisation de l’article 11 au lieu de l’article 89 de la Constitution pour instituer l’élection du prĂ©sident de la RĂ©publique au suffrage universel. La vraie critique est de fond la rĂ©forme prive les sĂ©nateurs joints aux dĂ©putĂ©s de la prĂ©rogative d’élire le chef de l’État. Monnerville, homme d’ordinaire nuancĂ©, use de mots trĂšs durs, comme au CongrĂšs radical de Vichy fin septembre Violation dĂ©libĂ©rĂ©e, voulue, rĂ©flĂ©chie, outrageante de la Constitution [
] Arbitraire [
] Forfaiture du Premier ministre. » D’oĂč la rupture dĂ©finitive entre le SĂ©nat et le gĂ©nĂ©ral de Gaulle. Si votre rĂ©ponse est non », comme le voudraient tous les anciens partis afin de rĂ©tablir le rĂ©gime de malheur, ainsi que tous les factieux pour se lancer dans la subversion, de mĂȘme si la majoritĂ© des oui » est faible, mĂ©diocre et alĂ©atoire, il est bien Ă©vident que ma tĂąche sera terminĂ©e aussitĂŽt et sans retour. »3013 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours, 18 octobre 1962. De Gaulle 1964, François Mauriac C’en est fini du consensus existant depuis 1958. Il n’y a plus de guerre d’AlgĂ©rie pour souder la majoritĂ© parlementaire. Le cartel des Non » Ă  de Gaulle regroupe tous les vieux partis » et Ă  la fronde parlementaire s’ajoute l’hostilitĂ© ouverte des juristes. RĂ©sultat ? Le oui » au rĂ©fĂ©rendum pour l’élection du prĂ©sident de la RĂ©publique au suffrage universel reprĂ©sentera 62,25 % des suffrages exprimĂ©s. Vous avez scellĂ© la condamnation du rĂ©gime dĂ©sastreux des partis. »3014 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 7 novembre 1962. La Vie politique sous la Ve RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal Le prĂ©sident prend acte du oui » et se satisfait d’un taux d’approbation plutĂŽt moyen Ă  son rĂ©fĂ©rendum. Sans faire de la politique-fiction, il serait sans doute trĂšs supĂ©rieur aujourd’hui, tant les Français se sont appropriĂ© cette Ă©lection de leur prĂ©sident au suffrage universel. La nation est maintenant en plein essor, les caisses remplies, le franc plus fort qu’il ne le fut jamais, la dĂ©colonisation achevĂ©e, le drame algĂ©rien terminĂ©, l’armĂ©e rentrĂ©e tout entiĂšre dans la discipline, le prestige français replacĂ© au plus haut dans l’univers, bref tout danger immĂ©diat Ă©cartĂ© et la situation de la France bien Ă©tablie au-dedans et au-dehors. » Dans l’élan, il annonce les prochaines Ă©lections des 18 et 25 novembre. C’est un triomphe 233 membres sur 482 siĂšges Ă  l’AssemblĂ©e pour l’UNR. Aucun parti en France n’a fait un tel score, depuis la LibĂ©ration. Entre les deux tours, de Gaulle dit en Conseil des ministres J’ai dĂ©clarĂ© la guerre aux partis. Je me garde bien de dĂ©clarer la guerre aux chefs des partis. Les partis sont irrĂ©cupĂ©rables. Mais les chefs de partis ne demandent qu’à ĂȘtre rĂ©cupĂ©rĂ©s
 Il leur suffit de rĂ©cupĂ©rer un portefeuille. » 6. Le prĂ©sident omniprĂ©sent affronte l’opposition de tous les partis Mitterrand en tĂȘte, l’approche de la prĂ©sidentielle stimulant le jeu mĂ©diatique et la combativitĂ© du chef de l’État. En rappelant ce que fut la personnalitĂ© de RenĂ© Coty, comment ne pas Ă©voquer cette pensĂ©e de La BruyĂšre La modestie est au mĂ©rite ce que les ombres sont aux figures dans un tableau elles lui donnent force et relief. » »2886 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours aux obsĂšques de RenĂ© Coty, 27 novembre 1962. RenĂ© Coty tel qu’en lui-mĂȘme 1990, Francis de Baecque Son successeur Ă  la tĂȘte de l’État lui rend ainsi hommage. AndrĂ© Siegfried, dans Le Figaro du lendemain, Ă©crit Ă  son sujet Une absence totale de fanatisme, le respect de la position adverse, et tout au fond le sentiment que la vĂ©ritĂ© n’est peut-ĂȘtre pas tout entiĂšre du mĂȘme cĂŽtĂ©. » Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle est-il donc si seul, si peu informĂ©, si mal conseillĂ© ? La Moselle n’est pas l’AlgĂ©rie, les mineurs ne sont pas l’OAS. »3015 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER 1924-2006, L’Express, 7 mars 1963. Chronique des annĂ©es soixante 1990, Michel Winock L’Express, créé en 1953 par JJSS » 29 ans pour soutenir la candidature de MendĂšs France, et trĂšs politisĂ© durant toute la guerre d’AlgĂ©rie, est encore un hebdo rĂ©solument de gauche, partant pour toutes les croisades et fier de ses grandes signatures. Dans un climat de paix sociale relative deux fois moins de jours de grĂšve en 1958-1967 qu’en 1948-1957, Ă©clate le 1er mars 1963 la grĂšve totale des mineurs de Lorraine et du Nord - Pas-de-Calais. Le dĂ©cret de rĂ©quisition, signĂ© le 2 mars Ă  Colombey-les-Deux-Églises, n’arrange rien, au contraire. Les syndicats appellent Ă  une grĂšve gĂ©nĂ©rale d’un quart d’heure pour protester contre l’atteinte au droit de grĂšve. MĂȘme la presse de droite est critique, ainsi Jean Grandmougin dans L’Aurore On ne s’adresse pas Ă  des mineurs comme Ă  des enfants de troupe. » La cote de popularitĂ© du prĂ©sident tombe, les mineurs sont trĂšs populaires en France et leur grĂšve aussi, qui ne gĂȘne personne. Ils gagneront dĂ©but avril hausse de salaires, quatriĂšme semaine de congĂ©s payĂ©s. Mais le charbon perdra bientĂŽt la bataille de l’énergie, contre d’autres sources moins coĂ»teuses. Le JT n’est pas au gouvernement, mais au public. »3016 Alain PEYREFITTE 1925-1999, ministre de l’Information. Chronique des annĂ©es soixante 1990, Michel Winock Avril 1963 LĂ©on Zitrone et Georges de Caunes prĂ©sentent la nouvelle formule du Journal tĂ©lĂ©visĂ©. Mais la radio-tĂ©lĂ©vision d’État, c’est encore la voix de la France et les Français ne sont pas considĂ©rĂ©s en adultes. À l’époque, c’est la presse Ă©crite – une presse d’opinion – qui joue, fort bien, son rĂŽle d’opposition. VoilĂ  que se lĂšve, immense, bien nourrie, ignorante en histoire, opulente, rĂ©aliste, la cohorte dĂ©politisĂ©e et dĂ©dramatisĂ©e des Français de moins de vingt ans. »3017 François NOURISSIER 1927-2011, Les Nouvelles LittĂ©raires juin 1963. La Belle Histoire des groupes de rock français des annĂ©es 60 2001, Jean Chalvidant, HervĂ© Mouvet AprĂšs la nuit du 22 au 23 juin 1963, place de la Nation. 150 000 fans en dĂ©lire ont grimpĂ© aux marronniers et aux rĂ©verbĂšres pour acclamer leurs idoles Johnny, Sylvie, Richard Anthony et Cie. Quelle est cette jeunesse ? Le fruit du baby-boom. Des yĂ©-yĂ© mieux nourris que les zazous famĂ©liques d’aprĂšs-guerre. Ignorant si bien l’histoire que cette mĂȘme annĂ©e sort le film de Bertrand Blier Hitler, connais pas. Ils lisent Salut les copains SLC magazine nĂ© en juillet 1962 avec 50 000 exemplaires, atteignant le million un an aprĂšs, regardent Le Temps des copains un feuilleton tĂ©lĂ©, imposent leur mode, leurs goĂ»ts, leur style, leurs codes Ă  une France en paix, prospĂšre, bourgeoise. Ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent. »3018 Edgar FAURE 1908-1988, Ă  qui lui reprochait de souvent changer d’avis. Edgar Faure le virtuose de la politique 2006, Raymond Krakovitch RalliĂ© Ă  de Gaulle et trop heureux de retrouver des responsabilitĂ©s, il est officieusement chargĂ© de l’établissement des relations diplomatiques avec la Chine populaire en 1963 – mission rĂ©ussie. Elles prendront effet le 27 janvier 1964. Raymond Cartier saluera l’évĂ©nement L’initiative du gĂ©nĂ©ral de Gaulle s’intĂšgre dans un plan grandiose qu’il poursuit avec son goĂ»t du secret, son amour du risque, son sens des coups de théùtre et sa monumentale tĂ©nacitĂ©. C’est du rĂ©alignement du monde qu’il s’agit. » Edgar Faure se retrouvera ministre de l’Agriculture en 1966. C’est un trait de mon caractĂšre, que le goĂ»t des honneurs et l’attachement aux titres. » Cette passion pour le pouvoir, revendiquĂ©e pendant quarante ans, pousse le dĂ©putĂ© Ă  ĂȘtre plusieurs fois ministre et mĂȘme chef de gouvernement. Politiquement inclassable, sinon comme opportuniste, ses adversaires eux-mĂȘmes apprĂ©cient son humour et ses Ă©lĂšves de Sciences Po auront Ă  commenter un de ses aphorismes L’immobilisme est en marche et rien ne pourra l’arrĂȘter. » L’homme ne se prend pas au sĂ©rieux, mais jusqu’à sa mort, il prendra trĂšs au sĂ©rieux ses fonctions et ses missions. Qu’est-ce que le gaullisme depuis qu’issu de l’insurrection il s’est emparĂ© de la nation ? Un coup d’État de tous les jours. »3020 François MITTERRAND 1916-1996, Le Coup d’État permanent 1964 Pamphlet signĂ© d’un des leaders de la gauche socialiste, ministre du gouvernement MendĂšs France et fidĂšle opposant Ă  de Gaulle ayant votĂ© contre son investiture, le 1er juin 1958. C’est aussi un Ă©crivain plus qu’un orateur Le gaullisme vit sans loi, il avance au flair. D’un coup d’État Ă  l’autre, il prĂ©tend construire un État, ignorant qu’il n’a rĂ©ussi qu’à sacraliser l’aventure. » Le 24 avril 1964, dans un grand dĂ©bat institutionnel Ă  l’AssemblĂ©e, Mitterrand dĂ©clare que la responsabilitĂ© du gouvernement devant le Parlement Ă©tant vidĂ©e de substance, le rĂ©gime de la CinquiĂšme RĂ©publique est un rĂ©gime de pouvoir personnel. Pompidou, Premier ministre, lui rĂ©pond que l’opposition, en refusant de s’adapter aux institutions de la CinquiĂšme, n’a aucun avenir. Son temps venu, en 1981, l’inconditionnel adversaire du gĂ©nĂ©ral de Gaulle s’accommodera fort bien de cette Constitution Les institutions n’étaient pas faites Ă  mon intention. Mais elles sont bien faites pour moi. » La tĂ©lĂ©vision, c’est le gouvernement dans la salle Ă  manger de chaque Français. »2955 Alain PEYREFITTE 1925-1999. La TĂ©lĂ©vision et ses promesses 1960, AndrĂ© Brincourt Parole du ministre de l’Information ! AprĂšs un dĂ©bat parlementaire animĂ©, l’ORTF Office de radiodiffusion-tĂ©lĂ©vision française, Ă©tablissement public Ă  caractĂšre industriel et commercial Ă  vocation informative, culturelle et Ă©ducative », est créé par la loi du 27 juin 1964. C’est un mot qui date. On pourrait presque parler d’ Ancien rĂ©gime ». Les mass media, tĂ©lĂ© en tĂȘte, font pour le pire et le meilleur la rĂ©volution culturelle des temps modernes. La tĂ©lĂ©cratie », fait de sociĂ©tĂ© aussi indiscutable que discutĂ©, c’est d’abord le JT Journal tĂ©lĂ©visĂ© devenu grand-messe biquotidienne. C’est aussi 15 millions de spectateurs pour une piĂšce de théùtre le samedi soir, 4 milliards de spectateurs pour 475 films de cinĂ©ma diffusĂ©s en 1982. Et plus de temps passĂ© devant le petit Ă©cran qu’à l’école, par les enfants des annĂ©es 1980. Au XXIe siĂšcle, la multiplication des chaĂźnes rend l’offre plĂ©thorique, cependant que l’ordinateur et Internet changent la donne, en crĂ©ant une collection de micro-mĂ©dias et de rĂ©seaux Ă  la fois dĂ©centralisĂ©s et interconnectĂ©s. Un autre monde naĂźt ainsi. Je ne vais pas mal. Mais rassurez-vous, un jour, je ne manquerai pas de mourir. »3021 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 4 fĂ©vrier 1965. De Gaulle le souverain, 1959-1970 1986, Jean Lacouture Nul ne sait encore s’il sera candidat Ă  sa propre succession, Ă  la fin de l’annĂ©e. Cette Ă©chĂ©ance prĂ©sidentielle ravive l’intĂ©rĂȘt du public pour la politique et l’opposition s’oppose, comme le veut la dĂ©mocratie
 et le jeu des partis. Le temps des croisades est terminĂ©, celui de l’intelligence arrive. »3022 Jean-Jacques SERVAN-SCHREIBER 1924-2006, patron de L’Express, Ă©tĂ© 1964. L’Express 1994 1965, annĂ©e oĂč les hebdos font peau neuve. L’AlgĂ©rie avait monopolisĂ© les Ă©nergies et mobilisĂ© les esprits, donnĂ© matiĂšre aux journaux d’opinion et fait monter leurs tirages. JJSS, qui a créé L’Express en 1953 pour soutenir MendĂšs France, est le premier Ă  comprendre qu’il faut une certaine dĂ©politisation, un appui des annonceurs publicitaires, des photos, des infos, du beau papier, de la quadrichromie, bref, tout ce qui fait le succĂšs de Time, Newsweek ou Der Spiegel. L’hebdo de cet agitateur d’idĂ©es va gagner en grande diffusion, mais perdre en grandes signatures. Il se gĂ©nĂ©ralise de plus en plus, devenant le reflet des changements de la sociĂ©tĂ© française. Si grand que soit le verre que l’on nous tend du dehors, nous prĂ©fĂ©rons boire dans le nĂŽtre, tout en trinquant aux alentours. »3023 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 27 avril 1965. Le GĂ©nĂ©ral de Gaulle et la construction de l’Europe, 1940-1966 1967, Edmond Jouve Il fait le bilan de son action sur le thĂšme qui lui est cher, l’indĂ©pendance nationale Le fait capital de ces sept derniĂšres annĂ©es, c’est que nous avons rĂ©sistĂ© aux sirĂšnes de l’abandon et choisi l’indĂ©pendance. » En fĂ©vrier 1966, la France reste membre du Pacte atlantique, mais se retire du dispositif militaire intĂ©grĂ© OTAN. Qui a jamais cru que le gĂ©nĂ©ral de Gaulle, Ă©tant appelĂ© Ă  la barre, devrait se contenter d’inaugurer les chrysanthĂšmes ? »3024 Charles de GAULLE 1890-1970, confĂ©rence de presse, 9 septembre 1965. De Gaulle ou l’éternel dĂ©fi 56 tĂ©moignages 1988, Jean Lacouture, Roland Mehl, Jean Labib Il rĂ©fute l’accusation de pouvoir personnel » le prĂ©sident de la RĂ©publique a seulement pris personnellement les dĂ©cisions qu’il lui incombait de prendre ». Sera-t-il candidat ? Il n’est pas encore entrĂ© en campagne, cependant qu’un fait constitutionnel change la vie politique en France l’élection du prĂ©sident aura lieu pour la premiĂšre fois au suffrage universel. Et l’inauguration des chrysanthĂšmes va devenir cĂ©lĂšbre. Le trĂšs sĂ©rieux Institut national de l’audiovisuel INA archive les petites phrases », de Gaulle figurant en bonne place dans la rubrique, avec ses rendez-vous mĂ©diatiques, entre improvisation et prĂ©paration. La confĂ©rence de presse du gĂ©nĂ©ral de Gaulle est une Ɠuvre d’art. L’orateur survole la planĂšte, rappelle le passĂ© et jette des rayons de lumiĂšre sur l’avenir. Il distribue blĂąmes ou Ă©loges aux uns et aux autres, il couvre de mĂ©pris ses adversaires et il ne dissimule pas la satisfaction que lui inspire la France qu’il façonne. »2978 Raymond ARON 1905-1983, Le Figaro, 25 janvier 1963. La Vie politique en France depuis 1940 1979, Jacques Chapsal, Alain Lancelot La confĂ©rence de presse, comme le bain de foule, est une institution du nouveau rĂ©gime. Cet exercice de haute voltige politico-historique » a fascinĂ© bien des tĂ©moins. Dont Jean Lacouture, un de ses biographes Toujours derriĂšre un pupitre, sur une chaire, pour nous enseigner sa leçon unique que, sans la France, le monde n’est pas digne de vivre. Que, sans de Gaulle, la France n’est pas apte Ă  survivre. » Contre le rĂ©gime du pouvoir personnel, il faut recrĂ©er la rĂ©publique des citoyens. »3025 François MITTERRAND 1916-1996, ConfĂ©rence de presse, 21 septembre 1965. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique et sociale en France 1966 Le leader socialiste fait campagne pour l’élection prĂ©sidentielle, fixĂ©e aux 5 et 19 dĂ©cembre 1965. Il va ĂȘtre candidat d’une union de la gauche qui ne dit pas encore son nom. Moi ou le chaos. »3026 Charles de GAULLE 1890-1970, rĂ©sumĂ© lapidaire de la dĂ©claration du 4 novembre 1965. Histoire de la France au XXe siĂšcle 1958-1974 1999, Serge Berstein, Pierre Milza Le prĂ©sident annonce enfin sa candidature, disant qu’en cas d’échec personne ne peut douter que [la rĂ©publique nouvelle] s’écroulera aussitĂŽt et que la France devra subir, cette fois sans recours possible, une confusion de l’État plus dĂ©sastreuse encore que celle qu’elle connut autrefois ». On reprochera au fondateur du rĂ©gime de croire si peu Ă  sa construction qu’elle tienne Ă  ce point Ă  un homme ! L’Express, contre de Gaulle candidat, titre De Gaulle Ă  vie ? » De Gaulle, sĂ»r de son succĂšs, ne se donne mĂȘme pas la peine de courtiser la France, dĂ©daignant son temps de parole Ă  la radio et Ă  la tĂ©lĂ©vision, ne croyant pas les deux grands instituts de sondage IFOP et Sofres qui assurent que rien n’est gagnĂ© pour lui. Le suspense est Ă  son comble – on doit Ă  de Gaulle ce fait constitutionnel qui a changĂ© la vie politique en France l’élection du prĂ©sident au suffrage universel. Le Centre existe. »3027 Jean LECANUET 1920-1993, au premier tour des prĂ©sidentielles, 5 dĂ©cembre 1965. La MĂȘlĂ©e prĂ©sidentielle 2007, Michel Winock Divine surprise mĂȘme sans le populaire Antoine Pinay, le centre, avec ce nouveau leader, obtient prĂšs de 16 % des voix. Mitterrand qui rassemble les gauches fait 32 %. Trois autres candidats ont dispersĂ© les voix de droite Jean-Louis Tixier-Vignancour extrĂȘme droite, Pierre Marcilhacy centre-droit, Marcel Barbu sans Ă©tiquette. Et le prĂ©sident sortant est en ballottage moins de 45 % des suffrages. Furieux, de Gaulle songe Ă  se retirer, abandonner la France et les Français. Ses ministres le supplient de continuer le combat. Le rĂ©gime des partis, c’est la pagaille. »2842 Charles de GAULLE 1890-1970, entretien tĂ©lĂ©visĂ© avec Michel Droit, 15 dĂ©cembre 1965. Discours et messages pour l’effort, aoĂ»t 1962-dĂ©cembre 1965 1970, Charles de Gaulle Constat souvent rĂ©pĂ©tĂ©. La QuatriĂšme RĂ©publique pĂ©chait comme la TroisiĂšme par ses partis trop puissants, ou plutĂŽt impuissants, archaĂŻques, aboutissant Ă  un rĂ©gime d’assemblĂ©e tyrannique. Mais il n’y a pas de dĂ©mocratie sans pluralitĂ© des partis. La pagaille » venait surtout du fait que le gouvernement, piĂ©gĂ© entre les oppositions gaulliste et communiste, tentait de s’appuyer sur une troisiĂšme force » centriste MRP, socialistes SFIO. De Gaulle, rappelĂ© au pouvoir, dressera ce bilan en juin 1958. Le rĂ©gime des partis [
] se montrait hors d’état d’assurer la conduite des affaires. Non point par incapacitĂ© ni par indignitĂ© des hommes. Ceux qui ont participĂ© au pouvoir sous la QuatriĂšme RĂ©publique Ă©taient des gens de valeur, d’honnĂȘtetĂ©, de patriotisme. » Le fait que les partisans de droite et les partisans de gauche dĂ©clarent que j’appartiens Ă  l’autre cĂŽtĂ© prouve [
] que je ne suis pas d’un cĂŽtĂ©, je ne suis pas de l’autre, je suis pour la France. »2973 Charles de GAULLE 1890-1970, Interview radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 15 dĂ©cembre 1965. De Gaulle vous parle 1967, Charles de Gaulle Incarner la France, l’assumer, s’identifier Ă  elle, c’est aussi pour le gĂ©nĂ©ral de Gaulle une façon de s’opposer aux partis qu’il mĂ©prise. Il n’est pas centriste, il n’est pas Ă  cĂŽtĂ© des partis, il est au-dessus. Il n’y a pas de textes constitutionnels [
] qui puissent faire qu’en France un chef de l’État en soit vĂ©ritablement un s’il procĂšde, non point de la confiance profonde de la nation, mais d’un arrangement momentanĂ© entre professionnels de l’astuce. »3028 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 17 dĂ©cembre 1965. De Gaulle parle, 1962-1966 1966, Charles de Gaulle, AndrĂ© Passeron Entre les deux tours, de Gaulle se lance la phrase est doublement assassine, visant Ă  la fois son adversaire François Mitterrand et le rĂ©gime des partis qu’il incarne. OĂč est le choix ? À travers deux hommes, il est entre deux rĂ©gimes bien connus, c’est-Ă -dire entre deux expĂ©riences que la nation a faites successivement et entre deux avenirs opposĂ©s Ă  tous les Ă©gards. » Notre pays a confirmĂ© en ma personne la RĂ©publique nouvelle et approuvĂ© la politique qui est la mienne. »3029 Charles de GAULLE 1890-1970, PremiĂšre confĂ©rence de presse de son nouveau mandat, 21 fĂ©vrier 1966. Discours et messages, volume V 1970, Charles de Gaulle Victoire Ă©lectorale, mais faible, eu Ă©gard aux prĂ©cĂ©dentes consultations et au personnage 54,5 % des voix au second tour. Le sauveur est dĂ©sacralisĂ©, le mythe gaulliste n’éveille plus chez les jeunes l’enthousiasme de leurs aĂźnĂ©s, l’État semble stagnant et vieillot. Pourtant, Pompidou reste Premier ministre. Quelques nouveaux anciens » apparaissent dans son troisiĂšme gouvernement Edgar Faure Agriculture, Michel DebrĂ© Économie et Finances, Jean-Marcel Jeanneney Affaires sociales. À signaler le dĂ©part de Giscard d’Estaing Ă©cartĂ© des Finances, il a refusĂ© l’Équipement. Il n’est plus ministre, il n’est plus dĂ©putĂ© et c’est le moment oĂč, en quarante-cinq minutes de tĂ©lĂ©vision, M. ValĂ©ry Giscard d’Estaing a pris soudain la physionomie d’un homme politique [
] Nous avons assistĂ© mardi soir Ă  la naissance d’un dauphin. »3030 Françoise GIROUD 1916-2003, Naissance d’un dauphin », L’Express, 21 fĂ©vrier 1966 SĂ©duite, Ă  la suite de l’émission tĂ©lĂ©visĂ©e Face Ă  face » entre Giscard d’Estaing et quatre journalistes, la journaliste en tire une conclusion prophĂ©tique. Ces annĂ©es de Gaulle sont aussi les annĂ©es mĂ©dias » la tĂ©lĂ© fait et dĂ©fait les destins politiques. Autant qu’à l’école, les masses ont droit au théùtre, au musĂ©e. Il faut faire pour la culture ce que Jules Ferry faisait pour l’instruction. »3031 AndrĂ© MALRAUX 1901-1976, Discours Ă  l’AssemblĂ©e nationale, 27 octobre 1966. AndrĂ© Malraux, une vie dans le siĂšcle 1973, Jean Lacouture De Gaulle a créé le ministĂšre de la Culture pour Malraux. Leur dialogue au sommet, que seule la mort interrompra, est l’une des rencontres du siĂšcle, saluĂ©e par François Mauriac Ce qu’ils ont en commun, c’est ce qu’il faut de folie Ă  l’accomplissement d’un grand destin, et ce qu’il y faut en mĂȘme temps de soumission au rĂ©el. » Ministre des Affaires culturelles de 1958 Ă  1968, chaque automne, lors de la discussion du budget, Malraux enchante dĂ©putĂ©s et sĂ©nateurs par des interventions communĂ©ment qualifiĂ©es d’éblouissantes sur les crĂ©dits de son dĂ©partement – en fait notoirement insuffisants au regard des ambitions proclamĂ©es. Il faudra l’arrivĂ©e de la gauche au pouvoir 1981 pour que ce ministĂšre frĂŽle le 1 % du budget de l’État. Malraux dĂ©finit ici la mission des maisons de la Culture implantĂ©es dans les villes moyennes, lieux de rencontre, de crĂ©ation, de vie, chargĂ©es de donner Ă  chacun les clĂ©s du trĂ©sor ». Ce rĂȘve de dĂ©mocratie culturelle est toujours actuel, Ă  la fois vital et irrĂ©alisable. Les peuples sont en train de demander la culture, alors qu’ils ne savent pas ce que c’est. »2959 AndrĂ© MALRAUX 1901-1976, ministre de la Culture, AssemblĂ©e nationale, 27 octobre 1966. La Culture et le rossignol 1970, Marie-Claire Gousseau PrĂ©sentant son budget, il note ce fait extrĂȘmement mystĂ©rieux [qui] se produit aujourd’hui dans le monde entier ». Mais les crĂ©dits restent dĂ©risoires face aux ambitions d’une culture de masse digne de ce nom. Comme le dira Jacques Duhamel passant du ministĂšre de l’Agriculture Ă  celui de la Culture Ce sont les mĂȘmes chiffres, mais les uns sont libellĂ©s en nouveaux francs, alors que les autres le sont en anciens francs » - autrement dit, cent fois infĂ©rieurs. La politique de la France ne se fait pas Ă  la corbeille. »3032 Charles de GAULLE 1890-1970, confĂ©rence de presse, 28 octobre 1966. Histoire de la France au XXe siĂšcle 1958-1974 1999, Serge Berstein, Pierre Milza RĂ©ponse un peu courte Ă  la question Monsieur le prĂ©sident, Ă  quoi attribuez-vous la baisse de la Bourse, alors qu’on dit que l’économie va bien ? — Je dirai un mot de la Bourse, puisque vous m’en parlez. En 1962, elle Ă©tait exagĂ©rĂ©ment bonne, en 1966, elle est exagĂ©rĂ©ment mauvaise. Monsieur, vous savez, la politique de la France ne se fait pas Ă  la corbeille. » La France, reconstruite aprĂšs la guerre et devenue sociĂ©tĂ© de consommation, vit en effet et sans complexe le miracle Ă©conomique des Vingt Glorieuses expression plus juste que les Trente Glorieuses. Ce qu’on appellera aussi la plus grande Ă©popĂ©e pacifique de la France de 1954 Ă  1974, trĂšs prĂ©cisĂ©ment entre la fin de la reconstruction et le dĂ©but de la crise pĂ©troliĂšre, le pouvoir d’achat des Français est multipliĂ© par 2, la richesse nationale PIB, produit intĂ©rieur brut par 3. Dans le mĂȘme esprit, mais en d’autres circonstances et sur un autre ton, Édith Cresson, premiĂšre femme Premier ministre de Mitterrand dira en 1991 La Bourse, j’en ai rien Ă  cirer. » L’intendance suivra. »2942 AttribuĂ© Ă  Charles de GAULLE 1890-1970, qui niera l’avoir dit MĂȘme apocryphe et non sourcĂ©e », cette expression militaire souligne que la politique intĂ©rieure devait ĂȘtre, dans la vision du gĂ©nĂ©ral, au service de la politique extĂ©rieure. MalgrĂ© tout, l’ intendance » l’économique est une condition de la grandeur française. Il lui arrivera d’ailleurs de le reconnaĂźtre C’est l’économie qui me paraĂźt l’emporter sur tout le reste, parce qu’elle est la condition de tout et en particulier la condition du progrĂšs social » 13 dĂ©cembre 1965. “Oui” Ă  la majoritĂ©, “mais” avec la ferme volontĂ© de peser sur ses orientations. »3033 ValĂ©ry GISCARD D’ESTAING 1926-2020, confĂ©rence de presse, 10 janvier 1967. Chronique des annĂ©es soixante 1990, Michel Winock Le fameux Oui, mais
 » prĂ©cise le rĂŽle des rĂ©publicains indĂ©pendants 35 dĂ©putĂ©s au sein de la majoritĂ©, Ă  l’occasion des Ă©lections lĂ©gislatives de mars 1967. Notre mais n’est pas une contradiction, mais une addition [
] dans trois directions celle d’un fonctionnement plus libĂ©ral des institutions, celle de la mise en Ɠuvre d’une vĂ©ritable politique Ă©conomique et sociale moderne, celle de la construction de l’Europe. » On ne gouverne pas avec des mais ». »3034 Charles de GAULLE 1890-1970, Riposte Ă  ValĂ©ry Giscard d’Estaing, Conseil des ministres, 11 janvier 1967. Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n° 170 1971 La majoritĂ© sortante sera reconduite Ă  l’AssemblĂ©e, mais d’extrĂȘme justesse, grĂące aux voix d’outre-mer. Pompidou reste Premier ministre. Et le gouvernement va gouverner sans mais », sans dĂ©bats parlementaires, par ordonnances en matiĂšre Ă©conomique et sociale crĂ©ation de l’ANPE, intĂ©ressement des travailleurs, rĂ©forme de la SĂ©curitĂ© sociale. Les motions de censure dĂ©posĂ©es n’y peuvent rien, la majoritĂ© est soudĂ©e, mĂȘme si Giscard d’Estaing dĂ©nonce l’exercice solitaire du pouvoir » et critique son successeur aux Finances, Michel DebrĂ©. Le prĂ©sident de la RĂ©publique est atteint d’une hypertrophie maladive du moi ; ses intuitions politiques, souvent justes Ă  l’origine, apparaissent vite dĂ©naturĂ©es par une large surestimation du rĂŽle et des possibilitĂ©s de la France. »2975 Hubert BEUVE-MÉRY alias SIRIUS 1902-1989, Le Monde, 1er aoĂ»t 1967. Onze ans de rĂšgne 1958-1969 1974, Hubert Beuve-MĂ©ry Critique habituelle chez les adversaires de De Gaulle, y compris Ă  l’étranger oĂč sa forte personnalitĂ© servait dans le mĂȘme temps le prestige de la France. Le 10 aoĂ»t 1967, il semble rĂ©pondre au fondateur du Monde dans une allocution tĂ©lĂ©visĂ©e Il va de soi que notre action d’ensemble est rĂ©prouvĂ©e par ce qu’il faut bien appeler l’école du renoncement national. Étrange passion de l’abaissement ! » Tant qu’il y aura des dictatures, je n’aurai pas le cƓur Ă  critiquer une dĂ©mocratie. »3035 Jean ROSTAND 1894-1977, InquiĂ©tudes d’un biologiste 1967 Au-delĂ  de dĂ©bats politiques et constitutionnels plus ou moins partisans, un grand savant sait replacer nos querelles franco-françaises Ă  leur niveau. Vive MontrĂ©al ! Vive le QuĂ©bec ! Vive le QuĂ©bec libre ! »3036 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours de MontrĂ©al, 25 juillet 1967. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture L’orateur enchaĂźne et termine par Vive le Canada français et vive la France ! » Le monde entier est Ă©bahi. Et Pompidou, Premier ministre, dira du discours Celui-lĂ , il ne me l’avait pas montrĂ© ! » De Gaulle rĂ©pondra, pour se justifier Il fallait bien que je parle aux Français du Canada. Nos rois les avaient abandonnĂ©s » – allusion Ă  cette Nouvelle-France dĂ©couverte sous François Ier, colonisĂ©e depuis Henri IV, avant que Louis XV ne cĂšde les quelques arpents de neige » du Canada Ă  l’Angleterre en 1763. Hasard ? Jacques Cartier prend possession du Canada, au nom du roi de France, un 24 juillet 1534. Il n’empĂȘche, cette harangue dĂ©clenche une crise entre le Canada et la France, qui semble soutenir les indĂ©pendantistes quĂ©bĂ©cois. Les Juifs [
] Ă©taient restĂ©s ce qu’ils avaient Ă©tĂ© de tout temps, c’est-Ă -dire un peuple d’élite, sĂ»r de lui-mĂȘme et dominateur. »3037 Charles de GAULLE 1890-1970, confĂ©rence de presse, 27 novembre 1967. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture La guerre des Six Jours a commencĂ© le 5 juin 1967 attaque des IsraĂ©liens, fulgurante ; dĂ©faite des Arabes, humiliante. L’opinion publique est divisĂ©e en France, au-delĂ  des traditionnels clivages gauche-droite. La majoritĂ© gaulliste renĂącle. Tandis que les intellectuels de gauche sont crucifiĂ©s militants de la cause arabe et de l’anticolonialisme, ils ne peuvent trahir la solidaritĂ© sacrĂ©e avec le peuple juif victime du gĂ©nocide et avec le petit État d’IsraĂ«l. En prĂ©face au numĂ©ro spĂ©cial des Temps modernes prĂ©parĂ© sur le conflit israĂ©lo-arabe depuis plus d’un an et qui sort en juillet 1967, Jean-Paul Sartre, qui est encore le maĂźtre Ă  penser d’une gĂ©nĂ©ration et prend position tranchĂ©e sur presque tout, avoue DĂ©chirĂ©s, nous n’osons rien faire et rien dire. » L’annĂ©e 1968, je la salue avec sĂ©rĂ©nitĂ©. »3038 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 31 dĂ©cembre 1967. AnnĂ©e politique 1968 Les vƓux de l’ÉlysĂ©e sont de tradition, en fin d’annĂ©e. Mais l’annĂ©e 1968 va vĂ©ritablement Ă©branler le rĂ©gime gaulliste, et la sociĂ©tĂ© française. 7. Mai 68, dernier combat du gĂ©nĂ©ral vieillissant contre la jeunesse rĂ©voltĂ©e, menĂ© avec l’aide du Premier ministre Pompidou et finalement gagnĂ© aux Ă©lections de juin. La rĂ©crĂ©ation est finie. »3056 Charles de GAULLE 1890-1970, Orly, samedi 18 mai 1968. Mai 68 et la question de la rĂ©volution 1988, Pierre Hempel DĂ©barquant d’avion, de retour de Roumanie avec 12 heures d’avance. Évidemment au courant des Ă©vĂ©nements, mais n’ayant pas jugĂ© bon de changer ses dĂ©placements diplomatiques, le prĂ©sident ajoute Ces jeunes gens sont pleins de vitalitĂ©. Envoyez-les donc construire des routes. » L’humour passera ou pas, mais jamais de langue de bois chez de Gaulle ! La rĂ©forme, oui, la chienlit, non. »3057 Charles de GAULLE 1890-1970, Bureau de l’ÉlysĂ©e, dimanche matin, 19 mai 1968. Le Printemps des enragĂ©s 1968, Christian CharriĂšre Formule rapportĂ©e par Georges Gorse, ministre de l’Information, et confirmĂ©e par Georges Pompidou, Premier ministre. Le prĂ©sident rĂ©unit les responsables de l’ordre qui n’existe plus, demande le nettoyage immĂ©diat de la Sorbonne et de l’OdĂ©on occupĂ©s par les rĂ©volutionnaires de Mai. Cela risque de dĂ©clencher un engrenage de violences et ses interlocuteurs obtiennent un sursis d’exĂ©cution. Il faut Ă©viter l’irrĂ©parable. La chienlit, c’est Slogan sous une marionnette en habit de gĂ©nĂ©ral aux Beaux-Arts, 20 mai 1968 Le mot a fuitĂ©, aussitĂŽt repris, affiche Ă  l’appui avec un de Gaulle facile Ă  caricaturer par les Ă©tudiants des Beaux-Arts. Mais la chienlit, ce sont surtout les 6 Ă  10 millions de grĂ©vistes ! Et tout ce qui s’ensuit, depuis trois semaines usines occupĂ©es, essence rationnĂ©e, centres postaux bloquĂ©s, banques fermĂ©es. Les mĂ©nagĂšres stockent. Les cafĂ©s sont pleins. La parole se dĂ©chaĂźne jusque dans les Ă©glises. La moindre petite ville a son mini-OdĂ©on et sa micro-Sorbonne. Sans parler des combats de rue et des barricades Ă  Paris. Ce qui me semble le plus important, c’est qu’actuellement les fils de la bourgeoisie s’unissent aux ouvriers dans un esprit rĂ©volutionnaire. »3059 Jean-Paul SARTRE 1905-1980, Sorbonne, 20 mai 1968. Le PiĂ©ton de mai 1968, Jean Claude Kerbourc’h Prestigieux invitĂ©s Ă  l’affiche de ce jour Pierre Bourdieu sociologue, Marguerite Duras romanciĂšre, Max-Pol Fouchet auteur tout terrain, surtout connu comme homme de radio et de tĂ©lĂ©vision. Sartre la vedette bouscule et charme son public, tellement Ă  l’aise dans ce grand spectacle populaire. Ce n’est pas une rĂ©volution, sire, c’est une Slogan sur les murs de Nanterre, mai 1968 Cohn-Bendit, Dany le Rouge, l’ anarchiste allemand », l’ enragĂ© de Nanterre » oĂč tout a commencĂ© avec le Mouvement du 22 mars, sait ĂȘtre Ă©tonnamment lucide et raisonnable Ă  23 ans, quand il affirme le 20 mai Je ne crois pas que la rĂ©volution soit possible du jour au lendemain. Je crois que nous allons plutĂŽt vers un changement perpĂ©tuel de la sociĂ©tĂ©, provoquĂ© Ă  chaque Ă©tape par des actions rĂ©volutionnaires [
] Au mieux, on peut espĂ©rer faire tomber le gouvernement. Mais il ne faut pas songer Ă  faire Ă©clater la sociĂ©tĂ© bourgeoise. » La suite de l’histoire montre Ă  quel point le personnage est nĂ© pour la politique. AprĂšs les Ă©vĂ©nements que nous venons de vivre, nous sommes entrĂ©s dans la pĂ©riode du post-gaullisme et ce, dans de mauvaises conditions. »3061 Gaston DEFFERRE 1910-1986, AssemblĂ©e nationale, 22 mai 1968. Mai 68 et ses suites lĂ©gislatives immĂ©diates [en ligne], AssemblĂ©e nationale DĂ©putĂ©-maire de Marseille, grand rĂ©sistant, mais opposant socialiste Ă  de Gaulle, il s’adresse Ă  Pompidou, Premier ministre Quelle que soit l’issue du scrutin et mĂȘme si la censure n’est pas votĂ©e, vous sortirez diminuĂ© de cette Ă©preuve. » Motion de censure dĂ©posĂ©e par l’opposition, rejetĂ©e. Quant Ă  la prĂ©diction, elle est Ă  la fois fausse et vraie. La Ve au clou, la Ve c’est nous !Ouvriers, paysans, Ă©tudiants, tous Slogans lors de la manifestation du 24 mai 1968 Le 24 mai, la manifestation prĂ©vue prend un tour imprĂ©vu. MalgrĂ© l’hostilitĂ© de la CGT, des ouvriers se sont joints aux Ă©tudiants et scandent en chƓur trahison – ni Mitterrand, ni de Gaulle – les usines aux travailleurs. Et en faveur de Cohn-Bendit Les frontiĂšres, on s’en fout, rĂ©pĂ©tant le slogan Nous sommes tous des juifs allemands. J’entreprendrai [
] de faire changer, partout oĂč il le faut, des structures Ă©troites et pĂ©rimĂ©es, et ouvrir plus largement la route au sang nouveau de la France. »3066 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, vendredi 24 mai 1968. Discours et messages vers le terme, janvier 1966-avril 1969 1970, Charles de Gaulle Le prĂ©sident annonce un rĂ©fĂ©rendum sur la participation. Ce jour-lĂ , le message ne passe pas affirmer des principes vagues pour demander, au bout de dix ans, qu’on continue Ă  lui faire confiance, c’était selon ses propres termes plus tard mettre Ă  cĂŽtĂ© de la plaque » ! MendĂšs France rĂ©pond Un plĂ©biscite, cela ne se discute pas, cela se combat. » La violence va se dĂ©chaĂźner le soir mĂȘme. Je demande Ă  Paris de vomir cette pĂšgre qui la dĂ©shonore [
] pĂšgre qui sort des bas-fonds de Paris et qui est vĂ©ritablement enragĂ©e, dissimulĂ©e derriĂšre les Ă©tudiants. »3067 Christian FOUCHET 1911-1974, ministre de l’IntĂ©rieur, DĂ©claration aux journalistes, Ă  l’aube du 25 mai 1968. Le Printemps des enragĂ©s 1968, Christian CharriĂšre Paris vit une nouvelle nuit d’émeutes des mouvements extrĂ©mistes et anarchistes sont rejoints par les bandes de loubards » de la banlieue. Chaque groupe, lancĂ© Ă  travers la capitale, improvise sa manif et se demande quel symbole de la sociĂ©tĂ© il faut d’abord dĂ©truire. La Bourse brĂ»le. La police est tenue en Ă©chec au Quartier latin jusqu’à 5 heures. Dans la matinĂ©e du 25 mai, le Premier ministre Pompidou Ă©voque une tentative Ă©vidente de dĂ©clencher la guerre civile. » L’opinion avait cessĂ© de rire, d’applaudir le dĂ©sordre ; elle commençait Ă  avoir peur. »3068 Édouard BALLADUR nĂ© en 1929, L’Arbre de mai 1979 On peut dater cette peur du 25 mai. AprĂšs la nuit d’émeute en divers quartiers de Paris, le prĂ©fet de police Grimaud fait cette analyse dans son livre tĂ©moignage, En mai, fais ce qu’il te plaĂźt Du cĂŽtĂ© des manifestants, ce ne sont plus les Ă©tudiants exaltĂ©s du 10 mai qui voulaient mourir sur les barricades » et libĂ©rer la Sorbonne de l’occupation policiĂšre, mais de petites troupes de guĂ©rilleros, trĂšs mobiles, trĂšs dĂ©cidĂ©es, rompues au harcĂšlement des forces de l’ordre, Ă  l’édification rapide d’obstacles, de barricades [
] On a l’impression que tout est en place pour des Ă©meutes insurrectionnelles, si seulement l’occasion surgit qui permette d’entraĂźner la masse Ă©tudiante et, on l’espĂšre toujours, les ouvriers. Ce style nouveau est le fait des mouvements extrĂ©mistes et anarchistes et, depuis quelques jours, s’y sont jointes les bandes de loubards » de la banlieue. » La situation oĂč nous sommes est rĂ©volutionnaire, tout est possible. »3070 AndrĂ© BARJONET 1921-2005, Stade CharlĂ©ty, 27 mai 1968. Mai 68 histoire des Ă©vĂ©nements 1998, Laurent Joffrin La crise, d’abord universitaire, puis sociale, devient politique. Le matin, ce syndicaliste communiste a solennellement quittĂ© d’importantes fonctions Ă  la CGT et adhĂ©rĂ© au PSU. La base a refusĂ© les accords de Grenelle entre gouvernement, patronat et CGT. Des syndicalistes scandent contre le SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la CGT SĂ©guy, dĂ©mission ! » 300 000 manifestants manifestent, un seul est silencieux MendĂšs France qui a refusĂ© la tribune offerte. En France, depuis le 3 mai 1968, il n’y a plus d’État et ce qui en tient lieu ne dispose mĂȘme pas des apparences du pouvoir [
] Il convient dĂšs maintenant de constater la vacance du pouvoir et d’organiser la succession. »3071 François MITTERRAND 1916-1996, ConfĂ©rence de presse, mardi 28 mai 1968. Vie politique sous la CinquiĂšme RĂ©publique 1981, Jacques Chapsal C’est l’évĂ©nement du jour. Le leader de la gauche qui n’est ni gauchiste ni communiste a pris rendez-vous avec 500 journalistes Ă  11 heures, au salon de l’hĂŽtel Intercontinental. Il envisage un gouvernement provisoire de gestion, une Ă©lection en juillet du prĂ©sident de la RĂ©publique, un renouvellement de l’AssemblĂ©e nationale en octobre. » Bref, un pouvoir de rechange. Depuis quelque chose comme trente ans que j’ai affaire Ă  l’histoire, il m’est arrivĂ© quelquefois de me demander si je ne devais pas la quitter. »3072 Charles de GAULLE 1890-1970. De Gaulle, 1958-1969 1972, AndrĂ© Passeron Folle journĂ©e du 29 mai 1968 le gĂ©nĂ©ral a disparu ! Conseil des ministres de 10 heures dĂ©commandĂ© Ă  la derniĂšre minute. Pompidou n’est au courant de rien. De Gaulle a quittĂ© l’ÉlysĂ©e, mais il n’est pas Ă  Colombey Oui ! le 29 mai, j’ai eu la tentation de me retirer. Et puis, en mĂȘme temps, j’ai pensĂ© que, si je partais, la subversion menaçante allait dĂ©ferler et emporter la RĂ©publique. Alors, une fois de plus, je me suis rĂ©solu » Entretien tĂ©lĂ©visĂ© avec Michel Droit, 7 juin. Une dĂ©pression » ? une pause » Ă  Baden ? une manƓuvre » difficile Ă  comprendre ? un chef-d’Ɠuvre tactique » ? Qui, tĂ©moin, chroniqueur, analyste, partisan ou adversaire, peut dire le dernier mot sur cet Ă©trange dĂ©tour vers la ForĂȘt-Noire ? »3073 Jean LACOUTURE nĂ© en 1921, De Gaulle, volume III. Le souverain 1986 On l’a su plus tard, le prĂ©sident est allĂ© voir le gĂ©nĂ©ral Massu en Allemagne. Oui, mais pourquoi ? Dans sa biographie sur de Gaulle, Jean Lacouture confronte les interprĂ©tations qui opposent deux Ă©coles celle du dĂ©sarroi et celle de la tactique, pour conclure que le mystĂšre demeure. Je ne me retirerai pas [
] Je ne changerai pas le Premier ministre, dont la valeur, la soliditĂ©, la capacitĂ© mĂ©ritent l’hommage de tous. Il me proposera les changements qui lui paraĂźtront utiles dans la composition du gouvernement. Je dissous aujourd’hui l’AssemblĂ©e nationale. »3074 Charles de GAULLE 1890-1970, Discours radiodiffusĂ©, jeudi 30 mai 1968, 16 h 30. AnnĂ©e politique 1969 Le transistor est toujours le cordon ombilical qui relie la France Ă  sa rĂ©volution » Danielle Heymann. De Gaulle ajoute que partout et tout de suite, il faut que s’organise l’action civique ». Mitterrand, c’est ratĂ© ! Les cocos, chez Mao ! Le Rouquin, Ă  PĂ©kin ! Giscard, avec nous ! De Gaulle n’est pas seul ! »3075 Cris scandĂ©s par la foule sur les Champs-ÉlysĂ©es, 30 mai 1968. L’Express, Mai 68, les archives secrĂštes de la police », 19 mars 1998 Ils sont donc 300 000 ou 400 000 Ă  rĂ©pondre Ă  l’appel du gĂ©nĂ©ral, dans une solidaritĂ© populaire presque spontanĂ©e. En fait, la manifestation Ă©tait prĂ©parĂ©e, mais le succĂšs est inespĂ©rĂ© ce ne sont pas seulement les anciens combattants et les bourgeois du XVIe qui dĂ©filent, on voit beaucoup de jeunes et des gens modestes. En tĂȘte du cortĂšge, Malraux, Mauriac, diverses personnalitĂ©s, et DebrĂ© le gaulliste de la premiĂšre heure peut clamer De Gaulle n’est pas seul. » Le 30 mai, en l’espace de cinq minutes que dura l’allocution du gĂ©nĂ©ral, la France changea de maĂźtre, de rĂ©gime et de siĂšcle. Avant 16 h 30, on Ă©tait Ă  Cuba. AprĂšs 16 h 35, c’était presque la Restauration. »3076 Jean LACOUTURE nĂ© en 1921, De Gaulle, volume III. Le souverain 1986 Le biographe exprime le ressaisissement du pouvoir, le revirement de l’opinion, l’incroyable rapiditĂ© du retour Ă  l’ordre des choses. Jusqu’à la fin, Mai 68 sera le plus surprenant des happenings. Voici qu’à l’avant-veille de la PentecĂŽte, un bruit devenu vite tapage, puis clameur, retentit d’un bout Ă  l’autre du pays l’essence est revenue. La rĂ©volution est finie ; les grĂšves vont cesser ; le temps est doux ; la mer, la campagne, la montagne nous appellent pour le long week-end [
] C’est la dĂ©mobilisation gĂ©nĂ©rale. »3077 Pierre VIANSSON-PONTÉ 1920-1979, Histoire de la RĂ©publique gaullienne, II 1971 Le travail reprend progressivement, aprĂšs les fĂȘtes de la PentecĂŽte. Le gouvernement Pompidou est remaniĂ© pour Ă©carter momentanĂ©ment les ministres trop exposĂ©s dans les Ă©vĂ©nements Éducation nationale, Jeunesse, Information, IntĂ©rieur, Affaires sociales. Et on prĂ©pare les Ă©lections. Élections, Ă  Slogans des gauchistes, juin 1968 Les deux slogans resserviront, comme beaucoup de mots nĂ©s de Mai 68. Pour plus d’un jeune rĂ©voltĂ© des barricades, il y aura du dĂ©senchantement, sinon du dĂ©sespoir, Ă  voir sa » rĂ©volution se coucher dans les draps anonymes du suffrage universel. »3079 Claude IMBERT 1929-2016, L’Express, juin 1968. L’Express, L’Aventure du vrai 1979, prĂ©face de Jean François Revel Les Ă©lections des 23 et 30 juin 1968 donnent 293 siĂšges sur 487 Ă  l’UDR Union pour la dĂ©fense de la RĂ©publique, c’est-Ă -dire la majoritĂ© gouvernementale majoritĂ© absolue, triomphe du pouvoir. De Gaulle parle des Ă©lections de la trouille ». Et Viansson-PontĂ© Le Monde du groupe le plus nombreux qui ait jamais forcĂ© la porte d’une AssemblĂ©e française ». En mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789. »3080 Michel de CERTEAU 1925-1986, Pour une nouvelle culture prendre la parole », Études, juin-juillet 1968 La fĂȘte est finie. Les exĂ©gĂšses ne font que commencer. Une chose est sĂ»re tout le monde a eu droit Ă  l’expression, presque tout le monde en a profitĂ©. Le meilleur a cĂŽtoyĂ© le pire, Ă©clairs de gĂ©nie poĂ©tique et discours soporifiques. Foire aux idĂ©es, fraternitĂ© universelle, dĂ©mocratie directe, sociĂ©tĂ© sans classe, spectacle permanent, happening. Était-ce si neuf ? En fĂ©vrier 1848, Tocqueville, grand tĂ©moin de son temps, Ă©crit Ă  propos de la brĂšve rĂ©volution d’alors J’avais sans cesse l’impression qu’ils Ă©taient en train de reprĂ©senter la RĂ©volution française bien plutĂŽt que de la continuer. » Et Proudhon La nation française est une nation de comĂ©diens. » AprĂšs avoir fait tout ce qu’il a fait au cours de six ans et demi de fonctions [
] il Ă©tait bon qu’il fĂ»t, sans aller jusqu’à l’épuisement, placĂ© en rĂ©serve de la RĂ©publique. »3081 Charles de GAULLE 1890-1970, ConfĂ©rence de presse, 9 septembre 1968. L’AnnĂ©e politique, Ă©conomique et sociale en France 1968 Ainsi parle-t-il de Georges Pompidou. Tout le monde s’attendait Ă  la reconduction du Premier ministre ex professeur, l’homme de Matignon s’est finalement bien sorti des Ă©vĂ©nements et des Ă©lections. Sa dĂ©mission acceptĂ©e et son remplacement par Maurice Couve de Murville sont la surprise de la mi-juillet 1968. Portons donc en terre les diables qui nous ont tourmentĂ©s pendant l’annĂ©e qui s’achĂšve. »3083 Charles de GAULLE 1890-1970, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 31 dĂ©cembre 1968. Les Discours de vƓux des prĂ©sidents de la RĂ©publique la France au fond des yeux 1992, Françoise Finniss-Boursin. L’agitation recommence en janvier, Ă©tudiants et surtout lycĂ©ens manifesteront dans les mois, les annĂ©es Ă  venir. Mais les diables de Mai 68 appartiennent au passĂ©. 8. 1969. Sortie de scĂšne en forme de coup de théùtre. La France est veuve »  mais Charles de Gaulle n’a pas fini de se rappeler Ă  nous, au fil de l’actualitĂ© et des crises. Ce n’est, je crois, un mystĂšre pour personne que je serai candidat Ă  une Ă©lection Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique quand il y en aura une. Mais je ne suis pas du tout pressĂ©. »3084 Georges POMPIDOU 1911-1974, DĂ©claration Ă  la fin de son sĂ©jour Ă  Rome, 17 janvier 1969. AnnĂ©e politique 1970 Pompidou a bien mĂ©ritĂ© de la France et acquis une vraie popularitĂ©. RemplacĂ© par Couve de Murville Premier ministre, il vise plus haut et il n’y a qu’un poste la prĂ©sidence. Il y pense. Quelques jours plus tard, Ă  GenĂšve J’ai un passĂ© politique. J’aurai peut-ĂȘtre, si Dieu le veut, un destin national. » Dans l’accomplissement de la tĂąche nationale qui m’incombe, j’ai Ă©tĂ©, le 19 dĂ©cembre 1965, réélu prĂ©sident de la RĂ©publique pour sept ans par le peuple français. J’ai le devoir et l’intention de remplir ce mandat jusqu’à son terme. »3085 Charles de GAULLE 1890-1970, DĂ©claration Ă  l’issue du Conseil des ministres, 22 janvier 1969. AnnĂ©e politique 1970 C’est dire qu’en apparence, le prĂ©sident n’est pas plus pressĂ© de partir que son ex-Premier ministre d’arriver. Donc, tout est dans l’ordre des choses. Mais de Gaulle en dĂ©cide soudain autrement. Il en appelle Ă  la France, une fois de plus. De la rĂ©ponse que fera le pays Ă  ce que je lui demande va dĂ©pendre Ă©videmment soit la continuation de mon mandat, soit aussitĂŽt mon dĂ©part. »3086 Charles de GAULLE 1890-1970, entretien tĂ©lĂ©visĂ© avec Michel Droit, 10 avril 1969. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture Contre vents et marĂ©es, avis et prĂ©dictions, alors que l’AssemblĂ©e lui assurait une fin de septennat sans histoire, le gĂ©nĂ©ral a voulu un rĂ©fĂ©rendum, annoncĂ© en fĂ©vrier sur la rĂ©forme rĂ©gionale et la rĂ©forme du SĂ©nat. C’est encore une question de confiance entre lui et le pays. Il met tout son poids politique dans la balance, menaçant de partir en cas de non. Tous les partis de gauche font naturellement campagne pour le non, et ValĂ©ry Giscard d’Estaing aussi. Pompidou appelle au oui, mais sans vraie conviction. Verdict du 27 avril 48 % de oui et 52 % de non. Le lendemain, de Gaulle dĂ©missionne. Le caractĂšre, c’est d’abord de nĂ©gliger d’ĂȘtre outragĂ© ou abandonnĂ© par les siens. »2979 Charles de GAULLE 1890-1970. Les ChĂȘnes qu’on abat 1979, AndrĂ© Malraux Le prĂ©sident a ressenti dramatiquement l’échec de ce dernier rĂ©fĂ©rendum. Il dĂ©missionne et s’en retourne dans sa retraite de Colombey-les-Deux-Églises, pour Ă©crire des mĂ©moires qui resteront inachevĂ©s. Cas sans prĂ©cĂ©dent de suicide en plein bonheur. »3087 François Mauriac 1885-1970, Ă  propos du rĂ©fĂ©rendum d’avril 1969. De Gaulle, volume III 1986, Jean Lacouture De Gaulle part en Irlande, pour ne pas ĂȘtre impliquĂ© dans la campagne prĂ©sidentielle – il votera par procuration. Il retourne ensuite Ă  Colombey, s’enfermer dans sa propriĂ©tĂ© de la Boisserie pour un dernier face Ă  face avec l’histoire la rĂ©daction quelque peu dĂ©senchantĂ©e, quoique sereine, de ses MĂ©moires d’espoir. Le gĂ©nĂ©ral de Gaulle est mort. La France est veuve. »3127 Georges POMPIDOU 1911-1974, DĂ©claration du prĂ©sident de la RĂ©publique, Allocution radiotĂ©lĂ©visĂ©e, 10 novembre 1970 Cette mort remonte au soir du 9 novembre, alors que le gĂ©nĂ©ral, avant le dĂźner, faisait une patience jeu de cartes, dans sa rĂ©sidence personnelle de la Boisserie, Ă  Colombey-les-Deux-Églises. Il est pris d’un malaise, c’est une rupture d’anĂ©vrisme. Il meurt 20 minutes aprĂšs, Ă  79 ans. En 1940, le gĂ©nĂ©ral de Gaulle a sauvĂ© l’honneur, il nous a conduits Ă  la libĂ©ration et Ă  la victoire. En 1958, il nous a gagnĂ© la guerre civile. Il a donnĂ© Ă  la France ses institutions, sa place dans le monde. En cette heure de deuil pour la patrie, inclinons-nous devant la douleur de Mme de Gaulle, de ses enfants et petits-enfants. Mesurons les devoirs que nous impose la reconnaissance. Promettons Ă  la France de n’ĂȘtre pas indignes des leçons qui nous ont Ă©tĂ© dispensĂ©es, et que, dans l’ñme nationale, de Gaulle vive Ă©ternellement », dĂ©clare le prĂ©sident Pompidou. Le petit village de Colombey-les-Deux-Églises, dĂ©partement de Haute-Marne, va devenir un lieu de pĂšlerinage national. À la fin, il n’y a que la mort qui gagne. »2980 Charles de GAULLE 1890-1970, citant volontiers ce mot de Staline dans ses MĂ©moires de guerre Malraux reprend cette phrase dans ses AntimĂ©moires le Miroir des limbes. La mort fut certainement omniprĂ©sente dans ce dialogue au sommet de l’intelligence, qui rĂ©unit les deux hommes. Jusqu’à la mort du gĂ©nĂ©ral de Gaulle.
Son Jean-Claude Myrtil Techniciens de plateau: E. Hervo, P. SablonniÚres, H. Lievaux, V. Mouzet Coproduction: MISSION A L'AUDIOVISUEL DU CENTRE GEORGES POMPIDOU, PROGRAMME MUSICAL DE FRANCE CULTURE, FESTIVAL D'AUTOMNE A PARIS Coréalisation: CENTRE GEORGES POMPIDOU En collaboration avec BLEU 17, THEATRE FANTOME Remerciements à
Un amour Ă  l'Ă©preuve de la guerre RĂ©sumĂ© DĂ©tails CompatibilitĂ© Autres formats La dĂ©claration de la DeuxiĂšme Guerre mondiale en septembre 1939 bouleverse l'amour et la genĂšse familiale du couple Georges Deroy-Jacqueline Olivier mariĂ© depuis 1936 et parents de Françoise, nĂ©e en avril 1938. Jacqueline est enceinte d'Élisabeth qui naĂźtra en mai 1940. Georges sera prisonnier de juin 1940 Ă  avril 1945. La guerre entraĂźne une rupture radicale. Chacun doit apprendre Ă  vivre par soi-mĂȘme dans un environnement nouveau, Ă©tranger, conflictuel, meurtrier. Comment s'en sont-ils tirĂ©s ? Jacqueline et Georges ont laissĂ© des traces Ă©crites. Leurs descendantes ont dĂ©couvert ces Ă©crits aprĂšs leur mort. Elles ont composĂ© ce livre qui fait revivre cet amour et la genĂšse de cette famille Ă  l'Ă©preuve de la guerre. Lire plusexpand_more Titre Un amour Ă  l'Ă©preuve de la guerre EAN 9782140247385 Éditeur Editions L'Harmattan Date de parution 16/03/2022 Format ePub Poids du fichier Inconnue Protection Filigrane numĂ©rique L'ebook Un amour Ă  l'Ă©preuve de la guerre est au format ePub protĂ©gĂ© par Filigrane numĂ©rique check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur application iOs et Android Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur My Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur le lecteur Vivlio. check_circle Cet ebook est compatible pour une lecture sur liseuse. Je crĂ©e ma liste d’envies Vous devez ĂȘtre connectĂ©e pour pouvoir crĂ©er et sauvegarder votre liste d’envies cancel DĂ©jĂ  cliente ?Se connecter Pas encore inscrite ?Mon compte Un compte vous permettra en un clin d’oeil de commander sur notre boutique consulter et suivre vos commandes gĂ©rer vos informations personnelles accĂ©der Ă  tous les e-books que vous avez achetĂ©s avoir des suggestions de lectures personnalisĂ©es Livre non trouvĂ© Oups ! Ce livre n'est malheureusement pas disponible... Il est possible qu’il ne soit pas disponible Ă  la vente dans votre pays, mais exclusivement rĂ©servĂ© Ă  la vente depuis un compte domiciliĂ© en France. L’abonnement livre numĂ©rique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! check_circle Chaque mois, bĂ©nĂ©ficiez d’un crĂ©dit valable sur tout le catalogue check_circle Offre sans engagement, rĂ©siliez Ă  tout moment ! L’abonnement livre numĂ©rique Vivlio shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite ! Vous allez ĂȘtre redirigĂ© vers notre prestataire de paiement Payzen pour renseigner vos coordonnĂ©es bancaire Si la redirection ne se fait pas automatiquement, cliquez sur ce lien. Bienvenue parmi nos abonnĂ©s ! shopping_basketL’abonnement credit_cardInformations bancaires local_libraryEt j’en profite !
Le Centre Pompidou » est un portrait intime du Centre Pompidou en 3D pendant 24 heures. Il s’inscrit dans la collection « Cathedrals of Culture » dirigĂ©e par Wim Wenders dont les autres Ă©pisodes sont rĂ©alisĂ©s par Wim Wenders (Philharmonie de Berlin), Robert Redford (Salk Institute, La Jolla en Californie), Michael Madsen (Prison d’Halden, NorvĂšge), Michael Glawogger
Georges-Emmanuel Clancier, Ă  droite, prĂ©sente le tĂ©lĂ©film Le pain noir, de Serge Moati, accompagnĂ© ici par S. Solon c P. Colmar Je voudrais aujourd’hui vous parler d’un ami cher, poĂšte et romancier, que nous avons cru Ă©ternel. Il avait d’ailleurs Ă©crit un ouvrage intitulĂ© L’éternitĂ© plus un jour. Nous venons d’apprendre sa disparition et nous sommes tristes. Il Ă©tait nĂ© le 3 mai 1914 Ă  Limoges, c’est Georges-Emmanuel Clancier. Georges-Emmanuel Clancier naĂźt dans une famille issue, du cĂŽtĂ© paternel, d’artisans de ChĂąlus et, cĂŽtĂ© maternel, d’ouvriers porcelainiers de Saint-Yrieix. Il fait ses Ă©tudes de 1919 Ă  1931 au lycĂ©e de Limoges, en classe de philosophie, interrompues par la maladie et cinq annĂ©es de lourd traitement. Ayant dĂ©couvert en 1930 la poĂ©sie moderne grĂące Ă  de jeunes professeurs, il commence Ă  Ă©crire poĂšmes et proses et, Ă  partir de 1933, de collaborer Ă  des revues. Son travail poĂ©tique est trĂšs largement liĂ© Ă  la mĂ©moire, au souvenir. Il rencontre en 1935 et Ă©pouse en 1939 Anne Marie Yvonne Gravelat, Ă©tudiante en mĂ©decine. Il vient en 1939 Ă  Paris, oĂč sa femme prĂ©pare l’internat des hĂŽpitaux psychiatriques. Elle deviendra la psychanalyste Anne Clancier. De 1942 Ă  1944, il recueille et transmet clandestinement Ă  Alger les textes des Ă©crivains de la RĂ©sistance en France occupĂ©e. À la LibĂ©ration, Clancier est chargĂ© des programmes de Radio-Limoges et journaliste au Populaire du Centre. Il est appelĂ© en 1955 Ă  Paris pour ĂȘtre secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des comitĂ©s de programmation de la RTF, puis de l’ORTF, jusqu’en 1970. Il publie en 1956 le premier tome, Le Pain noir, d’une suite romanesque dans laquelle il va raconter, jusqu’en 1961, l’histoire de sa famille maternelle et de sa grand-mĂšre bergĂšre illettrĂ©e. Le grand prix de la SociĂ©tĂ© des gens de lettres et le prix des Quatre Jurys lui sont attribuĂ©s en 1957 et 1958. Le roman est adaptĂ© en 1974 pour la tĂ©lĂ©vision par Françoise Verny et Serge Moati. TournĂ© Ă  Limoges, il permet aux Limousins de se rĂ©approprier leur mĂ©moire sociale et politique. PrĂ©sident du PEN club français de 1976 Ă  1979 Clancier Ɠuvre aussi Ă  la dĂ©fense des Ă©crivains menacĂ©s, dĂ©tenus, dĂ©portĂ©s, exilĂ©s. En 2016, Ă  101 ans, Georges-Emmanuel a fait paraĂźtre aux Ă©ditions Albin Michel la suite de ses mĂ©moires, Le Temps d’apprendre Ă  vivre, sur la pĂ©riode 1937-1947. L’ouvrage est saluĂ© par la critique comme un tĂ©moignage prĂ©cieux sur l’histoire culturelle des annĂ©es 1930 et 1940 et sur l’histoire de la RĂ©sistance littĂ©raire. L’un des courriers de Ă  Laurent Bourdelas, oĂč il lui Ă©crit en post-scriptum que tous deux ont en commun d’ĂȘtre allĂ©s en cure Ă  La Bourboule Georges-Emmanuel Clancier, Le temps d’apprendre Ă  vivre MĂ©moires 1935-1947, Albin Michel, 2016 Avec ce nouveau volume de ses MĂ©moires, l’écrivain limousin Georges-Emmanuel Clancier, nĂ© en 1914 L’EternitĂ© plus un jour », pour reprendre le titre d’un roman paru en 1969, offre un ouvrage fort bien Ă©crit et capital pour ceux qui s’intĂ©ressent Ă  la vie et Ă  l’Ɠuvre du poĂšte et romancier – qui nous propose ici des clefs pour comprendre l’élaboration de ses poĂšmes et romans –, mais aussi au Limousin et Ă  Limoges Ă  cette Ă©poque – et il apporte des informations passionnantes –, Ă  la RĂ©sistance littĂ©raire », Ă  l’histoire des revues – ici avec Les Cahiers du Sud, Fontaine puis Centres, fondĂ©e avec Robert Margerit et RenĂ© Rougerie. AprĂšs avoir traversĂ© le XXĂšme siĂšcle avec ses espoirs et surtout ses tragĂ©dies, l’auteur du Pain noir a Ă©prouvĂ© le besoin de rĂ©diger ces feuillets autobiographiques qui forment un livre de 550 pages dont le titre reprend un vers d’Aragon, qu’il croisa Ă  diverses reprises Le temps d’apprendre Ă  vivre, il est dĂ©jĂ  trop tard. La premiĂšre chose que dut apprendre le jeune homme, c’est Ă  vaincre ses lĂ©sions pulmonaires, qui l’empĂȘchent d’achever ses Ă©tudes au lycĂ©e de Limoges, oĂč des professeurs lui ont donnĂ© le goĂ»t de la poĂ©sie, qu’il commence Ă  Ă©crire lui-mĂȘme au dĂ©but des annĂ©es 1930. A propos de cette Ă©poque, il Ă©crit Durant ces quatre ou cinq annĂ©es depuis 1930-1931, je pourrais dire que pour moi vivre s’était quasiment identifiĂ© Ă  livre. » Ce ne sont alors que dĂ©vorations de livres romans, poĂšmes, essais, qui contaminent » jusqu’à son entourage familial. Clancier appartient Ă  cette Ă©trange cohorte d’écrivains et poĂštes passĂ©s par la montagne magique – comme Eluard et Gala, pour ne citer qu’eux. Peut-ĂȘtre leur faut-il encore plus de souffle pour Ă©chapper Ă  la maladie – de souffle poĂ©tique et littĂ©raire ? Comme le note Clancier, il faut vaincre les forces de mort en soi au moment oĂč elles obscurcissent l’Histoire depuis 1932, les nazis ont gagnĂ© les Ă©lections lĂ©gislatives en Allemagne, depuis 1936, de l’autre cĂŽtĂ© des PyrĂ©nĂ©es, Franco fait la guerre aux RĂ©publicains et, en Italie, Mussolini est au pouvoir. Car ce rĂ©cit est avant tout celui de la vision de la guerre mondiale imposĂ©e par le nazisme au Monde, avec ses lĂ©gions d’atrocitĂ©s, de la destruction systĂ©matique des Juifs d’Europe Ă  celle des civils japonais d’Hiroshima et Nagasaki ou mĂȘme ceux de Royan. Mais, malgrĂ© ces Ă©vĂšnements apocalyptiques parfois annoncĂ©s » par des poĂšmes prĂ©monitoires, Le temps d’apprendre Ă  vivre est aussi celui d’espĂ©rer en poĂ©sie, d’aimer Anne Marie Yvonne Ă©tudiante en mĂ©decine rencontrĂ©e en 1935 Ă©pousĂ©e en 1939 et de devenir pĂšre – de Juliette, d’abord, de Sylvestre ensuite. DĂšs le dĂ©but du livre, un Ă©pisode met en lumiĂšre l’une des ambiguĂŻtĂ©s du temps Clancier croise une rĂ©publicaine espagnole dans le train, qui lui lance Oui, vous, votre jeunesse se prĂ©occupe de littĂ©rature pendant que nous nous battons
 Vous ne voyez pas que nous combattons pour vous aussi, lĂ -bas ? pour que, demain, vous puissiez continuer Ă  lire, Ă  vivre, libres ?
 Et pourtant, si jamais nous Ă©tions vaincus, ce serait votre tour
 », avant de proclamer No pasaran ! » Bien entendu, la militante a raison ; comme les jeunes qui s’intĂ©ressaient Ă  la littĂ©rature aussi. Clancier est l’incarnation de la rĂ©sistance par les lettres, lorsqu’il s’agit – au risque d’ĂȘtre arrĂȘtĂ© et, peut-ĂȘtre, dĂ©portĂ© – de faire passer des textes de poĂštes et Ă©crivains de France mĂ©tropolitaine vers Tanger, oĂč s’est repliĂ©e la rĂ©daction de la revue rĂ©sistante Fontaine, animĂ©e par Max-Pol Fouchet. La rĂ©sistance littĂ©raire, la force des mots d’Aragon ou du LibertĂ© de Paul Eluard, parachutĂ©s avec les armes, participe de la rĂ©sistance en gĂ©nĂ©ral, celle de De Gaulle et de Jean Moulin, celle de Georges Guingouin, le prĂ©fet du maquis » limousin dont Clancier Ă©voque la mĂ©moire, celle aussi des faux-papiers et des actes administratifs protecteurs qu’accomplit Ă©galement Georges-Emmanuel Clancier en truquant des listes professionnelles pour protĂ©ger des boulangers qui n’en sont peut-ĂȘtre pas ou en accueillant dans son service le frĂšre de Jean Blanzat pour le faire Ă©chapper au S’il Ă©claire de façon complĂ©mentaire Ă  ce que l’on savait par ailleurs de la vie Ă  Limoges et en Limousin sous l’Occupation – jusqu’au terrible massacre d’Oradour-sur-Glane dont Clancier aurait pu ĂȘtre victime et aux scĂšnes sauvages de l’Epuration mĂȘlant Ă©trangement beautĂ© et obscĂ©nitĂ© lorsqu’il s’agit de fusiller une jeune fille nue sous sa robe lĂ©gĂšre –, s’il est ponctuĂ© de moments suspendus » presque en dehors du conflit lors d’échappĂ©es familiales ou littĂ©raires, comme dans une ferme du cĂŽtĂ© de La Croisille-sur-Briance oĂč il convient de se mettre Ă  l’abri, s’il Ă©voque aussi la famille Clancier – des grands-parents de l’auteur jusqu’à sa sƓur et ses enfants –, Le temps d’apprendre Ă  vivre propose aussi une magnifique galerie de poĂštes et Ă©crivains que frĂ©quente l’auteur devenu poĂšte reconnu ». C’est qu’il est vite accueilli par la revue Les Cahiers du Sud de Jean Ballard, grande revue intellectuelle et littĂ©raire. Le rĂ©cit commence d’ailleurs par les rencontres culturelles qu’organisent Clancier et ses jeunes amis Ă  Limoges avant-guerre, constituĂ©s en amis de la culture ». On voit fourmiller dans la capitale de la porcelaine tout un petit monde intellectuel et culturel, avec par exemple Georges Blampied, conservateur de la bibliothĂšque de l’Union des coopĂ©rateurs, ou Marc Labatut, jeune professeur d’espagnol, jusqu’au salon d’une Haviland fĂ©rue de théùtre. Certains Ă©crivent, comme François Dornic, jeune enseignant breton, d’autres vivent en poĂ©sie, comme le postier rimbaldien Alexandre Dumas. On croise encore l’un des critiques et auteurs limougeauds d’alors, Raymond d’Etiveaud, ou le peintre EugĂšne Alluaud, disciple de Guillaumin – l’une des scĂšnes amusantes du livre. Et puis l’on rencontre tour Ă  tour JoĂ« Bousquet vers la sombre ruelle duquel Clancier part en pĂšlerinage Ă  Carcassonne, Jean Blanzat – rĂ©sistant et Ă©crivain d’origine limousine parfois oubliĂ©, malheureusement –, Aragon, RenĂ© Daumal, Queneau rĂ©fugiĂ© en Haute-Vienne oĂč il parcourt la campagne en se faisant passer pour un voyant auprĂšs des paysannes afin de rĂ©cupĂ©rer un peu de nourriture
, Michel Leiris, Ă©galement rĂ©fugiĂ© en Limousin, comme Kanhweiler le cĂ©lĂšbre marchand d’art, Claude Roy, Pierre Seghers, Pierre Emmanuel, Max-Pol Fouchet, Marc Bernard, prix Goncourt 1942, et son Ă©pouse Else Reichmann, juive autrichienne, Jacques PrĂ©vert, Sartre et Beauvoir,le photographe Izis Bidermanas, et beaucoup d’autres, parmi lesquels des Limousins de grand talent, comme l’écrivain, peintre et journaliste Robert Margerit – qui semble vouloir vivre hors du temps –, le peintre Elie Lascaux ou l’écrivain Robert Giraud – auteur du Vin des rues. Clancier, qui Ă©volue entre Limousin et Paris, brosse donc le tableau d’une vie littĂ©raire et artistique en des temps plus que dangereux. Clancier Ă©voque Ă©galement les premiers balbutiements de Radio-Limoges dont il est l’un des artisans aprĂšs-guerre, et son entrĂ©e comme grand reporter » au populaire du Centre, livrant mĂȘme dans ce livre le texte de ses entretiens avec les Ă©crivains Pham Van Ky – Annamite –, LĂ©opold SĂ©dar Sengor – SĂ©nĂ©galais – et Jean Amrouche – BerbĂšre. C’est une rĂ©flexion sur la crĂ©ation francophone – avant mĂȘme que ce mot soit Ă  la mode. Ce que l’on voit aussi Ă  travers ces MĂ©moires, c’est la naissance et l’affirmation d’un vrai poĂšte et Ă©crivain, qui nous raconte mĂȘme le processus de sa crĂ©ation, par exemple l’écriture d’un poĂšme inspirĂ© par la rencontre avec une jeune vachĂšre dans la campagne limousine ou l’origine du titre Le Pain noir pour sa cĂ©lĂšbre saga. Il raconte comment se construit une Ɠuvre importante, nourrie par les sensations quotidiennes et l’Histoire. Il tĂ©moigne Ă©galement d’un humanisme constant, qui justifie l’engagement, Ă©clairĂ© par les trois valeurs essentielles Ă  ne pas oublier en cette Ă©poque sombre LibertĂ© EgalitĂ© FraternitĂ© », qui sont celles de la RĂ©publique, qu’il partage aussi bien avec les Ă©crivains rĂ©sistants, les maquisards du plateau limousin ou un jeune instituteur croisĂ© dans un bourg rural. Sans jamais ĂȘtre dupe de ceux qui voudraient les anĂ©antir, de PĂ©tain aux staliniens de la guerre froide » ou aux dĂ©fenseurs du colonialisme. Debout, toujours, camusien, finalement. Joseph Rouffanche chez lui, 2001 c L. Bourdelas Rouffanche – Clancier Du pays et de l’exil communication prononcĂ©e par Laurent Bourdelas le jeudi 11 avril 2013 Ă  la BFM de Limoges lors du colloque Le Limousin et ses horizons dans l’oeuvre de Georges-Emmanuel Clancier » Je voudrais dire, au dĂ©but de cette communication, combien je suis reconnaissant Ă  ceux qui m’ont invitĂ© Ă  la faire, et combien je me rĂ©jouis de cet hommage de la Bfm de Limoges Ă  Georges-Emmanuel Clancier, enfant du pays. Lorsque Le Pain noir fut diffusĂ© Ă  la tĂ©lĂ©vision, j’avais pour camarade de classe AgnĂšs Clancier, petite niĂšce de l’écrivain, avec qui j’ai partagĂ© les bancs du LycĂ©e Gay-Lussac et qui est devenue par la suite diplomate et romanciĂšre. En 2003, Georges-Emmanuel avait bien voulu, aussi, prĂ©facer mon exposition de photographies consacrĂ©e Ă  notre rue commune d’enfance la route d’Ambazac pour lui, devenue plus tard la rue Aristide Briand pour moi, dans le quartier de la gare des BĂ©nĂ©dictins Ă  Limoges – je prĂ©cise qu’il fait partie des Ă©crivains limousins reconnus et installĂ©s Ă  Paris, comme Pierre Bergounioux, qui demeurent attentifs aux auteurs demeurant au pays ». En 2008, j’avais donnĂ© pour titre Ă  l’un de mes livres, consacrĂ© Ă  la littĂ©rature du Limousin Du pays et de l’exil[1] ; il me semble que cette expression s’applique Ă  merveille aux poĂštes Joseph Rouffanche et Georges-Emmanuel Clancier ; c’est pourquoi j’ai choisi d’en faire aussi le titre de cette intervention. Je vais proposer ici une Ă©bauche d’étude – qui mĂ©riterait d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e – de ce qui a rapprochĂ© les deux hommes, mais aussi de ce qui diffĂšre entre eux dans leur parcours, Ă©tudier quel accueil leur fut rĂ©servĂ© comme poĂštes en Limousin, esquisser une premiĂšre analyse du regard qu’ils portent sur l’Ɠuvre de l’autre et conclure en essayant de dire en quoi leur poĂ©sie se rejoint ou s’éloigne. Observons en parallĂšle, pour commencer, le parcours personnel des deux hommes. Clancier naĂźt en 1914 Ă  Limoges, dans une famille limousine de paysans, d’artisans et d’ouvriers porcelainier, originaires de ChĂąlus et Saint-Yrieix-La-Perche. Le pĂšre est agent commercial, aprĂšs avoir Ă©tĂ© officier pendant la guerre. De 1919 Ă  1931, il fait ses Ă©tudes au LycĂ©e Gay-Lussac Ă  Limoges, comme boursier de l’Etat. C’est Ă  l’ñge de seize ans qu’il dĂ©couvre la poĂ©sie – grĂące Ă  quelques professeurs et Ă  un rĂ©pĂ©titeur normalien qui fait lire aux Ă©lĂšves Verlaine, Rimbaud ou Baudelaire[2] – et se met Ă  en Ă©crire, ainsi que de la prose. En classe de philosophie, la maladie interrompt ses Ă©tudes. Rouffanche est son cadet de huit ans, puisqu’il naĂźt en 1922 Ă  Bujaleuf, dans une famille de paysans et d’artisans. Son pĂšre est gendarme puis secrĂ©taire de mairie. Il est Ă©lĂšve Ă  l’ de Saint-LĂ©onard-de-Noblat, lui aussi comme boursier de l’Etat. Il est ensuite Ă©lĂšve-instituteur au LycĂ©e Gay-Lussac, puis Ă  l’Ecole Normale d’Instituteurs de Limoges. Clancier se marie en 1939 avec Anne et vit Ă  Paris oĂč sa femme prĂ©pare l’internat des hĂŽpitaux psychiatriques. Rouffanche Ă©pouse Yolande, institutrice, en 1948. Ils vivent en Limousin. Lorsque la guerre Ă©clate, Georges-Emmanuel a 25 ans, Joseph 17. On connaĂźt bien le parcours de Clancier durant celle-ci, Ă  la fois ses Ă©tudes de lettres Ă  Poitiers et Toulouse, ses rencontres avec divers auteurs et sa participation au comitĂ© de rĂ©daction de la revue Fontaine, dirigĂ©e par Max-Pol Fouchet, qui publie Ă  Alger les textes des Ă©crivains de la RĂ©sistance – parmi lesquels Eluard – qu’il lui transmet clandestinement. Fontaine s’impose comme le porte-parole de la rĂ©sistance intellectuelle » selon Louis Parrot, aux cĂŽtĂ©s de PoĂ©sie 40 puis de Confluences. En janvier 2012, dernier reprĂ©sentant vivant de la RĂ©sistance poĂ©tique, Clancier a tĂ©moignĂ© sur France Culture Ă  propos de cette Ă©popĂ©e bombardements sur le maquis par la Royal Air Force des numĂ©ros de Fontaine avec les armes et les vivres, Rencontre de Lourmarin 1941 entre Ă©crivains de la rĂ©sistance, dĂ©bats passionnĂ©s entre tenants d’une poĂ©sie de guerre et partisans d’une poĂ©sie qui n’a de cesse de chanter, mĂȘme sous les coups, dĂ©bat, encore, autour du numĂ©ro de Fontaine consacrĂ© Ă  La poĂ©sie comme exercice spirituel », livrĂ© en pleine occupation allemande
 »[3]. Si, comme je l’ai montrĂ©[4], les deux guerres mondiales sont Ă©voquĂ©es dans l’Ɠuvre de Rouffanche, le jeune homme qu’il Ă©tait alors ne s’est pas engagĂ©, d’une maniĂšre ou d’une autre, durant le deuxiĂšme conflit mondial. AprĂšs la guerre, Georges-Emmanuel Clancier est chargĂ© des programmes de Radio-Limoges, travaille au Populaire du Centre, fonde avec Rougerie et Margerit la revue Centres, puis s’installe Ă  Paris en 1955 oĂč il devient secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral des comitĂ©s de programmes de la Radio TĂ©lĂ©vision Française. Sa carriĂšre d’écrivain est par ailleurs lancĂ©e en 1970, il reçoit le prix des Libraires pour L’éternitĂ© plus un jour, reçoit l’annĂ©e suivante le Grand Prix de l’AcadĂ©mie Française puis, en 1974, Serge Moati rĂ©alise Le Pain noir. En 1992, il reçoit le Goncourt de la poĂ©sie pour Passagers du temps. Je m’arrĂȘte lĂ  cet itinĂ©raire littĂ©raire est bien connu. Joseph Rouffanche, quant Ă  lui, devient professeur certifiĂ© de Lettres modernes ; au collĂšge de Chasseneuil dans les annĂ©es 1950, Ă  Cognac, puis, Ă  partir de 1961, successivement aux LycĂ©es Gay-Lussac et Auguste Renoir Ă  Limoges, jusqu’à sa retraite en 1982. Il participe aux comitĂ©s de rĂ©daction des revues Sources, de Gilles Fournel, Promesse puis de Jean-Claude Valin, rejoint la revue Friches de Jean-Pierre Thuillat en 1983, devient le compagnon de route » des revues Analogie puis L’Indicible frontiĂšre que j’ai eu le plaisir de diriger entre 1985 et 2007. En 1985, il soutient Ă  Paris X – Nanterre une thĂšse de doctorat d’Etat Ă  propos de Jean Follain. Contrairement Ă  Georges-Emmanuel Clancier, il n’écrit que de la poĂ©sie, publiĂ©e chez divers Ă©diteurs, parmi lesquels Seghers et Rougerie. En 1951, Debresse publie son premier recueil, Les Rives Blanches. En 1958, son recueil ElĂ©gies limousines reçoit le Prix Saint-Pol-Roux ; en 1962, le Prix Anne Van-Qui pour Dans la boule de gui. Dans le jury de ce prix dotĂ© d’un million d’anciens francs Georges-Emmanuel Clancier, qui Ă©crit Ă  son sujet dans Le Populaire du Centre du 23 juin 1962 
nous avons eu la joie de dĂ©cerner le Prix [
] Ă  Joseph Rouffanche, ce poĂšte limousin dont le talent plein de fraĂźcheur et de musique est bien digne du pays de Bernart de Ventadour et de Giraudoux. »[5] Philippe Soupault – Ă©galement membre du jury – s’exclame alors Rouffanche, un nom qu’on n’oubliera pas. »[6] En 1984, Rouffanche obtient le Prix MallarmĂ© pour son anthologie OĂč va la mort des jours. Clancier Ă©tait membre de l’AcadĂ©mie MallarmĂ© depuis 1978. Cette mise en parallĂšle pour montrer que dĂšs les annĂ©es 1930, et surtout aprĂšs la guerre, Clancier fut dans un rĂ©seau que l’on pourrait qualifier trivialement de porteur » amical, parisien et mĂ©diatique, devenant d’ailleurs en 1976 prĂ©sident du Pen-Club français ou, quatre ans plus tard, vice-prĂ©sident de la commission française pour l’UNESCO. Rouffanche demeurant – par choix sans doute – en Limousin, certes correspondant avec diverses personnalitĂ©s saluant son Ɠuvre, comme Gaston Bachelard, Jean Cassou, Robert Sabatier ou AndrĂ© Beucler, mais ceci Ă  distance. Et si Rouffanche est publiĂ© par RenĂ© Rougerie – Ă©diteur prestigieux et Limousin –, Clancier poĂšte l’est, Ă  partir de 1960, par le Mercure de France puis par Gallimard. Si on regarde maintenant le sort rĂ©servĂ© aux deux poĂštes en Limousin ou par des Limousins – hormis, pour Clancier, ce moment fort de communion rĂ©gionale autour de l’adaptation du Pain noir par Serge Moati en 1974 –, il y a bien sĂ»r la publication du Journal parlĂ© de Clancier par Rougerie en 1949 RenĂ© en publiera deux autres, en 1952 et 1995, Rouffanche voyant son Deuil et luxe du cƓur paraĂźtre chez le mĂȘme Ă©diteur en 1956, puis quatre autres en 1965, 1988, 2000 et 2004. Il faut attendre la publication d’un numĂ©ro spĂ©cial de la revue PoĂ©sie 1, Ă  l’automne 1980, pour qu’un hommage soit rendu, grĂące Ă  Jean-Pierre Thuillat qui collecte les textes et rĂ©dige l’introduction, Ă  neuf poĂštes limousins contemporains, parmi lesquels Clancier et Rouffanche, placĂ©s dans une partie intitulĂ©e Permanence du lyrisme ». Thuillat qualifie le premier d’ exilĂ© fidĂšle » et lui consacre dix pages, dont la prĂ©sentation, un portrait photographique et divers textes dont aucun n’est inĂ©dit. Rouffanche a droit Ă  huit pages avec trois inĂ©dits. En 1984, Clancier est au sommaire du n°5 de la revue Friches fondĂ©e par le mĂȘme Thuillat. Rouffanche est pour sa part publiĂ© dans le numĂ©ro 7/8 puis dans le n°36, comme grande voix contemporaine ». Vient ensuite, en 1997, l’anthologie de Joseph Rouffanche finalement publiĂ©e – aprĂšs onze annĂ©es de gestation dont je ferai prochainement l’historique – par Les Cahiers de PoĂ©sie Verte de Jean-Pierre Thuillat 12 poĂštes, 12 voixes, une anthologie critique prĂ©cĂ©dĂ©e d’un essai pessimiste Ă  propos de la poĂ©sie intitulĂ© Une crise profonde. Les auteurs ici honorĂ©s sont – par ordre alphabĂ©tique – Blot, moi-mĂȘme, Clancier, Courtaud, Delpastre, Laborie, Lacouchie, Lavaur, Mazeaufroid, Peurot, Rouffanche – le poĂšte se consacrant 64 pages Ă  la troisiĂšme personne, ce qui fut diversement apprĂ©ciĂ© par la critique, par exemple Le Matricule des Anges[7], seules 39 pages Ă©tant rĂ©digĂ©es Ă  propos de Clancier. Je reviendrai plus loin sur le regard de Rouffanche Ă  propos de la poĂ©sie de Clancier. Le dernier poĂšte abordĂ© dans le livre Ă©tant Thuillat. On peut noter Ă©galement la participation, Ă  partir de 1992, de Georges-Emmanuel Clancier Ă  la revue des Amis de Robert Margerit dont il a Ă©tĂ© fondateur l’annĂ©e d’avant avec Suzanne Margerit; dans son numĂ©ro 3, en 1999, la journaliste Danielle Dordet publie un entretien avec Clancier Ă  propos de Margerit. En 2000, le numĂ©ro 4 Ă©voque les souvenirs de jeunesse des deux Ă©crivains, puis l’on retrouve Georges-Emmanuel Clancier au sommaire d’autres volumes, en particulier en 2004 comme poĂšte Ă©tudiĂ© par AdelaĂŻde Russo, de l’UniversitĂ© de Baton Rouge en Louisiane. Ce n’est qu’en 2007 que les Cahiers Robert Margerit s’intĂ©ressent Ă  Rouffanche, avec un texte de Maryse Malabout. D’une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il faut d’ailleurs noter que les goĂ»ts de cette publication en matiĂšre de poĂ©sie sont plutĂŽt classiques » – le seul autre poĂšte que l’on retrouve en dehors de Clancier et Rouffanche Ă  avoir Ă©tĂ© saluĂ© par ce dernier dans son anthologie Ă©tant, dans le n° 14, de 2010, Alain Lacouchie, nĂ© en 1946. En 2008, le Centre rĂ©gional du livre du Limousin publie un Guide de balades littĂ©raires en Limousin – entre littĂ©rature et tourisme – qui propose notamment une promenade Ă  travers les lieux de Clancier dans la rĂ©gion. En 2008 paraĂźt mon ouvrage aux Ardents Editeurs, oĂč je consacre une notice Ă  ceux qui Ă©crivent dans la famille Clancier Georges-Emmanuel, Anne, Sylvestre, Jacqueline, Juliette et AgnĂšs – ce qui me vaut d’ailleurs une belle lettre de remerciement de Georges-Emmanuel et une de Robert Laucournet, alors prĂ©sident des Amis de Robert Margerit – et je propose une autre notice consacrĂ©e Ă  Rouffanche, que je range parmi les poĂštes oiseleurs ». Un an plus tard, les Editions Alexandrines proposent une Balade en Limousin sur les pas des Ă©crivains, coordonnĂ©e par le journaliste et poĂšte Georges ChĂątain et prĂ©facĂ©e par Claude Duneton. Cette fois, c’est le bibliothĂ©caire et poĂšte bellachon Pierre Bacle – lui-mĂȘme publiĂ© par Rougerie – qui rend hommage Ă  Clancier et Jean-Pierre Thuillat Ă  Joseph Rouffanche – dont je livre pour ma part un portrait photographique devant les roses de son jardin Ă  Landouge. Pierre Bacle note Ă  cette occasion avec justesse que c’est peut-ĂȘtre finalement sous sa forme lyrique que l’identitĂ© limousine de Georges-Emmanuel Clancier s’exprime avec le plus de force. »[8] Dans son analyse de l’Ɠuvre de Rouffanche, Thuillat montre que le Limousin du poĂšte n’est pas celui, viscĂ©ral et charnel, d’une Marcelle Delpastre ou d’un Georges-Emmanuel Clancier [
] Chez Rouffanche, nous sommes dans un pays en grande partie intĂ©riorisĂ©. »[9] En ce qui concerne les manifestations et hommages en Limousin, en 1966, le Centre Théùtral du Limousin organisa une lecture-spectacle d’Ɠuvres de Rouffanche, et le recueil La Vie sans couronne fut prĂ©sentĂ© chez RenĂ© Rougerie rue des Sapeurs Ă  Limoges. En 1989, Laurent Chassain, du ChƓur contemporain de Limoges, mit en musique un poĂšme de Rouffanche Ă  la crypte des jĂ©suites de la ville, puis Michel Bruzat, ancien Ă©lĂšve de Joseph au LycĂ©e Gay-Lussac, mit en scĂšne dans son théùtre de La Passerelle plusieurs textes sous le titre La cicatrice ne sait plus chanter. En 1991, j’organisai Ă  la librairie Anecdotes de Limoges une rencontre autour de Joseph Rouffanche dans le cadre du festival des francophonies Ă  l’occasion de la publication par Analogie du mĂ©moire universitaire de RĂ©gine Foloppe consacrĂ© Ă  l’émerveillement dans l’Ɠuvre du poĂšte[10] et c’est en avril 1999 que se tint un premier colloque universitaire consacrĂ© Ă  Joseph Rouffanche, mais Ă  la BibliothĂšque de Bordeaux, grĂące Ă  GĂ©rard Peylet, professeur Ă  l’universitĂ© de Bordeaux III. Trois autres ont suivi, le premier accueilli Ă  l’UniversitĂ© de Limoges, consacrĂ© Ă  L’horizon poĂ©tique de Joseph Rouffanche »[11], s’étant tenu en juin 2011, sans toutefois la participation d’universitaires locaux comme intervenants. Les Amis de Robert Margerit ont pour leur part organisĂ© des lectures d’extraits d’Ɠuvres de Georges-Emmanuel Clancier et une soirĂ©e Georges-Emmanuel Clancier et Robert Margerit une amitiĂ© indĂ©fectible le vendredi 2 dĂ©cembre 2011 Ă  l’auditorium d’Isle. Le samedi 25 mars 2000, dans le cadre du Printemps des poĂštes et en lien avec les Cahiers de PoĂ©sie Verte et la revue Friches, une soirĂ©e, qui rĂ©unit un public nombreux – dont Bernard NoĂ«l et Guy Goffette –, fut organisĂ©e Ă  la Bfm de Limoges autour de Joseph Rouffanche et Alain Lacouchie, intitulĂ©e 2 Ɠuvres, 2 lectures en regard, pour dĂ©battre du poĂ©tique, accompagnĂ©e par la flĂ»tiste Elina Jeudi. Dans une lettre qu’il m’adresse le 12 fĂ©vrier 1987, oĂč il fait le point sur le ComitĂ© d’Action PoĂ©tique qu’il prĂ©side et les difficultĂ©s rencontrĂ©es, Joseph Rouffanche Ă©crit Tout Ă©chec de mon association [
] nuit Ă  sa crĂ©dibilitĂ© et me nuit personnellement. Clancier se dĂ©commandant la veille de sa rencontre-causerie-lecture pour raison de santĂ© il est vrai, ça me met dans une situation impossible et ça porte un coup trĂšs dur selon moi Ă  l’association. » J’en dĂ©duis donc – ce que m’a confirmĂ© Jean-Pierre Thuillat – que le CAP et sans doute la revue Friches avait programmĂ© la venue de Clancier pour une rencontre – ce dont je ne me souvenais pas. En juin 2005, le Centre rĂ©gional du livre en Limousin organisa une Carte blanche Ă  Georges-Emmanuel Clancier » dont Olivier Thuillas fut la cheville ouvriĂšre. Ces sept jours en compagnie de l’écrivain et poĂšte furent une occasion unique pour le public de dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir son Ɠuvre, ses goĂ»ts artistiques et littĂ©raires et les lieux qui l’ont inspirĂ©. Rouffanche comme Clancier ont Ă©tĂ© Ă  plusieurs reprises invitĂ©s Ă  Lire Ă  Limoges », Georges-Emmanuel dĂ©clarant, en 2009 Je serai encore le doyen du salon de Limoges ? J’aimerais plutĂŽt en ĂȘtre le benjamin
 »[12] A noter que Rouffanche a Ă©tĂ© surtout invitĂ© sur les stands des revues auxquelles il participait. Les deux auteurs ont par ailleurs reçu la mĂ©daille d’honneur de la Ville de Limoges, Georges-Emmanuel Clancier des mains du maire Alain Rodet, sans doute en 1994, Ă  l’occasion de ses 80 ans, Ă  l’issue d’une adaptation du Pain noir au palais municipal des sports de Beaublanc, avec le groupe de musiciens et danseurs traditionnels L’Eglantino do Limousi[13]; Joseph Rouffanche en 2009, ici-mĂȘme Ă  la Bfm, des mains de Monique Boulestin, alors 1Ăšre adjointe et dĂ©putĂ©e de la Haute-Vienne, Ă  l’occasion de l’hommage que j’ai organisĂ© et auquel participĂšrent notamment, devant un public nombreux, soit en prenant la parole, soit en Ă©tant dans la salle RenĂ© et Olivier Rougerie, GĂ©rard Peylet, Michel Bruzat, Paulo Barillier, de la galerie Res ReĂŻ, qui avait accueilli une lecture de Rouffanche en 1988, mais aussi les poĂštes Marie-NoĂ«lle Agniau, GĂ©rard Frugier, Alain Lacouchie, Jean-Luc Peurot ou Jean-Pierre Thuillat. Un adjoint au maire de Bujaleuf, commune natale de Joseph, Ă©tait Ă©galement prĂ©sent. J’ai citĂ© ce qu’avait dĂ©clarĂ© Clancier Ă  propos du recueil de Rouffanche Dans la boule de gui. Auparavant, Ă  l’occasion de la publication d’ElĂ©gies limousines, il avait Ă©crit Ă  son compatriote J’ai retrouvĂ© le chant Ă©mouvant de votre poĂ©sie, ce sourire entre joie et douleur qui l’éclaire, la prĂ©sence sensible de la nature en particulier de nos riviĂšres, de nos collines. »[14] En 1965, dans le Magazine des Arts, Clancier rend compte de La Vie sans couronne, Ă©ditĂ© par Rougerie ce titre un peu mĂ©lancolique couvre de beaux poĂšmes oĂč nous retrouvons les qualitĂ©s de finesse, de pudeur un peu prĂ©cieuse, de sensibilitĂ© musicienne que nous avons dĂ©jĂ  aimĂ©es [
] Des touches lĂ©gĂšres, une rĂ©sonnance parfois verlainienne, un sens du secret, l’alternance d’impressions naĂŻves ou spontanĂ©es et de paroles Ă©nigmatiques, voilĂ  qui donne Ă  la poĂ©sie de Joseph Rouffanche son pouvoir discret et sĂ»r. »[15] Ces compliments sont-ils suffisants pour Rouffanche ? Dans l’étude qu’il consacre Ă  Clancier dans son anthologie 12 poĂštes, 12 voixes[16], en 1997, il note d’abord qu’il s’agit d’une Ɠuvre considĂ©rable » avant de se demander dans sa conclusion pour combien compte le poĂšte dans la cĂ©lĂ©britĂ© de l’écrivain Clancier. Des signes toutefois induiraient Ă  penser que l’Ɠuvre poĂ©tique saluĂ©e unanimement par la critique de nombre de poĂštes qui comptent, est largement mĂ©connue, y compris et peut-ĂȘtre surtout en Limousin, le terroir natal. » Rouffanche exprime plus loin un discret regret en Ă©crivant Clancier semble incontestablement un homme de l’amitiĂ©, du moins si l’on s’en rĂ©fĂšre Ă  ses essais sur la poĂ©sie et au nombre de dĂ©dicataires de ses poĂšmes [
] On l’aura remarquĂ©, pas un poĂšte de la province natale aimĂ©e. » Rouffanche aurait-il souhaitĂ© en ĂȘtre ? En tout cas, Ă  ma connaissance, lui-mĂȘme n’a dĂ©diĂ© aucun de ses poĂšmes Ă  Clancier, bien qu’il regrette dans son anthologie que les poĂštes limousins dont il parle ne l’aient pas fait non plus, parlant de mĂ©lange de retenues excessives, de nĂ©gligences rĂ©itĂ©rĂ©es [
] sans nĂ©gliger le fossĂ© des gĂ©nĂ©rations. » Dans sa notice Ă  propos de Clancier, Rouffanche Ă©crit qu’ il faudrait les dimensions d’une thĂšse pour prĂ©tendre rendre compte des richesses de cette Ɠuvre considĂ©rable » – rappelons qu’il a consacrĂ© la sienne Ă  Jean Follain. Clancier lui-mĂȘme a Ă©voquĂ© ce poĂšte dans son essai La poĂ©sie et ses environs[17], oĂč il s’intĂ©resse aussi Ă  Hugo, MallarmĂ©, Verlaine, Reverdy, Bousquet, Supervielle, FrĂ©naud, Guillevic, Tardieu, Ponge, Bonnefoy, Jouve et Queneau. Lorsque on lit la thĂšse de Rouffanche, on constate que Clancier y est citĂ© quatre fois la premiĂšre pour Ă©crire qu’il relĂšve chez Follain, comme Rouffanche, l’importance de l’image fĂ©minine[18] ; les trois autres dans la conclusion, Ă  propos surtout du temps, de la mĂ©moire et de la nostalgie. Un mĂȘme intĂ©rĂȘt, et plus encore, donc, chez Clancier et Rouffanche, pour le poĂšte Jean Follain et la maniĂšre de dire ou d’estomper le temps en poĂ©sie. GĂ©rard Peylet a mis en parallĂšle l’écriture du passĂ© et de l’enfance dans les proses de Jean Follain et les poĂšmes de Joseph Rouffanche[19]. Rouffanche cite aussi Follain lorsqu’il s’agit d’évoquer la poĂ©sie de Clancier. La mĂ©thode choisie par Rouffanche pour prĂ©senter les auteurs prĂ©sents dans son anthologie consiste en un entremĂȘlement subtil et serrĂ© entre citations de critiques, de lettres, de tĂ©moignages, d’autres poĂštes et commentaires personnels – Elodie Bouygues en a trĂšs bien analysĂ© le propos et le fonctionnement[20]. Il observe que dans les prĂ©cĂ©dentes anthologies de poĂ©sie Ă©crites par Rousselot, Brindeau ou Sabatier, ce sont Clancier et lui qui sont le plus citĂ©s des poĂštes limousins, Georges-Emmanuel se taillant normalement, lĂ©gitimement, la part du lion », pour reprendre son expression. Rouffanche voit en Clancier un poĂšte de l’indignation, de la protestation, de la rĂ©volte, de la nostalgie, de l’ardente mĂ©lancolie et de la cĂ©lĂ©bration, grand chantre limousin de l’amour de la femme
 ». En le lisant, il songe aussi Ă  Baudelaire, Ă  Rilke. Il faut noter que dans cette lecture croisĂ©e Clancier-Rouffanche, Anne Clancier a sa place. En effet, l’épouse de Georges-Emmanuel, psychanalyste, s’est interrogĂ©e en septembre 2000 Ă  propos du mythe personnel » de Joseph Rouffanche, qu’elle a cru repĂ©rer dans son poĂšme FantĂŽme Ă  la riviĂšre », paru dans Les Rives blanches en 1951[21]. Selon elle, ici serait la matrice de l’Ɠuvre Ă  venir, avec la prĂ©sence des sens, des Ă©lĂ©ments, de la flore et du bestiaire, et surtout celle du temps. Anne Clancier note encore la frĂ©quence de la couleur blanche dans l’Ɠuvre de Rouffanche, et celle de la neige en particulier – trĂšs bien Ă©tudiĂ©e par ailleurs par JoĂ«lle Ducos[22] -, neige de l’enfance, blanc de la page qui reste Ă  Ă©crire. Elle souligne enfin l’importance d’un mythe du Paradis terrestre C’est un paradis perdu, dont on a la nostalgie, et qui sera recréé dans et par l’écriture. » Il convient enfin de remarquer que jamais – sauf erreur de ma part –, dans les actes des quatre colloques consacrĂ©s Ă  Joseph Rouffanche, les diffĂ©rents intervenants – qui citent nombre de poĂštes et mĂȘme de philosophes – n’établissent de parallĂšle avec la poĂ©sie de Georges-Emmanuel Clancier, mĂȘme si, bien sĂ»r, on pourrait sans doute trouver des convergences. J’ai toutefois fait briĂšvement exception dans ma communication sur le bestiaire de Rouffanche en Ă©voquant des textes de Clancier sur la pĂȘche et les couleuvres[23]. J’ai dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© l’importance capitale – bien Ă©tudiĂ©e par ailleurs – du temps, de la mĂ©moire et, sans doute, d’une certaine nostalgie – commune aux deux poĂštes Clancier parlant de nostalgie qui fascine. Dans les deux cas, donc, prĂ©sence de l’enfance, l’un des thĂšmes trĂšs prĂ©sent dans le reste de l’Ɠuvre de Clancier Ă  travers ses romans et ses rĂ©cits autobiographiques dans Le paysan cĂ©leste enfance rejaillie ». Enfance et jeunesse oĂč la guerre est bien sĂ»r prĂ©sente, peut-ĂȘtre d’autant plus chez Clancier, en raison de son Ăąge. Chez Clancier, indignation et rĂ©volte, dĂ©nonciation de La guerre faite Ă  l’homme/Par la bĂȘte Ă  tĂȘte d’homme » dans Oscillante Parole 1978. Selon Rouffanche, Clancier est un humaniste, un ĂȘtre fraternel sans frontiĂšres, par nature et par mission, laquelle semble bien procĂ©der d’une vocation. D’oĂč sa commisĂ©ration pour les humbles, les exploitĂ©s [
] les mĂ©prisĂ©s, souvent innocentes et nobles victimes sans nom. » Une thĂ©matique qu’on ne retrouve pas, Ă  mon avis, chez Rouffanche. PrĂ©sence, en revanche, chez les deux poĂštes, de la femme, toute promesse et offrande, clef d’accord et d’harmonie, territoire prĂ©fĂ©rĂ© du songe » toujours selon Rouffanche parlant de Clancier, qui voit en lui l’un de nos poĂštes majeurs de l’amour ». Femme rĂ©elle et femme-poĂ©sie – peut-ĂȘtre plus encore chez Rouffanche que chez Clancier. Et, bien sĂ»r, chez les deux poĂštes, inspirations limousines – parfois nourries de souvenirs mĂ©diĂ©vaux, jusque dans les rĂ©fĂ©rences communes au Trobar Clus –, mais ouvertes sur l’universel Clancier Ă©crit J’ai touchĂ© terre oĂč surgit le monde ». J’ai citĂ© Thuillat qui parle Ă  propos de Rouffanche d’un pays en grande partie intĂ©riorisĂ© », il prĂ©cise mĂȘme hautement rĂ©inventĂ© ». Selon Pierre Bacle, il semble que le sentiment fort d’unitĂ© qui se dĂ©gage de l’Ɠuvre plurielle de Georges-Emmanuel Clancier provienne de cet enracinement profond au pays qui, prĂ©cisĂ©ment, autorise toutes les aventures dans le monde comme dans l’écriture »[24]. Si le colloque Rouffanche de 2000 avait pour titre un poĂšte entre terre et ciel », n’oublions pas que dĂšs 1943, un recueil de Clancier s’appelle Le paysan cĂ©leste. Et dans ses poĂšmes[25], un paysage, un univers limousin est prĂ©sent tout au long de l’Ɠuvre, dont je cite volontairement des mots revenant plus ou moins souvent au fil des recueils collines, oiseau des forĂȘts, chevaux, chemins, herbe des lisiĂšres, prairie, landes, serpents, neige, fleurs des champs, eau vive, feuillardiers, bergĂšres, labours, villages, forĂȘts, terre, parfums de campagne, gel, aubĂ©pine, pĂąquerettes, pies et poules, pommes, fontaines, sources, riviĂšres et vallĂ©es, lacs, campanules, boutons d’or, vaches et taureaux, grenouille, bourdons, roc, granit, bruyĂšre, rives, peupliers, mousse, humus, noisetier et hĂȘtre, caves et granges, blĂ©s, Ă©cureuils, vignes, fourrĂ©, blĂ©, grains et ivraie, loup, bƓufs, abbayes, vergers et jardins, lilas, Ă©colier de Bellac, chĂątaigniers, laines – je m’arrĂȘte lĂ . Univers limousin consacrĂ© aussi dans les Nouveaux poĂšmes du Pain noir, oĂč il est question d’un pays de douceur et de majestĂ©. » Ailleurs, Clancier Ă©voquant une province fabuleuse doucement mesurĂ©e d’ailes. » Mais aussi univers industriel, avec l’ouvrier de la porcelaine, ou, lorsqu’il parle de cette route d’Ambazac que nous avons en partage ce faubourg noir de charbon au long des rails ». Eden de l’enfance mais aussi univers idĂ©al troublĂ© par le surgissement de la barbarie, par exemple Ă  Oradour-sur-Glane. Je ne referai pas le mĂȘme exercice pour Rouffanche, mais il donnerait le mĂȘme rĂ©sultat Eden naturel de l’enfance pour nourrir la poĂ©sie. Dans un cas comme dans l’autre, sans doute, Terre-MĂšre oĂč sont dispersĂ©es les cendres de l’enfance. En conclusion de cette premiĂšre Ă©bauche d’étude comparĂ©e, je voudrais redire combien Georges-Emmanuel Clancier et Joseph Rouffanche sont les deux poĂštes limousins majeurs – l’un de l’exil, l’autre du pays – d’au moins la premiĂšre partie du XXĂšme siĂšcle, que je fais aller jusqu’aux annĂ©es 1960 ; sans doute faudrait-il ne pas oublier Marcelle Delpastre. La poĂ©sie des deux se nourrissant d’ailleurs de cet univers provincial idyllique de l’enfance, plus tard bouleversĂ© par les guerres. L’un comme l’autre ont une Ɠuvre lyrique puissante et figurent incontestablement – mĂȘme si Rouffanche demeure moins connu nationalement et si c’est plus lui qui a les yeux tournĂ©s vers son aĂźnĂ© – parmi les meilleurs reprĂ©sentants de ce style poĂ©tique hĂ©ritĂ© d’ailleurs des poĂštes limousins mĂ©diĂ©vaux. Je voudrais dire aussi combien, comme poĂštes et bien sĂ»r comme Ă©crivain pour Clancier, ils ont contribuĂ© aussi Ă  la fabrique de l’identitĂ© rĂ©gionale limousine qu’étudient aujourd’hui les historiens et qui revĂȘt divers aspects. Michel Kiener a montrĂ© comment on avait, en quelque sorte, inventĂ© » le pays limousin entre 1850 et 1950[26], en valorisant par exemple les ruines, rocs, gorges sauvages et cascades, Millevaches Ăąpre et romantique, villes aux relents de Moyen Âge », puis, plus tard, dans les annĂ©es 80, le petit patrimoine » bonnes fontaines, fours et clĂ©diers, lavoirs, croix de carrefour » – autant d’élĂ©ments, de lieux, que l’on retrouve dans l’Ɠuvre des poĂštes Rouffanche et Clancier, sans parler des multiples rĂ©fĂ©rences Ă  l’histoire ancienne ou contemporaine. Pas Ă©tonnant donc que Georges-Emmanuel soit prĂ©sent sur le site touristico-littĂ©raire GĂ©oculture donnant Ă  voir le Limousin envisagĂ© par les artistes – avec 11 occurrences –, plus surprenant en revanche que Joseph n’y soit pas encore, mais ce n’est plus sans doute qu’une question de temps ! Enfin, que l’on me permette d’oser cette proposition Ă  propos de mon illustre prĂ©dĂ©cesseur sur les bancs du LycĂ©e Gay-Lussac qu’un jour cette belle mĂ©diathĂšque de Limoges porte le nom de Georges-Emmanuel Clancier
 Laurent Bourdelas Derniers ouvrages parus L’Ivresse des rimes Stock, 2011, Prix Jean Carmet, Alan Stivell Editions Le TĂ©lĂ©gramme, 2012. [1] Les Ardents Editeurs, postface de Pierre Bergounioux. [2] A. Mounic, Entretien avec Georges-Emmanuel Clancier, passager du temps », 28 septembre 2008, site [3] Site de l’émission La Fabrique de l’Histoire », d’Emmanuel Laurentin, sur le site de France culture, 10 janvier 2011. [4] PrĂ©sence de l’histoire dans l’Ɠuvre de Joseph Rouffanche », in L’horizon poĂ©tique de Joseph Rouffanche direction Elodie Bouygues, PULIM, 2011, p. 30-33. [5] CitĂ© dans J. Rouffanche, 12 poĂštes, 12 voixes, Cahiers de PoĂ©sie Verte, 1997, p. 426. [6] Texte de 4Ăšme de couverture de J. Rouffanche, Dans la boule de gui, Grassin, 1962. [7] 12 poĂštes, 12 voixes, de Joseph Rouffanche », in Le Matricule des Anges, n°23, juin-juillet 1998. [8] Clancier, une prĂ©sence, des Ă©vidences », in Balade en Limousin sur les pas des Ă©crivains, Editions Alexandrines, 2009, [9] Joseph Rouffanche entre terre et ciel », in Balade en Limousin
, p. 247. [10] Joseph Rouffanche », Analogie, n°24/25/26, Limoges, 1991. [11] PULIM direction Elodye Bouygues, 2011. [12] SupplĂ©ment au Populaire du Centre du 3 avril 2009, [13] Je remercie ValĂ©rie Lavefve et Olivier Thuillas pour leurs informations, ma mĂ©moire ayant Ă©tĂ© dĂ©faillante. [14] CitĂ© sur la 4Ăšme de couverture de J. Rouffanche, OĂč va la mort des jours, ORACL – Ă©dition, 1983. [15] Idem, p. 441. [16] p. 153 Ă  176, oĂč nous puisons les citations ou analyses. [17] Gallimard, 1973. [18] J. Rouffanche, Jean Follain et la passion du temps, Rougerie, 2001, p. 289, et, pour les autres rĂ©fĂ©rences p. 465, 473, 477. [19] in L’horizon poĂ©tique de Joseph Rouffanche, Pulim, 2011, p. 35. [20] La poĂ©sie comme Ă©tat critique de la langue », in L’horizon poĂ©tique de Joseph Rouffanche
, p. 61. [21] A. Clancier, A l’orĂ©e de la poĂ©sie Le mythe personnel de Joseph Rouffanche », in Joseph Rouffanche et la poĂ©sie post-surrĂ©aliste un poĂšte entre Terre et Ciel, EidĂŽlon, UniversitĂ© Michel de Montaigne Bordeaux 3, n°56, septembre 2000, p. 179. [22] Mais oĂč sont les neiges d’antan
 », in Joseph Rouffanche et la poĂ©sie post-surrĂ©aliste
, [23] Le cƓur animal. Bestiaire de Joseph Rouffanche » in L’espace du cƓur dans l’Ɠuvre de Joseph Rouffanche, EdidĂŽlon, UniversitĂ© Michel de Montaigne Bordeaux 3, n°76, mars 2007, p. 129. [24] Balade en Limousin
, p. 231. [25] Les poĂšmes citĂ©s sont extraits de Le Paysan cĂ©leste suivi de Notre part d’ombre et d’or, PoĂ©sie/Gallimard, 2008. [26] Aux sources de l’Amour L’invention du pays limousin 1850-1950 », in Le Limousin, pays et identitĂ©s coll., Pulim, 2006, p. 326 Ă  347.
Cettesemaine, Laurence Pieau brosse le portrait de Claude Pompidou. L'épouse de Georges Pompidou est le modÚle de Brigitte Macron dans son rÎle de PremiÚre dame.
AprĂšs s’ĂȘtre intĂ©ressĂ© au couple Pompidou Claude et Georges Pompidou, l’amour au cƓur du pouvoir, Pierre Hurel a choisi de pĂ©nĂ©trer au cƓur du Clan Chirac pour les besoin du documentaire du mĂȘme nom. Un portrait de famille dont le documentariste souhaitait tirer une vĂ©ritĂ© romanesque ». Au fil des images d’archives et des nombreux tĂ©moignages, la carriĂšre du prĂ©sident se dessinait. Une dimension humaine Ă©clairĂ©e par la prĂ©sence des trois femmes – Bernadette, Claude et Laurence – qui entourent Jacques Chirac. Le rĂ©sultat a alors rassemblĂ© millions de tĂ©lĂ©spectateurs, pour du public prĂ©sent entre 20h50 et 22h35. Le clan Chirac a permis Ă  France 2 d’occuper la deuxiĂšme marche du podium, devançant de peu la rediffusion du Petit Nicolas sur M6. Il s’agit de la meilleure performance pour un documentaire unitaire en Prime cette conforte l’engagement et la mission de France 2, chaĂźne de l’évĂ©nement, de la diffĂ©rence et de la crĂ©ation au service de tous », conclut le communiquĂ© de France TĂ©lĂ©visions.
Entre1954 et 1962, les deux amants maudits ont en effet vécu une romance parfois pathétique, parfois sordide, mais qu'aucun des deux n'avaient ni le
5 juillet 2011 - Seul le prononcĂ© fait foi DĂ©claration de M. Nicolas Sarkozy, PrĂ©sident de la RĂ©publique, en hommage Ă  l'ancien prĂ©sident de la RĂ©publique, Georges Pompidou, Ă  Montboudif Cantal le 5 juillet 2011. TĂ©lĂ©charger le .pdf Mesdames et Messieurs,Le 16 mai 1969, un peu plus de deux semaines aprĂšs la dĂ©mission du GĂ©nĂ©ral De Gaulle, Georges Pompidou prĂ©sentait aux Français sa candidature Ă  l'Ă©lection prĂ©sidentielle par ces mots dont certains d'entre vous se souviennent peut-ĂȘtre Pendant longtemps vous le savez peut-ĂȘtre, je n'ai pas dĂ©sirĂ© une carriĂšre politique active. Et puis en 1962, le GĂ©nĂ©ral De Gaulle m'a nommĂ© d'emblĂ©e, Premier ministre. J'ai fait mon apprentissage, j'ai fait des fautes comme tout le monde, mais je ne crois pas avoir Ă©tĂ© indigne de ma fonction [...] Et puis est venu mai 1968 [...] Il fallait tenir. Il fallait d'abord rĂ©tablir l'ordre progressivement mais fermement et sans faire couler le sang, sans nous jeter dans la guerre civile. Il fallait remettre la France au travail. Et puis il fallait dĂ©jouer le complot politique, faire comprendre Ă  l'opinion ce qui se passait [...] C'est Ă  ce moment que j'ai compris que quand viendrait le jour, je n'aurai pas le droit de me n'imiterai pas le style du GĂ©nĂ©ral De Gaulle. Je ne le pourrai d'ailleurs et puis vous le voyez bien, je suis un homme propose une politique d'ouverture et de cela veut dire, un gouvernement rĂ©novĂ© se reposant sur une majoritĂ© trĂšs large Ă©tendue Ă  tous ceux qui acceptent les principes essentiels de la Ve cela veut dire des rapports constants, confiants entre le Gouvernement et le Parlement avec tous les Ă©lus et avec le pays, car j'ai l'intention de lui expliquer, frĂ©quemment, simplement, franchement la politique... »Cet homme d'État qui, selon l'un de ses biographes, Ă©tait allĂ© Ă  la politique Ă  pas lents » mourut le 2 avril 1974, terrassĂ© par une maladie dont peu de Français, peut-ĂȘtre mĂȘme pas lui, n'avait soupçonnĂ© la avait durĂ© trois jours de souffrance, aprĂšs un calvaire long de plusieurs mois pendant lesquels il avait fait face, sans jamais se plaindre, sans rien laisser paraĂźtre du terrible mal qui l' su qu'il allait mourir si vite ?Nul ne peut le dire. Mais il travailla comme s'il avait encore des annĂ©es Ă  vivre, jusqu'Ă  ce qu'Ă  bout de forces, il tomba pour ne plus se dernier combat de sa vie, ce combat contre la mort, contre lui-mĂȘme, contre l'insigne faiblesse humaine, oĂč l'esprit jusqu'au dernier moment tint tĂȘte Ă  ce corps si douloureusement diminuĂ© qui l'entraĂźnait inexorablement dans sa chute, ce combat fut le plus grand et le plus beau de sa vie. Et cet homme qui aimait tant la poĂ©sie se rĂ©cita peut-ĂȘtre alors au milieu du malheur le vers de Corneille qu'il connaissait si bien Meurs, mais quitte du moins la vie avec Ă©clat ».Des vers, il en avait appris des cinquante ans, il Ă©crivait La passion de la poĂ©sie, dont on me prĂ©disait lorsque j'Ă©tais enfant qu'elle passerait, a persistĂ© au-delĂ  du milieu du chemin de la vie ».Elle ne le quittera jamais. La poĂ©sie, disait-il, est, ou peut, se trouver partout ...Il y a la poĂ©sie du soleil et celle de la brume, la poĂ©sie de la dĂ©couverte et celle de l'habitude, de l'espoir et du regret, de la mort et de la vie, du bonheur et du malheur... »Dans les joies familiales comme dans l'univers glacĂ© du pouvoir, dans sa jeunesse heureuse comme dans la douleur des derniers jours, l'art et la poĂ©sie lui firent aimer la vie, mĂȘme dans les pires moments. Car Ă  cet homme qui rĂ©ussit tout, rien ne fut Ă©pargnĂ©. Il traversa des Ă©preuves terribles, se battit contre les prĂ©jugĂ©s, contre la calomnie, contre la l'amour de l'art et de la poĂ©sie on ne peut rien comprendre Ă  un homme que rien ne semblait pouvoir Ă©branler tant sa force intĂ©rieure Ă©tait grande. Cette force, elle lui venait de son caractĂšre, de ses racines, de son Ă©ducation, de sa culture mais aussi de sa foi, car ce fils d'un instituteur socialiste, cet Ă©lĂšve mĂ©ritant Ă©levĂ© dans le culte de la RĂ©publique laĂŻque, Ă©tait croyant, d'une croyance sincĂšre, profonde, sans ostentation mais solidement ancrĂ©e en avait la tranquille assurance de ceux qui sont en accord avec eux-mĂȘmes, qui savent d'oĂč ils viennent et ce qu'ils attendent de la il venait, c'Ă©tait clair il venait d'ici, de cette vieille terre auvergnate, de ce haut plateau du Cantal, de ces gĂ©nĂ©rations de paysans dont il avait hĂ©ritĂ© les vertus simples et son enfance, il disait je n'ai reçu que des leçons de droiture, d'honnĂȘtetĂ© et de travail. Il en reste toujours quelque chose ». Meurs, mais quitte du moins ce monde avec Ă©clat ».Il quitta ce monde avec Ă©clat, je veux dire avec une dignitĂ© parfaite, un sens Ă©levĂ© de son devoir, un courage qui força l'admiration de tous ceux qui l'ont approchĂ© alors. Il est vrai qu'il eut la chance qu'Ă  aucun moment son intelligence ne fut Ă©branlĂ©e par la fin bouleversante qui prit les Français par surprise et les Ă©mut si profondĂ©ment fit presque oublier ce qu'il avait accompli de son vivant. Le masque tragique du mourant cacha la grande figure de l'Homme d' circonstances contribuĂšrent Ă  ce demi-oubli. La mort de Georges Pompidou coĂŻncida en effet avec la fin de ce que l'on appelle les trente glorieuses », ces trente glorieuses » dont il avait Ă©tĂ© la figure la plus marquante et qu'il avait, pour ainsi dire, souvenir de ces annĂ©es de prospĂ©ritĂ©, de foi dans le progrĂšs et dans la justice, allait vite ĂȘtre effacĂ© au cours des dĂ©cennies suivantes par l'inquiĂ©tude du quotidien et l'angoisse de l' Pompidou a pu apparaĂźtre alors comme le visage d'une Ă©poque rĂ©volue que chacun s'efforçait d'oublier, comme l'on oublie le temps du bonheur qui ne reviendra pas pour ne pas souffrir davantage de l'attendre en quarante ans de crises ininterrompues, de mutations douloureuses, avaient fini par nous faire oublier que l'avenir pouvait aussi ĂȘtre une promesse et pas seulement une temps est venu de nous rĂ©concilier avec ce que nous sommes profondĂ©ment, de reprendre confiance, de nous persuader que ce que nos pĂšres ont accompli jadis, nous sommes capables de l'accomplir de nouveau, que le gĂ©nie de notre peuple n'est pas moins grand aujourd'hui qu' centiĂšme anniversaire de la naissance de Georges Pompidou doit ĂȘtre l'occasion d'un examen de conscience, d'un retour sur nous-mĂȘmes Ă  un moment de notre histoire oĂč ce retour devient absolument nĂ©cessaire. Car Ă©voquer la figure de Georges Pompidou, c'est Ă©voquer la plus pure tradition française mise au service de la plus grande modernitĂ©. C'est nous rappeler qu'au fond, la seule mission de la politique aujourd'hui encore, c'est de jeter un pont entre la France d'hier et celle de Pompidou a dit un jour un pays n'est pas une page blanche ».Il savait que la politique de la table rase a toujours Ă©tĂ© une catastrophe et qu'en fin de compte l'histoire, la culture, l'identitĂ©, le fruit du long travail des gĂ©nĂ©rations reviennent toujours hanter le prĂ©sent quoique l'on ait fait pour en effacer les France a une personnalitĂ© singuliĂšre, un caractĂšre particulier, un gĂ©nie propre qui ne cesse de s'enrichir, d'Ă©voluer, de changer par une lente mĂ©tamorphose mais les fils qui la relient Ă  son passĂ©, Ă  ses hĂ©ritages, ne se coupent Pompidou tissait sans cesse la trame de l'avenir avec ces fils qui couraient le long des siĂšcles et qui le rattachaient, lui, l'hĂ©ritier de tant de gĂ©nĂ©rations de paysans du Cantal Ă  tout le passĂ© de la France. Je pense, disait-il, que l'habitude ancestrale de parcourir nos plateaux et nos montagnes au pas lent du paysan donne tout naturellement le goĂ»t des vastes Ă©tendues et le sens de la durĂ©e, nĂ©cessaires pour atteindre le but. »Ces racines, il les plongeait dans ce plateau aride, dans la France paysanne mais aussi profondĂ©ment dans cette RĂ©publique des Instituteurs qui croyait au savoir, au mĂ©rite, au progrĂšs, Ă  la justice. Celle de Jules Ferry, de Clemenceau, de PĂ©guy et de JaurĂšs. JaurĂšs, dont le souvenir rĂ©cent hantait encore la vieille citĂ© d'Albi oĂč le petit Georges passa son enfance et oĂč son pĂšre LĂ©on devenu professeur d'Espagnol militait Ă  la section locale de la l'Ă©cole primaire jusqu'Ă  Louis le Grand, l'enfant du Cantal, le fils de LĂ©on Pompidou, instituteur, et de Marie Louise Chavagnac, institutrice, rafla tous les prix et lut tous les 1931, il intĂ©gra l'École Normale SupĂ©rieure, le temple du mĂ©rite rĂ©publicain. Il allait en garder le souvenir inoubliable d'une grande libertĂ© intellectuelle et des amis pour la vie, parmi lesquels LĂ©opold Sedar Senghor, le grand poĂšte de la NĂ©gritude qui deviendrait le Premier PrĂ©sident de la RĂ©publique du SĂ©nĂ©gal et qui dira aprĂšs sa mort Je lui dois beaucoup. C'Ă©tait l'ami le plus loyal qui fut et notre amitiĂ© a rĂ©sistĂ© Ă  toutes les Ă©preuves. »Il passa l'agrĂ©gation de lettres. Il fut reçu premier. Ce fut sa revanche sur le concours d'entrĂ©e Ă  l'École Normale oĂč il n'avait Ă©tĂ© reçu qu'Ă  la huitiĂšme place. Toute sa vie il dĂ©testerait ne pas ĂȘtre le premier... AprĂšs son service militaire il fut affectĂ© comme professeur au LycĂ©e St Charles Ă  Marseille. Il y partit avec celle qui venait de devenir son Ă©pouse et avec laquelle il allait dĂ©sormais tout milieu des difficultĂ©s de la vie et du pouvoir qui mettent les sentiments Ă  si rude Ă©preuve, l'amour de Georges et de Claude Pompidou resterait indestructible. Elle serait Ă  ses cĂŽtĂ©s jusqu'au dernier jour. Lui, il lui ferait confiance et la soutiendrait quoi qu'il arrivĂąt. Et quand on voulut l'atteindre Ă  travers elle, quand le mensonge et la calomnie s'efforcĂšrent de la salir en cherchant Ă  l'impliquer dans une histoire rĂ©pugnante oĂč elle n'avait aucune part, il la dĂ©fendit avec une fĂ©rocitĂ© qu'on ne lui connaissait pas. Cette attaque contre elle, ce fut sans doute la seule chose que cet homme si peu rancunier, ne pardonnerait enseigna trois ans Ă  Marseille. Puis, un peu par hasard il se retrouva mutĂ© Ă  Paris au lycĂ©e Henri IV et s'installa au Quartier Latin. La guerre l'arracha Ă  sa vie de professeur, aux théùtres et aux galeries d'Art qu'il aimait tant. Il se battit courageusement sur la Somme, la Marne, la Seine, la discours du MarĂ©chal PĂ©tain demandant l'armistice le surprit Ă  Sully-sur-Loire aprĂšs de violents n'entendit pas l'appel du 18 juin. Il ne partit pas Ă  Londres et s'il rejeta toute forme de collaboration avec un occupant qu'il dĂ©testait, s'il eut des sympathies pour des RĂ©sistants qu'il aida Ă  l'occasion, il eut, contrairement Ă  bien d'autres, l'honnĂȘtetĂ© de reconnaĂźtre qu'il n'en devint pas un lui-mĂȘme. Certains le lui utilisa une fois encore l'arme de la calomnie pour abattre par tous les moyens cet homme sur lequel nul n'avait de prise et qui n'appartenait Ă  aucun clan, Ă  aucune ce fut peut-ĂȘtre lui finalement qui comprit le mieux le gaullisme, ou en tout cas qui le servit le mieux, bien qu'il ne rencontrĂąt le gĂ©nĂ©ral De Gaulle qu'en qui semblait promis Ă  une brillante carriĂšre universitaire et qui, Ă  part ses prises de position contre l'Action française du temps de sa jeunesse Ă©tudiante, ne s'Ă©tait jamais mĂȘlĂ© Ă  la politique, dĂ©cida dans l'euphorie de la LibĂ©ration qu'il ne pouvait pas rester professeur au moment oĂč toutes les Ă©nergies devaient ĂȘtre mobilisĂ©es pour reconstruire le pays. Il força alors le destin en Ă©crivant Ă  son camarade de promotion de Normale, RenĂ© Brouillet Il n'y a que par l'effort de tous, sans distinction aucune de partis que l'on peut espĂ©rer refaire une France [...]. Je ne demande rien de brillant, ni d'important mais d'utile et je n'apporte aucun gĂ©nie, mais de la bonne volontĂ©, et je crois, du bon sens. »Cette offre de service le fit entrer au cabinet du GĂ©nĂ©ral De Gaulle oĂč il allait jouer un rĂŽle grandissant jusqu'au dĂ©part du chef du Gouvernement provisoire opposĂ© au retour du rĂ©gime des partis avec lesquels il ne voulait pas se des requĂȘtes au Conseil d'État, adjoint au Commissaire gĂ©nĂ©ral au tourisme, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Fondation Anne De Gaulle, il devint en 1948 chef du cabinet du GĂ©nĂ©ral De Gaulle, c'est-Ă -dire alors son plus proche collaborateur. Ce fut le temps des premiĂšres jalousies et des premiers coups bas. Il s'en sortit bien. Il installa son influence au cur du mouvement gaulliste sans se mĂȘler aux querelles de pouvoirs et de personnes. Il s'imposa, comme toujours, par son travail acharnĂ©, sa disponibilitĂ©, ce bon sens paysan qu'il affectionnait tant et le conduisait Ă  ne prendre que des risques soigneusement 1953, changeant l'orientation de sa carriĂšre, il entra Ă  la Banque Rothschild. Jusqu'Ă  ce qu'en en mai 1958, le gĂ©nĂ©ral De Gaulle revenant au pouvoir le rappela pour en faire son directeur de cabinet. Il le restera pendant ces six mois dĂ©cisifs, de juin Ă  dĂ©cembre janvier 1959, le GĂ©nĂ©ral installĂ© Ă  l'ÉlysĂ©e, Georges Pompidou retourna au mĂ©tier de banquier auquel il avait pris goĂ»t. Il allait y rester jusqu'Ă  sa nomination comme Premier ministre, en avril 1962. Alors cet homme d'État qui Ă©tait venu Ă  la politique Ă  pas si lents que personne ne l'avait vu venir, entra de plain pied dans son destin. Il allait exercer cette fonction exigeante pendant plus de six collaborateur efficace qui se tenait soigneusement Ă  l'Ă©cart de la politique, se retrouvait ainsi du jour au lendemain au centre de tous les jeux, de toutes les manuvres, de toutes les ambitions que la politique peut susciter. Et, fait inattendu pour beaucoup qui ne connaissaient ni sa finesse d'esprit, ni sa tĂ©nacitĂ©, cet homme qui n'avait pas l'expĂ©rience d'une longue carriĂšre d'Ă©lu rĂ©ussit Ă  s'imposer Ă  ce milieu sans pitiĂ© pour ceux qui n'en connaissent pas les codes et les rĂšgles. Sa soliditĂ© fit merveille au milieu de l'agitation. Il se fixa un cap et s'y tint sans s'en laisser commentant la nouvelle Constitution, le GĂ©nĂ©ral De Gaulle avait fixĂ© la rĂ©partition des rĂŽles au PrĂ©sident de la RĂ©publique l'essentiel et le long terme. Au Premier ministre la gestion du quotidien, Georges Pompidou en fit sa grandeur, car la vie quotidienne le passionnait. Il regardait toujours la politique comme une question de civilisation et la civilisation il en voyait d'abord la manifestation concrĂšte dans la vie de tous les ne crut jamais aux grands desseins dĂ©tachĂ©s de cette rĂ©alitĂ© et il Ă©prouva toujours une mĂ©fiance instinctive vis-Ă -vis des grands systĂšmes de pensĂ©e, des grandes constructions idĂ©ologiques. Rien ne lui Ă©tait plus Ă©tranger que l'esprit de fut dans les choses concrĂštes de la vie que s'exprima sans doute le plus complĂštement son profond qui ne croyait pas que l'on pĂ»t changer la sociĂ©tĂ© par dĂ©cret parce qu'il ne croyait qu'aux lentes mĂ©tamorphoses de la civilisation, accomplit la modernisation de la France dont il sentait la nĂ©cessitĂ© par les mille dĂ©tails de la vie ordinaire. Il s'intĂ©ressa Ă  tout Ă  l'agriculture, Ă  l'amĂ©nagement du territoire, Ă  l'industrie, Ă  la recherche, aux transports, Ă  l'Ă©nergie, Ă  l'urbanisme, Ă  l'Ă©ducation...Devenu PrĂ©sident, il continue Ă  se prĂ©occuper des petits problĂšmes de la vie ordinaire Ă  travers lesquels se fabrique l'identitĂ© d'un peuple. Certains d'entre vous connaissent peut-ĂȘtre cette lettre que le PrĂ©sident Pompidou prit un jour la peine d'Ă©crire Ă  son Premier ministre et que je ne rĂ©siste pas au plaisir de vous lire tant elle est rĂ©vĂ©latrice de l'Homme et du PrĂ©sident Mon cher Premier ministre,J'ai eu par le plus grand des hasards, communication d'une circulaire du Ministre de l'Équipement - Direction des Routes et de la Circulation RoutiĂšre - dont je vous fais parvenir photocopie.[...]...Bien que j'aie plusieurs fois exprimĂ© en Conseil des Ministres ma volontĂ© de sauvegarder "partout" les arbres, cette circulaire tĂ©moigne de la plus profonde indiffĂ©rence Ă  l'Ă©gard des souhaits du PrĂ©sident de la RĂ©publique. Il en ressort, en effet, que l'abattage des arbres le long des routes deviendra systĂ©matique sous prĂ©texte de est Ă  noter par contre que l'on n'envisage qu'avec beaucoup de prudence et Ă  titre de simple Ă©tude, le dĂ©placement des poteaux Ă©lectriques ou tĂ©lĂ©graphiques. C'est que lĂ  il y a des Administrations pour se dĂ©fendre. Les arbres, eux, n'ont, semble-t-il, d'autres dĂ©fenseurs que moi-mĂȘme et il apparaĂźt que cela ne compte pas.[...] La sauvegarde des arbres plantĂ©s au bord des routes - et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordĂ©es de platanes - est essentielle pour la beautĂ© de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde d'un milieu vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et ChaussĂ©es, et de donner des instructions prĂ©cises au Ministre de l'Équipement pour que, sous divers prĂ©textes, on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n'aurait Ă©tĂ© abandonnĂ© que dans le principe et pour me donner satisfaction d' vie moderne dans son cadre de bĂ©ton, de bitume et de nĂ©on crĂ©era de plus en plus chez tous un besoin d'Ă©vasion, de nature et de beautĂ©. L'autoroute sera utilisĂ©e pour les transports qui n'ont d'autre objet que la rapiditĂ©. La route, elle, doit redevenir pour l'automobiliste de la fin du vingtiĂšme siĂšcle ce qu'Ă©tait le chemin pour le piĂ©ton ou le cavalier un itinĂ©raire que l'on emprunte sans se hĂąter, en en profitant pour voir la France. Que l'on se garde de dĂ©truire systĂ©matiquement ce qui en fait la beautĂ© ! »Cet adepte du progrĂšs Ă©conomique et de l'expansion, comme l'on disait Ă  l'Ă©poque, fut, avant tout le monde, autant prĂ©occupĂ© par le souci de donner accĂšs Ă  tous les Français aux commoditĂ©s de la vie moderne que par la nĂ©cessitĂ© d'Ă©viter un bouleversement trop brutal du mode de vie qui dĂ©racinerait totalement l'homme et l'asservirait Ă  la technique et Ă  l' loin, ne dira-t-il pas un jour Je suis de ceux qui pensent que dans cinquante ans la fortune consistera Ă  pouvoir s'offrir la vie du paysan aisĂ© du dĂ©but du siĂšcle [...] On y ajoute des piscines et des automobiles, mais ce n'est pas une modification fondamentale, il reste le besoin d'air, de puretĂ©, de libertĂ©, de silence... »En 1970, Ă  Chicago, il dĂ©clara L'emprise de l'Homme sur la Nature est devenue telle qu'elle comporte le risque de destruction de la nature elle-mĂȘme [...]. La Nature nous apparaĂźt comme un cadre prĂ©cieux et fragile qu'il importe de protĂ©ger pour que la Terre devienne habitable Ă  l'Homme. »On a tendance Ă  oublier que ce fut lui, Georges Pompidou, qui crĂ©a en France, en janvier 1971, le ministĂšre de l'Environnement qu'il confia Ă  Robert Poujade. Audace inouĂŻe pour l'Ă©poque. Robert Poujade a racontĂ© les rĂ©sistances auxquelles il fut confrontĂ© dans un livre au titre Ă©vocateur Le ministĂšre de l'impossible ».L'homme qui Ă©crivait Le plan doit ĂȘtre l'affirmation d'une ambition nationale » et qui ne cessait de rĂ©pĂ©ter Les grandes capacitĂ©s de notre agriculture doivent ĂȘtre utilisĂ©es pleinement afin de donner Ă  notre production, en quantitĂ© et en qualitĂ©, la prĂ©pondĂ©rance au sein du MarchĂ© Commun. Notre appareil commercial, intĂ©rieur et extĂ©rieur, doit ĂȘtre Ă©tendu et adaptĂ© aux formes modernes de la concurrence. Notre industrie doit accroĂźtre considĂ©rablement ses capacitĂ©s de production et poursuivre activement la transformation de ses structures. C'est dans le domaine de l'industrie que l'effort le plus grand reste Ă  faire en dĂ©pit des progrĂšs accomplis dans les derniĂšres annĂ©es.»Cet homme Ă©tait aussi celui qui affirmait Le progrĂšs doit trouver ses limites dans les bouleversements qu'il entraĂźne dans la vie des hommes et dont il est vain de croire qu'ils puissent ĂȘtre imposĂ©s au nom des seules nĂ©cessitĂ©s Ă©conomiques et des perspectives de l'avenir. ».Il ne faisait au fond qu'approfondir l'analyse qu'il avait commencĂ©e face aux Ă©vĂ©nements de Mai 68 et qui sonnait si juste lorsqu'il s'Ă©tait Ă©criĂ© Ă  l'AssemblĂ©e le 14 mai Je ne vois de prĂ©cĂ©dent dans notre histoire qu'en cette pĂ©riode dĂ©sespĂ©rĂ©e que fut le XVe siĂšcle, oĂč s'effondraient les structures du Moyen-Ăąge et oĂč, dĂ©jĂ , les Ă©tudiants se rĂ©voltaient en ce stade, ce n'est plus, croyez-moi, le Gouvernement qui est en cause, ni les institutions, ni mĂȘme la France. C'est notre civilisation elle-mĂȘme. Tous les adultes et tous les responsables, tous ceux qui prĂ©tendent guider les hommes se doivent d'y songer, parents, maĂźtres, dirigeants professionnels ou syndicaux, Ă©crivains et journalistes, prĂȘtres et laĂŻcs. »Crise de civilisation, donc Ă  ses yeux, qui commence et Ă  laquelle il appellerait bientĂŽt Ă  opposer un nouvel a dit parfois de Georges Pompidou qu'il Ă©tait conservateur parce qu'il n'Ă©tait pas rĂ©volutionnaire. On a eu tort. Qu'on lise le Nud Gordien, que l'on recense tout ce qui a Ă©tĂ© accompli par lui comme Premier ministre durant plus de six ans et comme PrĂ©sident durant prĂšs de cinq ans, sans faire d'anachronisme, sans juger une Ă©poque dĂ©jĂ  lointaine avec les prĂ©jugĂ©s de la nĂŽtre, alors on s'apercevra qu'il fut l'un des hommes d'État les plus rĂ©formateurs et les plus lucides que la France ait connu depuis la le GĂ©nĂ©ral De Gaulle, il fut Jacques Chaban-Delmas, ce fut l'incomprĂ©hension entre deux caractĂšres, deux personnalitĂ©s, deux maniĂšres d'envisager la leurs façons, ils eurent raison tous les deux. Mais ces deux raisons ne se supportaient Chaban-Delmas ne fut pas pour la Nouvelle SociĂ©tĂ© parce qu'il Ă©tait progressiste et Georges Pompidou contre parce qu'il aurait Ă©tĂ© fonciĂšrement conservateur. Mais l'un ne voyait la politique qu'Ă  travers la sociĂ©tĂ© et l'autre surtout Ă  travers la civilisation qui bouge beaucoup plus lentement. Au fond l'un proclamait en substance que toute politique implique une idĂ©e de la sociĂ©tĂ© tandis que l'autre lui rĂ©pondait que toute politique implique quelque idĂ©e de l'homme ».Mais tous les deux avaient le mĂȘme objectif amĂ©liorer le niveau de vie et la qualitĂ© de vie de tous, sans laisser quiconque de cĂŽtĂ©. Tous les deux Ă©taient attachĂ©s Ă  l'Ă©galitĂ© des chances, Ă  la rĂ©duction des Ă©carts entre les riches et les pauvres, Ă  la sauvegarde de la dignitĂ© de chacun quelle que soit sa Ă©vitĂ© ou ralenti la crise de civilisation si l'on avait poursuivi dans la voie de la Nouvelle SociĂ©tĂ© » ?C'est bien difficile Ă  les deux approches n'Ă©taient pas social de l'un et le solide bon sens de l'autre avaient pu s' fait est que le rendez-vous a Ă©tĂ© temps a fait dĂ©faut Ă  Georges Pompidou pour tirer toutes les consĂ©quences de sa pensĂ©e. En lisant le Nud Gordien, ce livre inachevĂ© qu'il a Ă©crit entre le moment oĂč il quitta Matignon et les Ă©lections prĂ©sidentielles, on se prend Ă  mesurer le temps que nous avons perdu depuis. Je pense en particulier aux pages sur l'autonomie des universitĂ©s, aux rĂ©flexions sur le baccalaurĂ©at ou sur les rapports entre l'Ă©conomie et le le plus important pour Georges Pompidou se situait plus en profondeur Quand on aura, disait-il, dĂ©truit toutes croyances, inculquĂ© le refus de tout ordre social et de toute autoritĂ©, sans rien proposer en Ă©change, rien ne servira, en prĂ©sence d'une humanitĂ© dĂ©sorientĂ©e et livrĂ©e inĂ©luctablement Ă  la domination des forces les plus aveuglĂ©ment brutales, de s'Ă©crier Nous n'avons pas voulu cela ! ».Cet homme dont l'intelligence resta en Ă©veil jusqu'au dernier moment avait pressenti qu'une Ă©poque s'achevait et pas seulement parce qu'il avait essayĂ© de tirer les leçons de Mai 68 ou parce qu'il avait anticipĂ© la crise sentit venir le dĂ©clin des vieilles nations industrielles si elles se laissaient aller Ă  vivre sur leurs acquis et il comprit tout de suite la signification du premier choc comprit aussi avant beaucoup d'autres que dans la partie dĂ©cisive qui allait s'engager la France ne pourrait pas jouer savait que le marxisme avait dĂ©jĂ  Ă©chouĂ©. Mais il ne voulait pas pour autant que la France s'infĂ©odĂąt Ă  quiconque, en particulier aux États-Unis. C'est la raison pour laquelle, tout en tournant le dos Ă  l'antiamĂ©ricanisme qui lui paraissait absurde, il entreprit en mĂȘme temps de faire franchir Ă  l'Europe un pas encore, Ă  cĂŽtĂ© de la question des moyens, c'Ă©tait la question de la civilisation qui Ă©tait pensait que la crise de la civilisation Ă©tait d'abord celle du matĂ©rialisme et qu'entre les deux matĂ©rialismes qui prĂ©tendaient se partager le monde, l'Europe avait son rĂŽle Ă  jouer pour faire prĂ©valoir une autre idĂ©e de l' nouvel humanisme qu'il appelait de ses vux pour conjurer la crise intellectuelle et morale, seule Ă  ses yeux, l'Europe Ă©tait capable de l' acte de foi dans la culture europĂ©enne allait donner Ă  son analyse gĂ©opolitique de la nĂ©cessitĂ© de l'Europe une force qui allait lui permettre de vaincre bien des choix de l'Europe, ce fut celui de l'entrĂ©e de l'Angleterre dans la communautĂ© choix de l'Europe, ce furent les premiers pas de l'Union MonĂ©taire Ă  laquelle Georges Pompidou apporta un soutien dĂ©cisif et qui devait se concrĂ©tiser vingt ans plus fit aussi le choix de la MĂ©diterranĂ©e, vers laquelle toute sa culture l'incitait Ă  tourner ses regards, en poursuivant la politique que le GĂ©nĂ©ral De Gaulle avait engagĂ©e vis-Ă -vis du monde arabe. Il savait que le sort de la France et de l'Europe se jouait aussi sur ses rivages oĂč il s'Ă©tait jouĂ© durant des par delĂ  la MĂ©diterranĂ©e, il tendit la mĂȘme main fraternelle que le fondateur de la Ve RĂ©publique Ă  l'Afrique d'HouphouĂ«t Boigny et de Senghor. Prudence et obstination », Ă©crira Ă  son propos Ă  la une du Monde, Viansson-PontĂ©, le lendemain de sa mort. Prudence et obstination », ce n'Ă©tait pas seulement son caractĂšre, c'Ă©tait la ligne qu'il s'Ă©tait fixĂ©e pour parvenir aux buts qu'il s'Ă©tait avait dit Les peuples faciles Ă  gouverner sont des peuples qui pensent peu ». Il savait que le peuple français est un peuple qui pense beaucoup et qui est donc difficile Ă  croyait Ă  la nĂ©cessitĂ© d'ĂȘtre ferme sans jamais choisir la voie de la brutalitĂ© et de la violence. C'est ce qu'il avait fait en Mai 68 quand son autoritĂ© naturelle permit d'Ă©viter le art de gouverner fut une leçon de politique. Il ne fit pas tout ce qu'il voulait. Il fit plus que la plupart des hommes d'État qui dans l'Histoire voulurent que la France puisse Ă©pouser son temps. Prudence et obstination », certes mais hauteur de vue. Prudence et obstination », assurĂ©ment mais au service d'un grand dessein. Il en eut principaux atouts d'aujourd'hui, et pas seulement le TGV, le nuclĂ©aire, ou Airbus, ont Ă©tĂ© forgĂ©s Ă  cette Ă©poque dans une synthĂšse entre la plus belle tradition rĂ©publicaine, celle du savoir et du mĂ©rite, et la plus profonde volontĂ© rĂ©formatrice. Qu'avons-nous fait depuis 40 ans de cet hĂ©ritage ? Serons-nous capables d'opĂ©rer Ă  nouveau cette synthĂšse fĂ©conde entre tradition et modernitĂ©, entre l'initiative privĂ©e et un État entrepreneur ?Dans son premier message au Parlement, le tout nouveau PrĂ©sident de la RĂ©publique avait dit Face Ă  une contestation purement nĂ©gative, un conservatisme condamnĂ© d'avance Ă  l'Ă©chec, c'est par l'action et le mouvement que peut se construire l'avenir ».Jamais peut-ĂȘtre depuis lors ces mots n'ont de nouveau sonnĂ© aussi avait dit Je veux ĂȘtre un PrĂ©sident qui gouverne ». Il avait gouvernĂ© et rĂ©ussi Ă  succĂ©der au GĂ©nĂ©ral De Gaulle, ce qui paraissait ceux qui avaient prĂ©dit que les institutions de la Ve RĂ©publique ne survivraient pas Ă  leur fondateur, il avait apportĂ© le dĂ©menti de sa tranquille 1959, il avait rĂ©pondu au questionnaire de Proust Quel est votre vertu favorite ?La est votre qualitĂ© prĂ©fĂ©rĂ©e chez l'homme ?La est votre idĂ©e du bonheur ? Au coin du feu le soir auprĂšs d'une Ăąme aimĂ©e ».On lui a fait dire beaucoup de choses qu'il n'avait pas dites. On n'a pas vu tout ce qu'il avait fait pour prĂ©parer l' comprenait la vie parce qu'il l' savait mieux que personne qu'elle n'Ă©tait pas blanche ou noire, qu'elle pouvait ĂȘtre tragique. Mais il avait dĂ©cidĂ© de l'aimer quand mĂȘme et quand pointait le dĂ©sespoir, il y avait toujours la poĂ©sie ou l'Ăąme POMPIDOU aimait profondĂ©ment la France et les Français le lui ont bien rendu ils l'ont respectĂ©, ils l'ont admirĂ©. Et enfin ils l'ont aimĂ© Ă  leur la RĂ©publique !Vive la France !
\n claude et georges pompidou l amour au coeur du pouvoir
AuCentre Pompidou, l'exposition consacrĂ©e Ă  Christo et Jeanne-Claude, reportĂ©e en raison de l'Ă©pidĂ©mie de coronavirus, aura finalement lieu du 1er juillet au 19 octobre 2020. Une exposition PubliĂ© le mardi 31 janvier 2017 Ă  06h44 Le Centre Pompidou fĂȘte ses 40 ans. En 1977, c'Ă©tait l'anti-musĂ©e rĂ©volutionnaire. Retour sur ce lieu novateur Ă  travers huit anecdotes mĂ©connues. Voici toutes les choses que l'on oublie sur le Centre Pompidou, que seuls ceux qui Ă©taient vraiment lĂ  en 1977 peuvent raconter. Claude Mollard Ă©tait alors SecrĂ©taire GĂ©nĂ©ral du Centre National d'Art et de Culture, impliquĂ© dans la conception du projet dĂšs le dĂ©but, en 1969. Il livre ici quelques secrets de fabrication. Des Ă©crans gĂ©ants avant l'heureUn grand Ă©cran de tĂ©lĂ©vision qui allait clignoter sur la ville Ă©tait prĂ©vu sur la façade. Raison pour laquelle une large place, que l'on appelait la Piazza, se dĂ©ployait devant cet Ă©cran. Le projet avait 30 ans d'avance. Les Ă©quipes avaient travaillĂ© avec des AmĂ©ricains sur des systĂšmes de diodes, mais cela coĂ»tait trop cher. Finalement, on a abouti Ă  cette façade sur laquelle on voit les visiteurs monter, alors qu'eux, peuvent voir les diffĂ©rentes strates du centre. Le parvis est en pente parce que la machine est au service de la cultureLe bĂątiment n'occupe que la moitiĂ© de l'espace disponible pour sa construction. Il ne devait pas ĂȘtre trop haut, pour respecter certaines normes. Donc il a fallu creuser, pour atteindre la hauteur souhaitĂ©e par les architectes. Par ailleurs, Beaubourg Ă©tait un anti-musĂ©e, pas question mettre la culture au-dessus des gens. L'esprit du projet c'Ă©tait celui d'une maison pour tout le monde, donc il fallait laisser les gens descendre selon les lois de la gravitĂ© naturelle. Ensuite, la machine, les ascenseurs, ou les escalators, symboles du machinisme, permettent d'accĂ©der aux expositions. C’est une sublimation du rĂŽle de la machine, comme si elle Ă©tait au service de la culture. On Ă©tait Ă  la fin de l’architecture machiniste, la fin d’une architecture sans enveloppe. Du coup, le centre est un prototype qui n’a jamais Ă©tĂ© reproduit. Le premier visiteur Roberto Rossellini En mars 2017, le centre d'art La ferme du buisson, projettera le film de Robert Rosselini sur l'ouveture du Centre Beaubourg Le premier jour le centre accueille 40 000 personnes. La descente du parvis les surprend, et c'est la camĂ©ra de Roberto Rossellini qui les filme. Le cinĂ©aste italien tourne pendant 20 jours ce nouveau public. C’est son dernier film, il est mort quelques mois aprĂšs. Jacques Grandclaude a tournĂ© le making off de ce film. Le sculpteur Jean Tinguely Ă©tait en salopette dans l'entrĂ©e du centre, et construisait un automate pendant que le public dĂ©ambulait. Le film, jamais projetĂ©, va ĂȘtre prĂ©sentĂ© Ă  l'occasion des 40 ans de Beaubourg Ă  la Ferme du Buisson, Ă  Noisiel. Bleu, vert, rouge et jauneAvant d'ĂȘtre ce bĂątiment colorĂ©, Beaubourg, a failli avoir la couleur de la Tour Eiffel, mais cela a donnĂ© une maquette rose-rouille-marron clair, peu engageante. Renzo Piano et Richard Rodgers ont alors tentĂ© les couleurs du mĂ©tro suspendu, argentĂ©. LĂ , c'Ă©tait trop clinquant. Un jour Piano et Rodgers ont dit "Puisque c'est un bĂątiment dans l'esprit industriel, on va utiliser le code-couleur de l’industrie." Ce qui donna ceci Rouge pour tout ce qui est mĂ©canique et levage. Donc les escaliers et les ascenseurs sont peints en rouge. Bleu pour tout ce qui est l’air. Donc les grands tubes de ventilation sont bleus. Jaune pour tout ce qui est Ă©lectrique. Vert pour tout ce qui est circulation d’eau. Dans les tubes verts, notamment cĂŽtĂ© rue du Renard, il y a de l’eau. ValĂ©ry Giscard d'Estaing a dĂ©crĂ©tĂ© que le rouge et le bleu sur le toit pour le boyau de ventilation et pour le mĂ©canisme d’ascenseur qui dĂ©passaient lĂ©gĂšrement Ă©taient de trop. Le toit a donc Ă©tĂ© repeint en blanc. Le Centre Pompidou vu de la rue Beaubourg Le jour oĂč Chirac sauva le CentrePompidou voulait que le chantier aille vite car il se savait malade. Tous les marchĂ©s de charpentes mĂ©talliques ont donc Ă©tĂ© passĂ©s avant sa mort. C’était Krupp qui donnait cet acier moulĂ© des coursives, moins cher que les aciĂ©ristes français. En avril 1974, le parking sous le centre, le lieu de stockage des rĂ©serves, Ă©tait presque fini, l'acier pour les structures du bĂątiment, commandĂ©, et Georges Pompidou disparaissait. En mai, ValĂ©ry Giscard d'Estaing, qui lui succĂšde, envisage de mettre fin au projet. Jacques Chirac, premier ministre, menace de dĂ©missionner s'il touche au projet. Giscard s'incline et sacrifie plutĂŽt le Centre de Commerce International. Le jour oĂč JuppĂ© sous-estima fortement le CentreAlain JuppĂ© Ă©tait conseiller Ă  l'Inspection GĂ©nĂ©rale des finances. Il estima que le Centre ne recevrait pas plus de 7 000 visiteurs par jour, et non 20 000 comme l'imaginaient ses concepteurs. RatĂ© ! Aujourd'hui la jauge quotidienne du Centre est autour de 16 000 visiteurs. Une seule fois une femmeDepuis son ouverture, 11 personnes ont dirigĂ© le Centre, parmi lesquelles une seule femme HĂ©lĂšne Ahrweiler, une grande universitaire, spĂ©cialiste des Ă©tudes byzantines. Elle n'est restĂ©e que deux ans Ă  la tĂȘte de Beaubourg, atteinte par la limite d'Ăąge en 1991. Elle a Ă©tĂ© nommĂ©e sous la prĂ©sidence de François Mitterrand. Et maintenant, tous dans la chambre ! SchĂ©ma de l'Ircam et de ses installations souterraines. La chambre anĂ©choĂŻde est en jaune L' IRCAM existe dans l'enceinte du Centre car Georges Pompidou a convaincu Pierre Boulez de rentrer de son exil en Allemagne pour s'installer dans un lieu qui serait dĂ©diĂ© Ă  la musique contemporaine sous sa direction. À sa crĂ©ation, l'Ircam Ă©tait entiĂšrement souterrain. Parmi les studios, laboratoires et ateliers de l'Ircam, il y a une chambre anĂ©choĂŻde. C'est une salle d'expĂ©rimentation dont les parois absorbent les ondes sonores ou Ă©lectromagnĂ©tiques. Les ondes se retrouvent dans les conditions dites de champ libre et ne provoquent pas d'Ă©cho pouvant perturber les mesures. DĂ©sormais, l'Ircam est constituĂ© d'une tour signĂ©e Renzo Piano, d'un volume issue d'une ancienne Ă©cole et d'un autre volume appartenant aux Bains-Douches. Vous trouvez cet article intĂ©ressant ? Faites-le savoir et partagez-le. Lessouvenirs de notre historien sur deux moments forts de Jacques Chirac sur la CĂŽte d'Azur. Yvan Gastaut, historien et maĂźtre de confĂ©rences Ă  l'universitĂ© de Nice, propose, un lundi sur Paris - De Bernard Buffet Ă  Niki de Saint Phalle, en passant par Miro, Braque, CĂ©sar des oeuvres d’art des plus grands maĂźtres du XXe siĂšcle qui dĂ©coraient l’appartement parisien de Claude et Georges Pompidou seront proposĂ©s pour la premiĂšre fois aux enchĂšres le 2 novembre, a annoncĂ© mercredi la maison Cornette de Saint-Cyr. Mis sur le marchĂ© par la famille, les 180 lots de la vente dont une partie du vestiaire haute couture de l’ex-PremiĂšre dame, le tout rĂ©sumant ce couple de collectionneurs Ă©pris d’art contemporain, de design et de mode, ami de nombreux artistes, feront l’objet d’une exposition publique Ă  partir du 29 novembre dans les salons de la maison de vente. Parmi les oeuvres qui proviennent de l’appartement du quai de BĂ©thune, une huile de Bernard Buffet, offerte par l’artiste Ă  Claude Pompidou et jamais proposĂ©e Ă  la vente, est estimĂ© entre 10 000 et 15 000 euros. Des lithographies de Niki de Saint Phalle et Georges Braque pourraient atteindre 3 000 euros. Des modĂšles haute couture Le catalogue propose aussi des modĂšles haute couture portĂ©s par Claude Pompidou dĂ©cĂ©dĂ©e en 2007, et signĂ©s Cardin, Dior, CourrĂšges, HermĂšs ou Chanel qui habilla l’ex-PremiĂšre dame pour l’investiture du prĂ©sident Pompidou. “Rompant trĂšs vite avec le protocole et la tradition, Claude Pompidou 
 a introduit au palais de l’ÉlysĂ©e un style plus moderne, moins rigide, qui contraste avec l’attitude effacĂ©e d’Yvonne de Gaulle”, rappelle la maison de vente. “De l’art abstrait et des meubles design font ainsi leur entrĂ©e au palais. Mme Pompidou s’occupe personnellement de la dĂ©coration des lieux”. SignĂ©s du designer Pierre Paulin, la salle Ă  manger et le fumoir des appartements privĂ©s de l’ElysĂ©e, ont rejoint les collections permanentes du Centre Pompidou. AFP ZObX.
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